Interview de M. André Rossinot, ministre de la fonction publique et président du Parti radical, dans "Le Figaro" du 27 janvier 1995, sur le choix du Parti radical de soutenir la candidature d'Edouard Balladur à l'élection présidentielle de 1995.

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Le Figaro : Pourquoi les radicaux s'apprêtent-ils à soutenir Édouard Balladur ?

André Rossinot : Le congrès du Parti radical aura trois objectifs : débattre et approuver le manifeste des radicaux, ensuite faire notre choix pour l'élection présidentielle, dans l'esprit de démocratie et de tolérance qui caractérise notre parti. Je me suis déjà engagé à titre personnel. Je proposerai au Parti radical de soutenir le candidat Édouard Balladur pour un certain nombre de raisons : la situation politique telle qu'elle se présente aujourd'hui, les projets en présence par rapport à notre conception de la société, autant d'éléments que je développerai le jour du congrès. Je ne doute pas que nous soutiendrons majoritairement sa candidature.

Le troisième objectif de notre congrès consistera à situer le rôle du Parti radical au sein de la future majorité. Édouard Balladur a dit qu'il n'était pas l'homme d'un parti. Et il a rappelé à la vingtaine de parlementaires radicaux qui l'ont rencontré récemment qu'il ne souhaitait pas la création d'un parti unique de la majorité. Il y a donc une place pour un espace politique qui correspond à notre philosophie, à notre histoire au centre-centre gauche.

Le Figaro : Quelle appréciation feriez-vous d'Édouard Balladur après vingt mois de participation à son gouvernement ?

André Rossinot : C'est un adepte du dialogue social. Il a une grande capacité d'écoute, d'analyse, d'expertise, puis, le moment venu, de décision. M. Balladur sait se réserver la possibilité de dire : voilà peut-être une seconde voie. Dans une société aussi difficile que la nôtre, le droit à l'expérimentation, le droit à l'erreur, puis, ensuite, la capacité d'assumer et de maintenir ses choix sont des traits de caractère et des modes de fonctionnement qui ont été d'une grande utilité pour gouverner le pays et le seront demain pour le diriger.

Le Figaro : Que répondez-vous à ceux qui disent que l'UDF doit être représentée en tant que telle à la présidentielle ?

André Rossinot : Pourquoi le dire si tard ? Lorsque l'UDF a signé avec le RPR, en 1991, un accord pour une candidature d'union, cela devait normalement avoir comme conséquence possible, a raison d'une chance sur deux, que le candidat ne soit pas issu de l'UDF. L'adhésion intellectuelle et politique à une telle situation ne date pas d'aujourd'hui. À l'issue des législatives de mars 1993 y-a-t-il eu une seule volonté au sein de l'UDF pour dire que la confédération serait présente à la présidentielle et pour préparer un candidat en conséquence ? J'observe que ce sont souvent ceux qui se sont le plus opposés aux primaires qui s'étonnent de l'absence de telle ou telle sensibilité composante de l'UDF dans le débat présidentiel.

Le Figaro : N'est-ce pas justement parce que la présence de M. Giscard d'Estaing ou de M. Barre dans la compétition leur paraissait évidente ?

André Rossinot : Valéry Giscard d'Estaing s'est toujours dit un homme du centre droit. M. Barre l'est aussi. Ce n'est pas parce que Jacques Delors est absent que M. Barre va faire une mue politique pour devenir un adepte du socialisme. Donc MM. Giscard d'Estaing et Barre sont des personnalités du centre droit. Qu'on n'essaie pas de leur faire jouer un autre rôle. Cet espace est actuellement remarquablement occupé par Édouard Balladur. Et le fait est qu'une large fraction des dirigeants, mais surtout des électeurs favorables à l'UDF se sont tournés vers lui Charles Millon se considère comme le détenteur de la vraie croix de l'UDF. S'il regardait autour de lui, il verrait que, dans le groupe parlementaire qu'il dirige, il est très isolé et que sa légitimité s'affaisse gravement.

Le Figaro : Quel rôle peuvent jouer les radicaux dans la future majorité présidentielle ?

André Rossinot : Nous publierons le manifeste du Parti radical début février, dans le cadre de notre congrès. Si nous avions aujourd'hui à définir le radicalisme tel que nous l'entendons en quatre mots, nous dirions « humaniste, laïque, social et européen ». Il y a une légitimité pour deux centres, un centre qui s'appuie sur la philosophie démocrate-chrétienne, qu'incarne aujourd'hui François Bayrou, et un centre-centre gauche, humaniste, laïc, républicain, de tradition très ancienne dans notre pays. Je réfute donc la confusion des centres.