Interview de M. Jean-Louis Debré, ancien ministre de l'intérieur et président du groupe parlementaire RPR à l'Assemblée nationale, à RTL le 9 octobre 1998, à France Inter le 19 et à RMC le 21, sur les statistiques de la délinquance, le Pacs, les manifestations des lycéens et l'unité de la droite.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC FR3 - Emission L'Invité de RTL - France Inter - RMC - RTL

Texte intégral


Question
Vous avez été ministre de l'Intérieur. Alors que dites-vous de ce que le Premier ministre a annoncé pour la sécurité dans les transports en commun : des sanctions plus dures contre les agresseurs, des possibilités pour les contrôleurs de faire des relèves d'identité, et puis des dispositifs techniques pour localises les autobus ?

J.-L. Debré
- "D'abord, j'ai trouve qu'en fait, le Premier ministre, à la suite de son intervention, apparaît comme le garant de l'immobilité et de l'apparence. C'est un parfait illusionniste. Alors, il dit que l'ordre est une valeur de gauche. J'ai le sentiment que chaque fois que les socialistes passent à un endroit, ils sèment le désordre. Je vais prendre quelques exemples."

Question
Vous voulez dire que l'ordre, c'est une valeur de droite plutôt ?

J.-L. Debré
- "C'est une valeur qui échappe aux socialistes. Lorsque L. Jospin est arrivé au Gouvernement, il y avait depuis plusieurs années en France une diminution des crimes et délits. Aujourd'hui, même si le Gouvernement ne diffuse plus les statistiques, il y a une augmentation de la délinquance en France, qui est de l'ordre de 3 %. Comme elle est moins importante dans les zones rurales et plus importantes dans les zones urbaines, vous voyez le résultat d'un an de socialisme. En ce qui concerne la lutte contre l'immigration illégale, c'est-à-dire le respect de la loi, c'est-à-dire le respect de l'ordre, de règlements en circulaires, de lois interprétatives, on ne fait plus respecter la loi. Autre exemple, parce que la notion d'ordre, ce n'est pas uniquement les crimes et délits. En ce qui concerne la lutte contre les mineurs, il y a longtemps que nous réclamons - et j'avais commencé a le faire il y a quelques années - une modification de la législation pour faire en sorte que pour les jeunes mineurs, les très jeunes mineurs - et la délinquance des mineurs est de plus en plus le fait de jeunes - il y ait des sanctions et des sanctions effectives. Nous avions commencé à le faire."

Question
Donc tout allait bien avec vous et là…

J.-L. Debré
- "Attendez, attendez, je continue. Aujourd'hui, on annonce qu'on va faire des contrôles d'identité. Mais je me souviens, j'ai encore présents a l'oreille les cris d'orfraie, lorsque nous avons rétabli des contrôles d'identité. Les socialistes expliquaient..."

Question
Alors, ce n'est pas si mal, de votre point de vue, s'ils se rapprochent de ce que vous disiez ?

J.-L. Debré
- Ils sont encore loin. Simplement, moi je constate la réalité et la réalité, c'est : lorsque la droite est au pouvoir, l'insécurité recule - prenez les statistiques - et depuis un an, l'insécurité a progressé en France. Le nombre des crimes et délits a augmenté Et là où le Premier ministre n'est pas sincère, c'est que lorsqu'il fait un constat, pourquoi ne dit-il pas publiquement son échec depuis un an ? Pourquoi n'a-t-il pas avoué devant les Français ce qu'il masque devant les députés ?"

Question
Qu'est-ce qu'il masque ? Vous allez nous le dire ?

J.-L. Debré
- "C'est l'augmentation de la délinquance en France ! + 3 %."

Question
Lorsque...

J.-L. Debré
- "Attendez."

Question
Est-ce que je peux vous poser une question quand même ?

J.-L. Debré
- "Sur le désordre, non seulement il sème le désordre en ce qui concerne la lutte contre l’insécurité, mais il sème le désordre dans les familles et dans les finances. On va en parler, si vous le voulez."

