Interview de M. Georges Sarre, président délégué du Mouvement des citoyens et député maire du XI ème arrondissement de Paris, dans "Le Parisien" du 14 octobre 1998, sur le fonctionnement de l'administration parisienne, suite à la publication d'un rapport sur la gestion municipale du maire de Paris.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Georges Sarre - Président délégué du Mouvement des citoyens et député maire du XI ème arrondissement de Paris ;
  • Nathalie Segaunes - Journaliste

Média : Le Parisien

Texte intégral

Le Parisien :
Quel jugement portez-vous sur ce rapport ?

Georges Sarre :
Il est d’une pauvreté absolue sur le fond, indigne d’un cabinet d’audit. En revanche, il est riche en poncifs éculés. Un stagiaire de l’ENA aurait sans doute fait mieux ! Les auteurs de l’audit ont une approche idéologique entrepreneuriale, réduisant la Mairie de Paris au statut de collectivité administrative sclérosée qui devrait adopter les modalités de management des entreprises. La Mairie de Paris est traitée comme un objet abstrait. Or, on ne peut ni comprendre ni traiter les dysfonctionnements d’une administration aussi structurée et importante si on fait abstraction de son double statut juridique et territorial, de département et de commune. De plus, à aucun moment, l’organisation structurelle n’est évoquée en profondeur. L’audit évoque telle ou telle structure, sans jamais la restituer dans ses relations complexes avec le cabinet du maire, les autres directions, les mairies d’arrondissement et l’extérieur. Il en résulte une approche étriquée et donc parcellaire, conduisant soit à des propositions extrêmement générales, soit à des approximations. On peut se demander si les auteurs ont bien perçu la réalité complexe de l’administration parisienne.

Le Parisien :
La méthode employée trouve-t-elle au moins grâce à vos yeux ?

Georges Sarre :
Pas du tout. Cet audit contient des faiblesses majeures de méthodologie. Page 3, on nous dit que 130 personnes ont été rencontrées. De qui s’agit-il ? Sur quels critères ont elles été choisies ? Ont elles été entendues sur leur lieu de travail ? Il avait été indiqué à tous les cadres qu’ils seraient entendus s’ils le souhaitent. Certains ont émis le vœu de rencontrer quelqu’un, ils n’ont jamais reçu de réponse. Page 4, on nous parle d’une enquête auprès de 2 000 cadres. Aucune synthèse de cette enquête ne nous est présentée. Page 16, on découvre une présentation peu rigoureuse, voire fallacieuse, de l’état d’esprit des cadres de la Ville. On nous dit que 64 % ne se sentent ni reconnus ni respectés, ce qui traduit pour le moins un malaise. Or page 14, on nous explique qu’on a identifié de nombreuses pratiques exemplaires parmi les cadres. Ce type de contradiction dans les modes de raisonnement rend la démonstration peu convaincante.

Le Parisien :
Dans ces conditions, à quoi sert un tel apport ?

Georges Sarre :
L’équipe municipale ne souhaitait qu’une chose, avoir un document pour faire sauter le secrétaire général et le remplacer par un proche de Jean Tiberi. A part ça, je ne sais pas combien ce rapport a coûté à la Ville, mais je n’en vois pas l’utilité. N’importe qui ayant les yeux en face des trous sait tout cela depuis longtemps.

Le Parisien :
Quel est, selon vous, le problème de l’administration parisienne ?

Georges Sarre :
Le maire, depuis 1995, a souhaité avoir une équipe à sa main, ce qui est normal. Mais il s’y est mal pris. Car toute sa confiance allait à son cabinet, pas à l’administration. Les directeurs des services se sont donc retrouvés marginalisés et démotivés. La logique, c’est pourtant de s’appuyer sur son administration. Quand le message est clair, il passe et l’administration tourne. L’ennui, c’est que depuis 1995, il n’y a pas de souffle, pas d’imagination, pas de projet. Tout cela ne peut pas venir de l’administration, mais du maire et de son équipe. Or tous ces gens sont usés, à bout de souffle. Paris manque de matière grise. Le carburant qui va faire fonctionner cette ville ne se trouve certainement pas dans un audit.