Texte intégral
O. Mazerolle :
Les actes de violence se multiplient. Vous comprenez que les agents de conduite se mettent en grève pour répliquer à ces actes ?
J.J. Queyranne :
« Je comprends qu’ils subissent des agressions très dures et qu’ils aient tendance à réagir. Ceci étant, faire la grève c’est aussi pénaliser les usagers. Donc, réagir, oui ; mais il faut faire attention que le service public soit assuré ».
O. Mazerolle :
La preuve est faite des actes de délinquance peuvent bloquer des réseaux entiers de transports en commun.
J.J. Queyranne :
« Malheureusement, il y a eu augmentation des actes de délinquance, des phénomènes de violence à l’encontre notamment des conducteurs de bus et de trains. Ce sont des actes inadmissibles, intolérables. Nous l’avons exprimé au nom du Gouvernement – le Premier ministre le dira ce soir à la télévision. Ce sont des actes absurdes parce que ceux qui les commettent se pénalisent eux-mêmes, ils pénalisent leurs propres quartiers qui ne sont plus desservis ».
O. Mazerolle :
Ils en sont là, croyez-vous ! Est-ce que vraiment ils se posent ce genre de questions ?
J.J. Queyranne :
« Je n’ai pas le sentiment, sinon un peu de réflexion les conduirait à dire : mais c’est nous les premières victimes ».
O. Mazerolle :
Le fait que ces actes de violences se multiplient, malgré les mesures prises, montre bien que tout ce qui a été fait jusqu’à présent n’est pas suffisant.
J.J. Queyranne :
« Beaucoup de choses ont été engagées, notamment sur le plan des moyens. Mais cela se met en place à travers des mesures techniques, notamment les liaisons des bus avec les services de police ; la coordination qui doit être la meilleure sur ce plan là. Encore que, dans les tas d’agressions qui se sont produites ces derniers jours, je vous signale que la police ou les services de la RATP sont intervenus dans les cinq minutes. Donc, les agresseurs ont pu être arrêtés, notamment à Mantes-la-Jolie. Cela montre une efficacité du dispositif. Mais il faut qu’il se renforce, à la fois en moyens techniques, et aussi en présence humaine ».
O. Mazerolle :
Présence humaine, cela veut dire : les sociétés de transport ou la police ?
J.J. Queyranne :
« La police s’est engagée très vite. J’ai reçu, la semaine dernière, le président Gallois. J’ai mis tout de suite, sur le réseau Saint-Lazare des compagnies de CRS. Nous avons mis aussi des gendarmes mobiles dans le métro, deux compagnies dans la RATP. Nous avons engagé 400 hommes de plus au niveau de la police nationale et de la gendarmerie – ce qui est important – en plus des moyens ordinaires, puisqu’il faut savoir qu’il y a 950 fonctionnaires spécialisés qui participent soit à la Brigade du rail, soit celle qui est chargée de la sécurité dans le métro et le RER ».
O. Mazerolle :
Les agents disent : ça prouve qu’il n’y a pas assez de monde dans les gares. Il faut que la SNCF et la RATP recrutent ?
J.J. Queyranne :
« La SNCF s’est engagée sur ce plan. La présence humaine est essentielle. On a sûrement, dans les dernières années, au nom de la productivité, d’une analyse économique un peu à courte vue, diminué la présence humaine, c’est vrai. Ils ont engagé des embauches, notamment en agents de médiation, en emplois-jeunes. C’est une présence humaine qu’il faut consolider. Je me rends compte que, dans les réseaux de transport en commun de province, quand il y a eu des emplois de médiation – souvent des jeunes issus des quartiers ont été embauchés pour être présents dans les bus – il y a une efficacité incontestable ».
O. Mazerolle :
Il n’y a pas une tentative de se renvoyer la balle : la police dit que c’est la faute de la SNCF, la SNCF dit que la police n’est pas présente.
J.J. Queyranne :
« La police est présente, mais elle ne peut pas être en permanence dans tous les autobus et dans tous les trains. Il y a la nécessité d’une présence humaine forte pour assurer cette sécurité minimum à laquelle les voyageurs ont droit ».
O. Mazerolle :
Sur le plan local, est-ce que ce qui se passe en ce moment ne relance pas le débat autour de l’utilité des polices municipales ?
J.J. Queyranne :
« Le problème ne relève pas spécialement des polices municipales. Encore que dans les Contrats locaux de sécurité – 120 ont été signés à ce jour –, pratiquement tous comprennent des mesures de relations avec les organismes de transport. Il s’agit, là encore, d’utiliser tous les moyens : police nationale, services de sécurité qui peuvent exister dans les grandes entreprises, moyen de prévention. Je vois, par exemple, que les responsables, les conducteurs de bus de la RATP, en province, ont rencontrés les jeunes, leur expliquent ce qu’est le métier, quelles en sont les difficultés, les grandeurs. Cela montre à ces jeunes que s’attaquer à des conducteurs, des bus, c’est vraiment se pénaliser soi-même ».
O. Mazerolle :
J.P Chevènement avait fait beaucoup de bruit au printemps dernier, quand il avait parlé de sauvageons qui vivent dans la virtualité. Il avait, au mois de mars dernier, adressé une circulaire aux préfets, les engageant à mettre tous les moyens possibles pour lutter contre la délinquance. Ça n’empêche pas qu’elle progresse.
J.J. Queyranne :
« Ce sont les moyens qui sont engagés, nous devons faire face aux difficultés, à la déstructuration d’un certain nombre de jeunes qui ont perdu les repères. C’est une action qui, à la fois, relève de la répression – parce qu’elle est indispensable. Et le Premier ministre annoncera, ce soir, une mise en place au niveau de l’échelle des peines dans le domaine des agressions contre les agents des services publics des transports ; une volonté d’aggraver pour prendre en compte les circonstances qui sont inadmissibles. Il y aura, sur un certain nombre d’articles, aggravation des sanctions quand elles concernent des agents des transports publics ».
O. Mazerolle :
On parle beaucoup de l’exemple new-yorkais, où les policiers les plus efficaces sont récompensés. On peut envisager ça en France ?
J.J. Queyranne :
« Il y a eu, à New-York, des résultats importants dans le métro. Mais nous sommes dans une logique de ne pas laisser passer, et d’intervenir le plus possible de façon coordonnée avec les services de transport, et de réprimer, mais aussi d’essayer de prévenir ».
O. Mazerolle :
Vous allez en Corse, tout à l’heure F. Hollande a déploré que certains élus corses semblent ne pas vouloir le retour de l’État de droit. Il y a vu cette volonté par l’élection de P. Natali, mis en examen dans une affaire de marchés publics.
J.J. Queyranne :
« Les élus en Corse doivent comprendre que l’État de droit est indispensable pour la Corse. Il y a une demande de la population, mais aussi, au-delà de ceux qui habitent en Corse – on l’a vu cet été avec le succès de la saison touristique. Pour que la Corse redevienne une terre où la violence, l’agression, le chantage… »
O. Mazerolle :
Mais est-ce qu’ils le comprennent ?
J.J. Queyranne :
« Je l’espère, en tout cas c’est l’intérêt de la Corse ».
O. Mazerolle :
J. P. Chevènement va mieux ?
J.J. Queyranne :
« Je l’ai vu mardi. Il va mieux. Il a récupéré sur le plan intellectuel. Maintenant, il y a toute la récupération physique. Il m’a dit, justement en parlant de la Corse, qu’au cours de ces derniers jours, il y avait deux bonnes nouvelles qui avaient contribué à le remettre en forme : la victoire de G. Schröder, et les actions de police judiciaire en Corse ».