Déclaration de M. Edouard Balladur, Premier ministre et candidat à l'élection présidentielle 1995, sur son projet pour l'industrie du tourisme et ses propositions d'un contrat national pour le tourisme de l'an 2000, Paris le 18 avril 1995.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Édouard Balladur - Premier ministre et candidat à l'élection présidentielle 1995

Circonstance : Présentation du "contrat national pour le tourisme de l'an 2000" devant les professionnels du tourisme, à Paris le 18 avril 1995

Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs,


Je me réjouis de cette occasion d'exposer mon projet pour le tourisme français à vous, qui le représentez dans toute sa diversité. Vous représentez aussi l'une des premières réalités économiques de notre pays, malheureusement trop méconnue :

- plus d'un million d'emplois ;
- 63 milliards de francs d'excédent commercial ;
- 60 millions de visiteurs étrangers par an.

Si je suis élu président de la République, j'ai l'ambition de faire du tourisme l'un des moteurs de la nouvelle croissance française et l'une des priorités de ma politique économique.

Le tourisme joue déjà ce rôle, il peut le jouer encore bien davantage, s'il est reconnu pour ce qu'il est : un formidable gisement d'emplois et d'activité sur l'ensemble du territoire.

Comment mobiliser toujours davantage cette réserve de dynamisme pour la France ? Je vous invite à réfléchir avec moi à une méthode, une politique, un calendrier d'action.

Je vous propose de conclure ensemble un contrat national pour le tourisme de l'an 2000. Un contrat entre l'État, qui donne l'exemple et apporte des moyens, et l'ensemble des collectivités locales, des associations, des professionnels, des entreprises qui souhaitent avancer avec lui. Un contrat, pour faire appel à tous en vue d'accueillir davantage de visiteurs, d'offrir davantage de services, et davantage de qualité.

Ne nous cachons pas la réalité : la place du tourisme français dans le monde n'est pas garantie pour toujours. Elle n'existe que par vos talents et vos efforts. Il nous faut affronter une concurrence toujours plus forte, parfois aidée par des monnaies sous-évaluées. Il nous faut répondre aux exigences toujours plus grandes de la clientèle. Il ne faut jamais cesser de nous adapter, de nous développer, de nous moderniser : c'est tout l'objectif du contrat national, qui mobilisera toute la collectivité pour un tourisme de qualité.

Deuxièmement, je vous invite à débattre du contenu de ce contrat. Je ne souhaite pas imposer une politique du tourisme, mais prendre l'initiative, vous écouter et répondre à vos préoccupations.

Dans cet esprit de dialogue, je vous propose trois volets pour le contrat national : développer l'entreprise touristique ; valoriser les sites ; promouvoir l'image de la France.

Je souhaite privilégier le développement de l'entreprise touristique. Avec des statuts très divers, c'est toujours l'entreprise touristique qui crée l'emploi. Il faut lui donner tous les moyens de son développement.

Il faut d'abord abaisser les charges de vos entreprises. Le gouvernement a déjà agi en ce sens. Il faut aller plus loin. Je propose de diminuer tout de suite les charges sociales d'assurance maladie à hauteur de 4 000 francs pour chaque salarié gagnant moins de 1,2 fois le SMIC.

Il faut aider les PME du tourisme à accéder au crédit. Les banques pénalisent trop souvent les PME. Elles leur refusent fréquemment leur concours sans tenir compte de leurs vraies performances. M. Bosson a donné aux entreprises hôtelières l'accès aux procédures de garantie de la SOFARIS pour se désendetter. Il faut maintenant élargir cet accès et offrir aux PME du tourisme des crédits à taux favorables grâce à l'intervention de la SOFARIS et à l'utilisation des CODEVI : je serai très attentif à ce que les banques jouent pleinement leur rôle à l'égard de vos entreprises.

Il faut adapter la réglementation et la fiscalité. M. Bosson a pris des décisions importantes, notamment, pour l'hôtellerie, la libéralisation des tarifs téléphoniques et l'allégement des redevances audiovisuelles. Je souhaite examiner avec vous dans ce même esprit tous les problèmes qui se posent à vos professions du fait d'une réglementation ou d'une fiscalité inadaptée.

Je pense dans l'hôtellerie à la discrimination qui existe entre les grandes entreprises qui utilisent des montages fiscaux avantageux et les petites qui n'y ont pas accès. Je pense également aux conditions d'exercice des agents de voyage. Il faut rétablir l'égalité des chances entre toutes les formes d'activité touristiques et supprimer toutes les distorsions de concurrence injustifiées.

Il faut aussi veiller à donner aux associations un statut fiscal équitable et approprié, qui réponde à l'importance considérable qu'elles ont su acquérir dans le tourisme français.

J'attache également beaucoup d'importance à l'adaptation du calendrier scolaire, pour laquelle M. Bosson a déjà obtenu des résultats appréciables, et qui doit être amplifiée.

Il faut faciliter la transmission des entreprises.

Les successions fragilisent souvent vos entreprises. Pour faciliter leur transmission, je propose d'exonérer de droits les petites successions en dessous de 500 000 francs par part. Je propose également de permettre le paiement des droits de succession sur les PME en 15 ans, à taux d'intérêt zéro.