Question
Quand il dit aux jeunes agresseurs que leur attitude est absurde et qu’il ajoute, à l’intention des grévistes, qu’ils ne doivent pas surréagir, qu'en pensez-vous ?

J.-L. Debré
- "Ce qui m'intéresse, c'est la réalité. Or, dans la réalité, on voit bien depuis un an qu'on a levé le pied dans la lutte contre l'insécurité."

Question
Autre question, vous venez de parler des familles. Je pense que vous pensiez au Pacs, qui va commencer à être discuté dans une heure, qui va commencer a être discuté à l'Assemblée. Est-ce que vous ne croyez pas le Premier ministre, quand il dit que le Pacs ne revient pas automatiquement à aller contre l'institution familiale, à aller vers le mariage homosexuel ?

J.-L. Debré
- "Regardons le scénario. Il y a quelques mois, le Gouvernement a porté atteinte aux allocations de garde d'enfant - suppression de I'AGED - a mis sous condition de ressources les allocations familiales. Bref, il y a quelques mois..."

Question
Attendez, parlons du Pacs.

J.-L. Debré
- "Attendez, vous ne voulez pas voir la réalité. Il y a quelques mois, on a porté atteinte et on a cherché à porter atteinte à la famille et au mariage. Première séquence. Deuxième séquence, on essaye de désacraliser le mariage et on essaye de banaliser d'autres unions. Je suis très clair, chacun a le droit de vivre comme il l'entend. La vie privée concerne les individus et non pas la société, mais on fait rentrer la société pour promouvoir des unions et favoriser des unions qui sont des unions hors manage. Il y a quelques mois, on a supprimé des avantages fiscaux aux familles - 6 milliards - et aujourd'hui, on va donner 6 milliards à des unions qui ne sont pas des unions dans le mariage."

Question
Je voudrais savoir une chose. Si l'opposition revient au pouvoir, elle devra, scion vous, supprimer le Pacs ?

J.-L. Debré
- "Oui, je le crois."

Question
Ce sera dans le programme ?

J.-L. Debré
- "Ce n'est pas a moi de le mettre dans le programme. Je dis simplement : l'opposition, quand elle reviendra au pouvoir, devra tout faire pour avoir une véritable politique de la famille et devra tout faire pour que les parents, qui veulent avoir des enfants, puissent avoir librement des enfants, et non pas en subir dans leur vie quotidienne. Voila ce que fera l'opposition."

Question
Avoir librement des enfants dans le cadre du mariage ?

J.-L. Debré
- "Dans le cadre du mariage ou de l'union libre, mais elle ne peut pas et elle ne doit pas favoriser des mariages homosexuels. Les gens qui sont homosexuels ont le droit de l'être, c'est leur problème, mais la société n'a pas à encourager ou à favoriser ces unions."

Question
Parlons d'un autre couple, celui de la cohabitation.

J.-L. Debré
-" Le parallèle est quand même..."

Question
C'était une transition. L. Jospin déclare qu'il ne critique jamais le Président Chirac. Est-ce qu'il y a un risque, à vos yeux, que les mises en garde du Président Chirac au Gouvernement apparaissent trop systématiques ?

J.-L. Debré
-"Elles ne m'apparaissent pas systématiques. Je crois que chaque fois que le Président de la République est intervenu, c'est pour rappeler au Gouvernement un certain nombre d'objectifs, et c'est pour le mettre en garde de son immobilisme et de ses erreurs. Le Président de la République, qui est l'arbitre du bon fonctionnement des institutions et qui, dans l'esprit de la Constitution de la Vème République, est le guide de la nation, est dans son rôle quand il marque la direction."

Question
En juillet dernier, le Président Chirac reprochait à l'opposition ses querelles internes. Vous considérez que cela s'arrange actuellement, et que le lien avec l'opposition est meilleur ?

