Article de M. André Rossinot, ministre de la fonction publique, dans "La lettre de la DIV no 7" du 23 novembre 1994, sur la reconquête des quartiers en difficulté et l'affectation de fonctionnaires dans le cadre de la politique de la ville.

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Média : La Lettre de la DIV

Texte intégral

Les services publics sont un des moyens prioritaires de la reconquête sociale et urbaine des quartiers en difficultés. Leur absence ou leur insuffisance dans trop de banlieues de nos villes est un facteur aggravant des mécanismes de l'exclusion sociale.

L'intégration à la société passe par la fréquentation quotidienne des services publics, qui permette à chacun d'exercer pleinement ses droits de citoyens. Or, l'histoire urbaine de ces 40 dernières années a privé beaucoup de ces quartiers de plusieurs des fonctions sociales qui caractérisent normalement la ville ?

C'est pourquoi le Premier ministre m'a demandé de mettre en place une politique de retour des services publics dans ces quartiers.

J'ai d'abord reçu mandat d'établir, par grand domaine d'action, santé, sécurité, éducation, postes, transports, des tableaux de bord, qui permettent de mesurer objectivement l'écart de dotation en services et en équipements publics entre les quartiers en difficulté et le reste de la ville. Les préfets de département, pour lesquels cet outil est conçu, disposeront donc désormais de données rigoureuses pour impulser, avec les élus et les chefs de services concernés, des politiques de redéploiement et d'affectation prioritaire de moyens en faveur des zones urbaines les plus déshéritées. Implanter des équipements est nécessaire mais pas suffisant. Il faut y affecter des fonctionnaires motivés, suffisamment stables pour être efficaces et expérimentés.

Dès l'été 1993, j'ai, en collaboration étroite avec chaque département ministériel, orienté la nouvelle bonification indiciaire, prime destinée à rémunérer une technicité ou une responsabilité particulière, vers la politique de la ville. 18  000 fonctionnaires affectés dans les quartiers où se posent des problèmes sociaux en ont déjà bénéficié.

J'ai ensuite proposé au Parlement de prendre 2 mesures législatives qui prévoient que désormais lorsqu'un fonctionnaire aura accompli plusieurs années dans un quartier difficile, il bénéficiera d'une mutation prioritaire pour le poste de son choix et d'un avancement d'échelon accéléré (loi du 25 juillet 1994). La première mesure est un véritable contrat passé entre l'État et le fonctionnaire, par lequel ce dernier s'engage à rester 5 ans dans le même quartier, s'y investir pleinement, et l'État, en contrepartie, s'engage à lui assurer, à l'issue de cette période, une mutation avantageuse. La deuxième mesure consiste à faire bénéficier les agents affectés dans ces quartiers d'un avantage spécifique d'ancienneté pour l'avancement d'échelon, de 1 mois par année passée dans un quartier ou cours des 3 premières années, puis de 2 mois les années suivantes. Un fonctionnaire affecté dans un de ces quartiers, et qui y reste plusieurs années, bénéficiera désormais d'avantages de rémunération, de mutation et de déroulement de carrière. Ainsi, en moins de 18 mois, le Gouvernement s'est donné les moyens effectifs de conduire cette politique de retour des services publics dans les quartiers.