Voilà ce que j'envisage dans l'immédiat pour vos entreprises. D'autres suggestions pourront être mises en oeuvre pour tenir compte des spécificités du tourisme, dans les discussions à venir du contrat national.

Le contrat national devra aussi développer la valorisation des espaces touristiques. Cherchons ensemble à rendre plus attractifs encore les sites touristiques français et en faire découvrir de nouveaux. Cherchons aussi à faire redécouvrir la France à nos compatriotes qui la connaissent parfois mal et qu'il faut toujours conquérir et reconquérir.

Les collectivités locales font beaucoup pour cela. Elles exercent pleinement leurs responsabilités et nous devons leur en être tous reconnaissants.

Mais il faut également une politique nationale de valorisation des espaces touristiques. L'État, dans le respect des principes de la décentralisation, peut et doit prendre de grandes initiatives, comme nous avons commencé de le faire.

Le Mont-Saint-Michel : j'ai décidé que 550 millions de francs seront investis pour lui redonner son caractère maritime. J'ai également décidé des efforts exceptionnels en faveur de la pointe du Raz, des Vosges, des gorges de l'Ardèche et de la Corse.

Le patrimoine public fait l'objet d'une loi de programmation qui accroît l'engagement de l'État pour plusieurs années. De même, le contrat national sera ouvert aux monuments privés, souvent gérés avec beaucoup de dynamisme. Pourquoi ne pas délivrer un label touristique de qualité, assorti d'une action de promotion nationale pour l'ensemble de notre patrimoine public comme privé ?

Le contrat national devra aussi faire toute sa place aux interventions en faveur du littoral, de la montagne et bien sûr de l'espace rural dont le potentiel touristique reste encore sous-exploité.

La politique nationale de valorisation des espaces touristiques doit aussi s'élargir à toutes les formes de tourisme et se fonder sur les loisirs comme sur la culture et le patrimoine ou encore le sport.

Dans cette perspective, chacun mesure l'intérêt de rapprocher les efforts réalisés pour l'accueil des touristes avec l'investissement dans les transports. J'ai lancé un très grand programme d'équipement pour les prochaines années qui bénéficiera directement au tourisme :

- 2 600 km d'autoroutes seront lancés en 10 ans ;
- les TGV Est et Méditerranée seront enfin réalisés ;
- les lignes aériennes intérieures seront plus nombreuses grâce au nouveau fonds du transport aérien créé par la loi sur le développement du territoire.

Le rapprochement des ministères du Tourisme et des Transports aura ainsi été particulièrement fécond.

Je suis convaincu que la valorisation des espaces touristiques s'impose comme l'un des axes majeurs d'une politique d'aménagement du territoire équilibrée et moderne.

Enfin, je vous propose comme troisième volet du contrat national de lancer un effort considérable pour promouvoir l'image de la France et mieux organiser la commercialisation du tourisme.

Nous faisons beaucoup pour cela, les uns et les autres. Je salue particulièrement le succès de la Maison de la France, qui constitue un exemple d'association intelligente des pouvoirs publics et des partenaires privés.

Mais, je le crois, nous pouvons ensemble faire encore bien plus. La France a des atouts exceptionnels. Il faut les faire mieux connaître, à l'étranger en particulier. Il faut aussi savoir toujours mieux vendre des produits touristiques répondant à la demande de la clientèle.

Je propose de réfléchir ensemble à une programmation sur plusieurs années de cet effort, en étroite coordination entre l'État, les collectivités locales et les partenaires professionnels. Pour cela, le contrat national prévoira une augmentation des moyens affectés au tourisme.

Il faudra bien entendu en débattre. La constitution d'un fonds d'intervention spécialisé serait, si les partenaires du tourisme en sont d'accord, une formule que je crois intéressante.

Voilà ce que sera, si nous le voulons ensemble, le contrat national pour le tourisme.

Je voudrais aborder avec vous un calendrier de travail. Le nouveau gouvernement devra comprendre un grand ministère du Tourisme, directement rattaché au Premier ministre.

Dès sa prise de fonctions, le ministre du Tourisme réunira le Conseil national du tourisme et l'ensemble des organismes représentatifs de la profession pour arrêter les orientations du contrat national.

En fonction de l'avancement de ces discussions, si des changements législatifs apparaissent nécessaires, ils pourront être discutés à la session d'automne. Je ne vois personnellement que des avantages à ce que le contrat national s'inscrive dans une grande loi d'orientation pour le tourisme, mais ceci est bien entendu à discuter avec vous.

Tout ce travail sera mené rapidement pour que le contrat national débute le 1er janvier 1996. Il pourra ainsi couvrir les cinq prochaines années et faire entrer le tourisme français dans le prochain siècle avec toutes les chances de succès.


Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs,

L'élection présidentielle est ce moment privilégié où l'on rencontre les Français et où on leur propose un projet pour leur avenir. Je crois que nous partageons une conviction, une volonté, une certitude.

J'ai, comme vous, la conviction que le tourisme est au cœur de notre avenir.

J'ai, comme vous, la volonté de tout faire pour qu'il soit au cœur de la politique du nouveau gouvernement.

J'ai, avec vous, la certitude qu'en parlant à la fois le langage de la raison et du cœur, en proposant des objectifs ambitieux mais réalisables, en choisissant avec persévérance la voie du dialogue, nous saurons ensemble réussir le tourisme français de l'an 2000.