J.-L. Debré
- "Je crois que dans l'opposition, tout est clair. Nous travaillons tous ensemble et nous avons une volonté, c’est de préparer l'alternance."


lundi 19 octobre
 
Face a la domination du RPR dans l'opposition, à côté des divisions des centristes, cette question : la droite est-elle trop à droite ? La convention libérale organisée par Démocratie libérale a donné à A. :Madelin l'occasion de poser la question et d'y apporter sa réponse. S'adressant à N. Sarkozy, qui se dit plus à droite que  libérale, A. Madelin affirme être plus libéral que de droite et de défendre un “humanisme libéral” - pour reprendre la formule qui il utilise revendiquant fraternité et solidarité. Propos aussitôt suivi d'un appel au rassemblement dans un mouvement où cohabitent les points de vue très différents sur l’attitude à avoir vis-à-vis des présidents de région élus avec les voix du Front national, J. Blanc et C. Millon, pour ne citer que ceux-la. Et de conclure qu’il serait absurde de faire de ce clivage la ligne de partage de la vie politique française.

Question
J.-L. Debré, vous êtes président du groupe parlementaire RPR à l’Assemblée nationale. Avant de parler de la politique française, tout de même, votre point de vue sur l'arrestation d'A. Pinochet ?

J.-L. Debré
- "Je condamne toutes les dictatures quelles qu'elles soient et quelles que soient leur inspiration et ‘’leur idéologie’’. Donc, je me félicite que Pinochet ait à répondre de ses actes devant la justice. Mais je vous l'ai dit : je ne fais aucune distinction entre des dictatures de droite ou de gauche, d'ailleurs, je ne sais pas ce que c'est qu'une dictature de droite et je ne sais pas ce que c'est une dictature de gauche ; par contre, je sais ce que c'est qu'une dictature et je souhaite que la communauté Internationale, que le droit international condamnent et jugent tous les dictateurs, quels qu'ils soient."

Question
Donc, pas question pour vous, que l’on puisse, s'agissant de cette affaire, faire jouer l’immunité diplomatique que revendique A. Pinochet, aujourd'hui ?

J.-L. Debré
- Je souhaite simplement que l'Etat de droit soit le même pour tout le monde, que l’on soit un puissant ou un faible, un dictateur ou un simple citoyen."

Question
On ne peut "avoir été" un ancien dictateur, on "est" un dictateur : quand on l'a été, on le reste ?

J.-L. Debré
- "Tout a fait. Ce n'est pas la notion de dictateur : le dictateur, on lui reproche des crimes. L'Etat de droit, ce n'est pas de reprocher à quelqu'un un état ; on fait le reproche a quelqu'un d'avoir commis des actes contre le droit. En l'occurrence, est-ce vrai, oui ou non, qu'il a commis des crimes contre des personnes ? Si c'est vrai, il doit y répondre."

Question
Le débat dans l'opposition : avez-vous le sentiment qu'A. Madelin, après cette convention libérale qui vient de se tenir, chasse, au fond, sur les termes du RPR ? Le gaullisme a toujours revendiqué une fibre sociale et voila qu'A. Madelin dit : "Le libéralisme tel que nous le définissons, c'est un libéralisme social, fraternel et de partage."

J.-L. Debré
- "Je me réjouis qu'il y ait, dans le libéralisme de Madelin, une dimension sociale comme i1 y a dans le gaullisme, effectivement, une dimension humaine, sociale et fraternelle."

Question
Aussitôt qu'il a prononce cette définition d'un humanisme libéral, il appelle à se prononcer sur le rassemblement au sein  de son mouvement autour, notamment, de la question des présidences de régions élues grâce aux voix du Front national en disant qu'on ne peut en faire une ligne de partage.

J.-L. Debré
- "C'est son problème à lui. En ce qui concerne le RPR, le gaullisme, nous avons à être à la fois les défenseurs de la France mais aussi de la modernisation de notre pays autour d’un certain nombre de thèmes qui sont le thème de la nation, le thème de 1'Etat et le thème de la dimension sociale de l'ensemble de ces problèmes."

