Déclaration de M. Alain Lamassoure, ministre chargé des affaires européennes, en réponse à une question sur l'aide financière française à la reconstruction de Sarajevo, à l'Assemblée nationale le 8 juin 1994.

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Circonstance : Séance de questions orales à l'Assemblée nationale le 8 juin 1994

Média : Propos sur la défense

Texte intégral

Q. : Ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères. Depuis le début du conflit yougoslave, la grande majorité des résolutions votées par l'ONU n'ont cessé d'être bafouées voir violées dans le quart d'heure suivant lorsqu'il s'agissait de cessez-le-feu.

Le résultat, malheureusement, on le connaît : ce sont des milliers de morts et des dizaines de milliers de blessés. C'est aussi un degré de destruction des villes, notamment de Sarajevo, que l'on imagine mal en voyant les images à la télévision, mais que plusieurs membres du gouvernement et un certain nombre de députés de toute appartenance ont pu constater en allant sur place. Or, au milieu de ce chaos, apparaît une petite note d'optimisme, une petite lueur d'espoir : la résolution 900, proposée notamment par la France puis adoptée par l'ONU, et qui prévoit la reconstruction de Sarajevo. Il faut savoir qu'il n'y a plus rien à Sarajevo : ni eau, ni électricité, ni télécommunications, ni routes, ni écoles, ni hôpitaux. Je me demande d'ailleurs comment on peut prôner plus de guerre, plus d'armes, plus de sang, compte tenu de la gravité de cette situation ! Conformément à la résolution 900, a été constituée une mission présidée par l'ancien ambassadeur Eagleton, dont le numéro deux et de nombreux membres sont Français. Elle est allée sur place estimer les dégâts et définir un programme d'action pour restaurer Sarajevo.

La France n'a pas attendu cette mission puisque le Gouvernement a annoncé, dès la semaine dernière, l'attribution, dans le cadre d'un accord bilatéral, d'une aide de 25 millions de francs affectée à un programme de rétablissement de l'électricité dans un des quartiers de la ville. Malheureusement, 25 millions, c'est peu par rapport aux besoins. La mission Eagleton a, en effet, évalué à 3 milliards de francs, pour commencer, les aides qui devront être versées aux Serbes et aux Croates. La France a toujours pris les devant à Sarajevo, que ce soit pour la protection des populations ou en matière financière. Que compte faire le Gouvernement pour mobiliser la Communauté européenne, la communauté internationale et les fonds privés, en vue d'apporter un peu d'espoir à ce peuple dont la situation est désespérée ?

R. : Monsieur le député, vous avez raison de rappeler d'abord qu'aujourd'hui Sarajevo est enfin en paix, et cela depuis plus de deux mois, contrairement à certaines informations données récemment. Vous avez raison de rappeler, aussi le rôle que la diplomatie française, et, d'abord, le ministre des Affaires étrangères, a joué pour obtenir l'ultimatum qui aura été déterminant pour permettre à la paix de revenir à Sarajevo. Certes, la situation y est encore précaire, la liberté de circulation n'est pas encore totale mais la vie normale reprend peu à peu.

Je voudrais commencer par rendre hommage à l'ambassadeur de France à Sarajevo, seul représentant étranger qui soit resté en permanence dans la ville, tout au long du siège. Je peux aussi rendre hommage à nos soldats sous le casque bleu de la FORPRONU, notamment aux éléments du génie et à ceux du bureau des affaires civiles qui, sous les bombes, ont maintenu les services publics.

Aujourd'hui, et grâce à la résolution 900 du Conseil de sécurité, nous pouvons enfin, commencer à reconstruire Sarajevo. La France, là encore, est en pointe puisqu'elle a été le premier pays à passer un accord avec l'agence de coopération récemment créée par les autorités bosniaques. Un premier crédit de 25 millions de francs sera essentiellement consacré au rétablissement de l'alimentation électrique de l'agglomération, à des actions diverses en matière de transport ainsi qu'à la reconstruction de la bibliothèque de Sarajevo, où nous venons d'ailleurs d'ouvrir un centre culturel. Nous serons également présents à Mostar, puisque l'Union européenne a proposé d'administrer provisoirement cette ville. Là aussi, la France prendra ses responsabilités.

Cela étant, vous avez raison, nous ne pouvons pas tout faire tout seuls. C'est pourquoi nous avons provoqué, une conférence de tous les donateurs potentiels, publics et privés, sous l'égide de l'ONU : elle aura lieu dans quelques semaines à New York. Bref, monsieur le député, la France a été en première ligne pour faire cesser les hostilités à Sarajevo, elle est en première ligne pour imposer la paix sur l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine, elle entend être, aussi, en première ligne pour reconstruire la Bosnie.