Interview de M. Bernard Kouchner, député européen PS et président de la commission coopération et développement du Parlement européen, dans "Le Parisien" du 23 novembre 1994, sur la création à son initiative et à celle de M. André Ruffo, juge de la Cour de Québec, d'un tribunal international des droits des enfants pour lutter notamment contre la pédophilie.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Bernard Kouchner - député européen PS et président de la commission coopération et développement du Parlement européen ;
  • Pascale Gerin - Journaliste

Média : Le Parisien

Texte intégral

Le Parisien : Pourquoi créer ce tribunal aujourd'hui ?

Bernard Kouchner : Cette année est celle du cinquième anniversaire de la Déclaration universelle des droits des enfants signée par cent cinquante États et, cependant, on ne fait toujours rien. On s'indigne, dans le meilleur des cas. Notre tribunal, composé de cinq magistrats, un par continent, siégera à Montréal (Canada), avec une antenne dans chaque pays signataire. Nous comptons sur l'ONU, et les médias pour se faire l'écho des décisions rendues.

Le Parisien : Le procès d'un professionnel du tourisme sexuel s'ouvre aujourd'hui à Turnhout, en Belgique. Les institutions actuelles, nationales ou internationales, ne suffisent-elles pas pour s'occuper du problème des mauvais traitements subis par les enfants, en particulier ceux victimes de pédophiles ?

Bernard Kouchner : Je ne peux pas me réjouir de ce procès. Mais cela ne suffit pas. Au-delà de la condamnation pénale des pervers et de ceux qui exercent ce commerce sexuel, il faut punir les pays qui autorisent la pédophilie, Pays qui, je tiens à le souligner, sont tous signataires de la Convention des Nations unies relative au droit des enfants. Notre tribunal international servira à cela, dénoncer non seulement les « charters sexuels », mais également les États qui tolèrent ce tourisme lucratif.

Le Parisien : Quels seront vos moyens et comment allez-vous procéder ?

Bernard Kouchner : Les organisations non gouvernementales (ONG), aidées d'enquêteurs et d'avocats, nous aideront à répertorier les affaires les plus urgentes. Par ailleurs, tout le monde pourra déposer plainte dans nos bureaux car s'il est vrai que la moitié de notre travail concernera le tiers monde, l'autre moitié, il ne faut pas l'oublier, se passe en Europe. À terme, il sera possible de déposer une plainte auprès de nos antennes, dans chaque pays.

Le Parisien : Et les sanctions ?

Bernard Kouchner : À terme, nous espérons pouvoir faire punir, par exemple en faisant interdire de séjour en Europe et aux États-Unis leurs ressortissants, les pays qui ne respectent pas les enfants ; aussi bien ceux qui posent les mines antipersonnel qui tuent ou mutilent les enfants, ou encore s'enrichissent du trafic d'organes. C'est ambitieux mais, à la longue, nous y arriverons.