Question
Le président de la République, quand rnême, sans se prononcer ouvertement, mais par son comportement, notamment quand il a rendu visite à C. Millon, avait quand même montre qu'il ne pouvait pas souscrire à cette définition-là du rassemblement ?

J.-L. Debré
- "Ce que font les partis, c'est une chose. Ce que fait le Président de la République, c'est autre chose. Je crois que ce que nous devons faire tous, que nous soyons gaullistes ou libéraux, c'est de moderniser notre discours politique, c’est d’actualiser notre discours politique et de faire des propositions. Alors, le rassemblement des Français ne se fait pas autour d'hommes, il se fait d'abord autour d'idées et de propositions. Je crois que c'est bien que dans l'opposition, à côté de l'effort de réflexion qui est celui du RPR, il y ait un effort de réflexion qui est celui des libéraux. II y a - on le sait parce que c'est la configuration de l'électorat français - dans l’électorat de la droite, pour parler simple, plusieurs composantes. Que toutes ces composantes fassent un effort de réflexion, c'est comme cela qu'arrivera l'alternance."

Question
Pour la définition des multi composantes, pourquoi pas, après tout, il y a bien une gauche plurielle. Mais sur cette ligne de partage évoquée par A. Madelin, est-ce que l’on est en train de la gommer petit a petit ? Est-ce qu'au fond, on est en train de passer sur ce choix : est-ce qu'on accepte ou non les voix du Front national ?
Est-ce que c'est toujours dans le débat, dans l'opposition, ou pas ?

J.-L. Debré
- "Pour ce qui concerne le RPR, nos positions sont claires. Et par conséquent, je préfère aujourd’hui qu’ayant affirmé depuis longtemps nos positions vis-à-vis de tous les extrémismes, nous passions a autre chose qui est la réflexion et la proposition."

Question
Au fond, c'est la recomposition de la droite qui est en train de primer aujourd'hui ?

J.-L. Debré
- "Tout a fait. Recomposition, c'est d'abord un effort de réflexion, de proposition et de programme pour l'alternance car il est grand temps de mettre fin à la nouvelle expérience du Parti socialiste au pouvoir."

Question
Dites-vous, ce matin, que ça y est, que la marche s'est remise en route ? D'ailleurs, certains se demandent si on ne va pas bientôt reparler, sinon de l'Etat RPR, en tout cas de l'écrasante domination du RPR au sein de l'opposition ?

J.-L. Debré
- "Chaque fois que nous allons mieux, on parle de l'Etat RPR ! Non, il n'y a pas d'Etat RPR ! Il y a un mouvement qui est un mouvement rassemblé, uni - uni dans le pays derrière P. Seguin, uni à l'Assemblée nationale dans le groupe parlementaire -, un mouvement qui est dynamique, qui est organisé. Voila, c'est tout."

Question
Tonique, parce que cela a été chaud la question de P. Seguin. Il parait qu'entre lui et le Président, les portes ont un peu claqué ?

J.-L. Debré
- "Je ne sais pas."

Question
Vous le savez tout de même !

J.-L. Debré
- "Si je le savais je ne vous le dirais pas."

Question
Je m'en doute !

J.-L. Debré
-"Je préfère avoir des gens de caractère plutôt que des gens qui n'ont pas de caractère."

Question
La, il en a. Il va se représenter; c’est une chose évidente maintenant. II n'y a plus de débat là-dessus ?

J.-L. Debré
- "Il l'a affirme, il l'a dit et il l'a proclame. Et je souhaite que l'ensemble du RPR se retrouve rassemble derrière lui. Je crois qu'aujourd'hui, le temps des divisions est passé et que le rassemblement doit se faire autour du RPR avec la famille libérale, avec les centristes, car ce qu'attendent les Français aujourd'hui, ce n'est pas que nous nous disputions, ce n'est pas les petites phrases assassines des uns et des autres, c'est que nous fassions des propositions et que nous préparions des propositions pour la France du prochain millénaire."

