Interview de M. Bruno Mégret, délégué général du Front national et directeur de la campagne de Jean-Marie Le Pen pour l'élection présidentielle de 1995, dans "Le Français" du 25 avril et communiqué du bureau politique du FN le 24 avril publié dans "Présent" du 26 avril 1995, sur l'analyse politique du premier tour et du résultat du FN.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Bruno Mégret - délégué général du Front national et directeur de la campagne de Jean-Marie Le Pen pour l'élection présidentielle de 1995 ;
  • Laurence Blanc Minet - Journaliste

Média : Le Français - Présent

Texte intégral

Le Français : 25 avril 1995

Le Français : Jean-Marie Le Pen est arrivé en troisième position, à très faible distance de Jacques Chirac et d'Édouard Balladur. Quelles conclusions politiques tirez-vous de cette formidable percée ?

Bruno Mégret : Jean-Marie Le Pen a obtenu un magnifique succès, puisqu'il dépasse les 15 % et augmente son score par rapport à l'élection présidentielle de 1988. Après coup, il s'affirme comme l'un des quatre grands candidats de la course présidentielle, démontrant ainsi la représentativité et la vitalité du Front national.

Ce résultat est encore plus spectaculaire si l'on prend en compte la candidature parallèle de M. de Villiers, qui a développé un programme décalqué de celui du FN. Ce qui veut dire qu'il y a maintenant en France une droite nationale à 20 %, organisée autour du FN.

Le Français : Vous semblez accorder une importance symbolique au pourcentage de 20 %...

Bruno Mégret : Il ne s'agit pas de symbole, mais de sens. Les 20 % en question correspondent au niveau des forces politiques qui aspirent à gouverner aujourd'hui. Le grand événement du premier tour, c'est l'affirmation d'une droite nationale comme grand mouvement de gouvernement potentiel. C'est d'autant plus significatif que cette droite nationale est en expansion et en composition, alors que les autres grands courants de la classe politique sont tous en décomposition.

Le Français : Quel jugement portez-vous sur les scores respectifs réalisés au premier tour par les compétiteurs du second ?

Bruno Mégret : Quel que soit le résultat du second tour, j'observe que le président élu sera, de tous les présidents de la Ve République, celui qui aura recueilli le plus faible score au premier tour. Il s'agira donc d'une présidence caractérisée par une très faible assise populaire. Ce trait souligne la crise de légitimité larvée qui frappe désormais la classe politique institutionnelle.

La marée de la droite nationale monte, alors que la digue de la classe politique se lézarde et s'effrite. Pour le court terme, se pose la question de la place du courant national dans la vie politique française. Aujourd'hui, il n'est plus possible d'admettre la diabolisation, l'ostracisme médiatique et l'isolement institutionnel. Sans déstabiliser le fonctionnement de la démocratie en France, nous entendons obtenir pour les Français qui se reconnaissent dans la droite nationale une place légitime tant dans les médias que dans les assemblées du pays.

Nous entendons aussi valoriser le succès obtenu pour l'amplifier. Comment ? D'une part, en jetant les ponts et en créant des liens avec l'électorat de M. de Villiers. D'autre part, en mettant tout en oeuvre pour réussir la bataille des municipales.

C'est-à-dire en donnant à la droite nationale les premières bases institutionnelles et locales de la reconquête politique qui commence aujourd'hui.

Le Français : Avant le premier tour, Jean-Marie Le Pen indiquant que pas une voix du Front national ne se porterait sur Jacques Chirac si celui-ci arrivait au second tour…

Bruno Mégret : En complément, je peux vous dire qu'il n'y aura pas une voix pour M. Jospin. Nous sommes fermement anti-socialistes. La perspective de trois septennats socialistes, c'est-à-dire de 21 ans de socialisme, est naturellement insupportable. Nous sommes déterminés à l'éviter aux Français. Mais nous nous posons la question suivante : M. Chirac est-il réellement un candidat anti-socialiste ?


Présent : 26 avril 1995

L'appel du Front national pour la France

Texte intégral du communiqué publié par le bureau politique du Front national à la suite de sa réunion lundi après-midi :

Réuni ce lundi 24 avril, le bureau politique du Front national a présenté ses chaleureuses félicitations à son président, Jean-Marie Le Pen, pour ses remarquables prestations et le grand succès qu'il a obtenu. Il se félicite du soutien apporté par l'organisation du Front national, ses cadres, militants et sympathisants, les Cercles nationaux, et la presse amie. Par leur travail et leurs sacrifices, ils ont aidé le candidat du mouvement national à surmonter le triple handicap :

- de la manipulation de l'opinion par les instituts de sondage ;
- d'un accès à la radio et à la télévision quatre fois inférieur à celui d'autres candidats ;
- d'une candidature stérile calquée sur nos thèmes.

Grâce à tous, les voix qui se sont portées sur Jean-Marie Le Pen ne représentent pas seulement la légitime protestation d'une partie du peuple français contre la vague déferlante de la corruption politique, de la dénatalité, de la désertification des campagnes, du chômage, du fiscalisme et de la bureaucratie, de l'augmentation de la dette publique, de l'immigration, de l'insécurité, du désordre dans la rue, etc.

C'est aussi un appel angoissé en faveur des solutions qui s'imposent et que Jean-Marie Le Pen a développées tout au long de la campagne : restauration de l'honnêteté civique, politique en faveur de la famille, restauration des frontières protectrices, dénonciation des traités du GATT et de Maastricht, diminution des impôts et des charges, instauration de la préférence nationale, inversion du courant de l'immigration, lutte contre le crime organisé, etc.

Nous notons sans stupeur mais avec tristesse qu'à peine connu le succès de Jean-Marie Le Pen, les principaux lieutenants de Monsieur Chirac, Messieurs Juppé et Séguin, déclaraient ne rien attendre des électeurs du Front national.

Est-ce ainsi qu'ils espèrent rassembler ? Est-ce ainsi qu'ils comptent arrêter notre pays sur la pente mortelle de la décadence ? Est-ce ainsi qu'ils prétendent faire une autre politique que celle qu'ils ont faite jusqu'à présent ? La question est posée, et près de cinq millions d'électeurs attendent la réponse.

Dès à présent, le bureau politique lance un appel aux électeurs déçus et aux militants de M. de Villiers et de M. Balladur.

Aux premiers nous disons : « Nos valeurs sont les vôtres. Venez les défendre avec nous ». Aux seconds nous disons : « La démagogie des discours changeants vous révulse. L'exclusion et le sectarisme aussi ».

À tous nous tendons la main pour que les prochaines municipales voient l'émergence d'une grande force de recours et de gouvernement, pour la fraternité des Français et le salut de notre chère patrie.