Question
La grande stratégie va porter sur quoi ? C'est l'Europe ou c'est le débat de politique nationale : le Pacs, la question des lycéens ? Ou allez-vous être surtout présents ?

J.-L. Debré
- "Nous serons présents, je vous rassure, sur tous les fronts. Mais il y a des questions de fond et il y a des questions conjoncturelles. Les questions de fond, effectivement l'Europe. L'Europe est un grand chantier, l'Europe est une grande ambition et il nous appartient de faire que l'Europe devienne l'ambition française. II faut être, en ce domaine, extrêmement dynamique."

Question
Il y a des grandes voix qui vous abandonnent là-dessus parce que C. Pasqua continue décidément de faire entendre sa différence ?

J.-L. Debré
- "Chacun a le droit de dire ce qu'il veut. Pour notre génération, pour la France aujourd'hui, l'Europe est une grande ambition. Pas naturellement n'importe quelle Europe mais l'Europe se construit. De même que nous avons une autre ambition : c'est la présence de la France en Méditerranée. La aussi, cela fait partie des grands dossiers. Et puis, parallèlement à cela, il y a des dossiers conjoncturels."

Question
Les lycéens ? Est-ce que vous dites comme tout le monde qu'ils ont raison ?

J.-L. Debré
- "Non, je ne fais pas démagogie mais je suis très frappé. J'ai écouté, hier soir, M. Allègre, Mme Royal. Ils nous expliquent qu'il ne faut pas qu'il y ait de classe sans professeur et pas des classes trop nombreuses et qu'ils vont régler cela. Mais pourquoi fallait-il des manifestations pour qu’ils en prennent conscience ? Je me demande où ils vivent ? Ils vivent dans un autre monde ! Ils sont dans leur palais doré sans se rendre compte de la réalité des lycées et des collèges. Par conséquent, ces manifestations auront eu un effet : faire comprendre à M. Allègre que cela ne marchait pas."

Question
M. Allègre est un peu comme vous. Ce matin, vous êtes très calme mais vous êtes un homme de caractère. Quand vous avez des idées vous les dites.

J.-L. Debré
- "Je peux me mettre en colère si vous voulez ? Comme je pense que les Français sont en train de se réveiller..."

Question
Est-ce que C. Allègre n'a pas dit quand même des vraies choses en parlant du poids incroyablement lourd de certaines structures de l'Education nationale ?

J.-L. Debré
-"Cela fait près de deux ans qu'il est la. C. Allègre, pour moi, c'est "l'immobilisme actif. On fait beaucoup de bruit, on fait beaucoup de discours et il ne se passe rien. Et finalement, ce qu'ont voulu dire les étudiants, mais aussi les enseignants, mais aussi les syndicalistes proches du Parti socialiste, c'est qu'ils en avaient assez de cette politique de l'apparence, de cet immobilisme actif et faut régler les problèmes. Il faut régler les problèmes en donnant à chaque lycée et à chaque collège les moyens de gérer ces lycées et gérer ces collèges."

Question
La solidarité des ministres de l'Intérieur ? Vous avez un petit mot pour J.-P. Chevènement ?

J.-L. Debré
- "Je pense souvent à lui et je pense souvent à sa famille et à ses enfants. Je souhaite très profondément qu'il s'en sorte. Je sais qu'il s'en sort Bien et je souhaite profondément qu'il puisse trouver rapidement sa fonction et son métier."


mercredi 21 octobre

P. Lapousterie
Mouvement des lycéens y a eu quelques échauffourées hier, mais cela s'est plutôt mieux passé que jeudi dernier. "Cette journée doit servir d'exemple pour le maintien de l'ordre public" a dit le syndicat général de la police. Est-ce que le ministre de l'Intérieur que vous avez été approuve ?

J.-L. Debré
- "D'abord je suis heureux de penser que ces manifestations des jeunes se sont bien passées. C'est toujours un moment difficile, mais effectivement il y avait beaucoup de policiers - on dit 1 policier pour 5 manifestants, c'est beaucoup. Et ça montre que, lorsqu'on s'en donne les moyens, on peut éviter un certain nombre de débordements."

P. Lapousterie
"Sécurité et ordre" sont les deux mots qui sont rentres dans le vocabulaire de la gauche ; M. Jospin l'a utilisé, le Gouvernement revendique ces deux notions. Approuvez-vous la conversion de la gauche sur ces deux sujets-là ?

J.-L. Debré
- "Il n'y a pas eu de miracle ! Car ce Gouvernement, dans tous les domaines, c’est le Gouvernement de l’apparence ; c’est le Gouvernement de la parole. On le voit en matière d'éducation, ou vous avez Allègre qui, il y a 18 mois, dit : il y aura des rentrées scolaires zéro défaut, et on voit qu'il est arrive en 18 mois a mettre dans la rue enseignants, élèves et également les syndicalistes proches du Part socialiste. Après, on a M. Jospin qui dit : la sécurité..."

P. Lapousterie
"L'ordre."

J.-L. Debré
- "L'ordre, c'est I'affaire de la gauche. On constate 18 mois après que c'est un échec. "

P. Lapousterie
Pourquoi un échec ?

J.-L. Debré
- "Pour une raison très simple : c'est que le Gouvernement ne publie plus les statistiques de la délinquance et de la criminalité. Vous savez que pendant plusieurs années de suite, elles avaient baissé, ces statistiques, montrant qu'il y avait une diminution en France de la délinquance et de la criminalité. Or, depuis 18 mois vous n'entendez plus parler de ces statistiques. Pourquoi ? Parce qu'en fait, la gauche ne veut pas montrer que les crimes et délits en France, ont à nouveau augmenté - puisque l'augmentation est de + de 3 % en moyenne. Ca veut dire que dans certaines zones, et notamment les zones urbaines, il y a une augmentation de la criminalité et de la délinquance qui dépasse de loin 3 %. C'est l'échec ! L'échec de la gauche en matière de sécurité ; dans la lutte contre l'immigration illégale. C'est également l'échec patent de l'incapacité de la gauche a faire appliquer la loi, et la loi républicaine."

P. Lapousterie
Pourtant les Français approuvent ce Gouvernement.

J.-L. Debré
-"Les Français aujourd'hui, se rendent compte que ce Gouvernement, c'est le Gouvernement de l'illusion, de la parole et de l'apparence. Je vais continuer dans le domaine de l’économie : après avoir profité d'une embellie, dont il n'était pas responsable, le Gouvernement, un peu comme la cigale dans la Cigale et la Fourmi, ne s'est pas préoccupé de l’avenir. Et on le voit à travers ce budget et à travers les hypothèses de croissance qui sont retenues par le Gouvernement ; ils font une hypothèse de croissance de 2,7 ou 2,8 % alors que l’ensemble des pays européens revoit à la baisse sa croissance. Et par conséquent, alors qu'ils avaient crié victoire sur le front du chômage et de l’emploi, on voit à nouveau les résultats : on voit une France qui s'endette, et on voit une France qui tourne le dos au dynamisme."

P. Lapousterie
Sur l'affaire des lycéens : on a l'impression que le Président de la République et M. Juppé, par exemple, on fait des déclarations en faveur de M. Allègre. Ils donnent l'impression de le soutenir dans son entreprise de rénovation...

J.-L. Debré
- "Ce n'est pas du tout le sentiment que j'ai eu après avoir lu ces déclarations. Simplement nous constatons qu'il avait été affirme un certain nombre de réformes, que ces réformes n'arrivent pas ; qu'on donne l'illusion du changement. Moi ce qui me frappe, puisque Allègre va annoncer 4 ou 5 milliards de crédits supplémentaires, c'est que, finalement, il aura fallu que 500 000 jeunes descendent une première fois dans la rue - quelques jours plus tard 300 ou 400 000 -, pour que M. Allègre, enfermé dans son ministère, se rende compte - ce que tous les députés….moi, dans mon département de l'Eure, je m'en rends compte - que les lycées ne fonctionnent pas convenablement. Les régions ont fait un effort important."

P. Lapousterie
Mais c'est une question d'argent ?

J.-L. Debré
- "Les régions ont fait un effort important d'équipement. Mais dans beaucoup de lycées, il n'y a pas assez de professeurs ; les professeurs sont absents ; les classes sont surchargées ; et certaines matières ne sont pas enseignées. Et ça, il aura fallu des manifestations, des manifestations importantes, des risques de drames, pour que le ministre s'en rende compte !"

P. Lapousterie
Ca ne date pas de 18 mois cela aussi.

J.-L. Debré
- "Non, c'est vrai que pendant dix ans il y a eu un ministre socialiste qui était à l’Education nationale ; il s'est appelé M. Jospin d'ailleurs je crois, pendant longtemps."

P. Lapousterie
Le budget aujourd'hui, vous allez voter contre ? Le groupe RPR va voter contre ?

J.-L. Debré
- "Oui, nous allons voter contre, parce que ce budget tourne le dos à ce dont a besoin la France. Alors qu'il y avait une embellie, il fallait profiler de cette embellie pour désendetter notre pays, pour repartir dans la compétitivité et faciliter le travail des entreprises en baissant les charges. Or le Gouvernement, comme toujours avec les socialistes, augmente le nombre de fonctionnaires, augmente les charges, augmente les impôts !"

P. Lapousterie
Vous disiez tout à l'heure qu'il n'y avait pas assez de profs ! Il faut s'entendre.

J.-L. Debré
- "Je crois que la fonction publique retrouve sa mobilité ; il faut encourager un certain nombre de professeurs à aller enseigner dans les endroits difficiles ou délicats, et pour cela il faut leur donner des compensations financières."

P. Lapousterie
Quand vous entendez que M. Chevènement pourrait reprendre son poste ?

J.-L. Debré
- "J'en suis ravi, parce que je trouve que ce qui est arrive est effroyable, et je lui souhaite un prompt rétablissement."

P. Lapousterie
Vos électeurs, vous le savez, désirent l'union de l'opposition, ils le désirent depuis longtemps. A quand un intergroupe de l'opposition à l'Assemblée nationale ?

J.-L. Debré
- "Il fonctionne intergroupe, et il fonctionne très bien. Vous savez bien que nous organisons presque chaque mardi, les mardis de l'opposition parlementaire où nous travaillons ensemble. Sur le Pacs, vous avez vu comment l'opposition était unie."

P. Lapousterie
Il lui est arrive, aussi, d'être désunie sur d'autres sujets.

J.-L. Debré
- "Non, non, attendez. Depuis trois mois, sur tons les sujets, nous avons une union de l'opposition qui fonctionne à l'Assemblée nationale. Alors il y a des gens qui ne veulent pas voir la réalité, et qui, comme des cabris, sautent en disant : il n'y a pas d'union de l'opposition. Si, il y a union de l'opposition ; elle fonctionne bien, de manière efficace, et on le voit dans les principaux votes. Moi je préférerais, parce c'est plus grave, que vous m'interrogiez sur la désunion de la majorité. Car quand on voit que socialistes et communistes, qui sont au Gouvernement, ensemble, qui gouvernent ensemble, sont divises a l'Assemblée nationale ; quand vous prenez les principales lois votées depuis 18 mois, où vous remarquez que les communistes n'ont jamais - ou pratiquement jamais - voté avec les socialistes ; que les Verts font de la surenchère, est-ce que c'est comme cela qu'on gouverne notre pays et qu'on donne une image d'unité et d'efficacité ? Non ! C'est cela qui est dangereux, qui est préoccupant. C'est la division de la majorité au nom de la majorité plurielle. Eh bien, on a une majorité qui n'est plus une majorité !"