Texte intégral
L'avenir de la construction européenne
Manifeste du CDS
Au moment où l'Europe sort enfin de la crise économique, s'ouvre pour la France et l'Allemagne, qui de juillet 1994 à juillet 1995 se succèdent à la présidence de l'Union Européenne, une opportunité exceptionnelle pour des initiatives communes.
Héritier de Robert Schuman et de Jean Monnet, le CDS mettra tout en œuvre pour que cette chance soit saisie et exploitée comme elle doit l'être, dans l'intérêt de la France et de tous les Européens.
Pour nous, l'Union Européenne ne doit pas se réduire à un grand espace commercial. Notre objectif est, depuis l'origine, de construire une puissance politique qui sera un acteur majeur dans la politique mondiale.
Le Traité d'Union Européenne, que le peuple français a ratifié, marque une étape importante. Nous devons tout mettre en œuvre pour qu'il atteigne rapidement les objectifs ambitieux qu'il s'est fixés, notamment dans le domaine de l'union monétaire.
Les problèmes urgents posés aux institutions par l'inéluctable élargissement de l'Union aux pays de l'Europe centrale et orientale exigent aujourd'hui d'aller plus loin que Maastricht, si l'on veut éviter la paralysie de l'Union et sa dilution dans une vaste zone de libre-échange. Le maintien du statu quo institutionnel est impossible.
Nous proposons :
– que le Conseil européen, conforté dans son rôle de voûte des institutions de l'Union, soit présidé pendant un an au moins par le même chef d'État ou de gouvernement ;
– que le président de la Commission puisse choisir lui-même, sur des « listes d'aptitude » établies par les gouvernements, une équipe aux effectifs réduits ;
– que soit instaurée une véritable co-décision législative, plaçant le Parlement européen à égalité avec le Conseil des ministres pour l'adoption de toutes les « lois-cadres » de l'Union ;
– que la règle de l'unanimité soit abandonnée au sein des Conseils des ministres ;
– que la politique étrangère et de sécurité commune (Pesc) soit dotée d'un exécutif propre : « un secrétaire général pour la Pesc », directement rattaché à la présidence du Conseil européen, à l'image de ce qui existe actuellement au sein de l'OTAN ;
– que les Parlements nationaux soient mieux associés au fonctionnement de l'Union ;
– que soient dégagées progressivement les solutions institutionnelles préservant le rôle moteur des pays, notamment la France et l'Allemagne, qui veulent parvenir à un niveau plus élevé d'intégration par la constitution d'une avant-garde motrice.
Plus que jamais, le CDS a le devoir d'expliquer et de convaincre. Expliquer à nos compatriotes que l'Europe que nous voulons n'est pas la dilution de l'identité française, mais au contraire son affirmation au sein d'une Union librement consentie, et que seule cette Union peut nous rendre les moyens d'une indépendance menacée par la mondialisation de l'économie. Convaincre que la construction d'une Europe unie est la seule garantie de paix et de stabilité que nous puissions offrir à nos enfants.
À l'appel que nous adressent aujourd'hui l'Allemagne et les nations de l'Europe centrale et orientale, nous avons la responsabilité historique de répondre clairement et rapidement. Voulons-nous, avant la fin de ce siècle, construire, avec l'Allemagne, et aussi avec les autres pays qui y sont prêts, la colonne vertébrale d'une Europe réconciliée avec elle-même, disposant des moyens de son autonomie politique et militaire, capable, grâce à une monnaie unique et à la coordination de ses politiques économiques et sociales, de préserver son niveau de protection sociale et de faire encore progresser le pouvoir d'achat et le bien-être de ses habitants, une Europe qui, plus que jamais, doit apporter son indispensable contribution à la stabilité de notre continent, à la solidarité entre les peuples et à la paix dans le monde ?
Fidèle à lui-même, le CDS est prêt à se mobiliser pour ce projet commun. Dans la campagne présidentielle qui va maintenant s'ouvrir, il se déterminera essentiellement en fonction des réponses qui seront apportées à ces questions, qui commandent les choix majeurs de notre pays.
La « conscience européenne de la majorité »
Au congrès de Paris, un manifeste européen a été adopté, à partir du document présenté sur l'avenir de la construction européenne.
Ce manifeste sera un outil de référence à l'aube des présidentielles.
Il montre combien le CDS veut placer l'Europe au cœur de la campagne.
C'est notamment, en fonction des réponses apportées à ce manifeste que le CDS apportera son soutien au candidat de la majorité.
Jacques Barrot a coordonné les travaux relatifs à la préparation de ce document et a ouvert le débat en souhaitant que soient dégagées progressivement les solutions institutionnelles préservant le rôle moteur des pays – la France et l'Allemagne – qui veulent parvenir à un niveau plus élevé d'intégration par la constitution d'une avant-garde motrice.
Nicole Fontaine, Vice-président du Parlement européen
« La France aujourd'hui semble enlisée dans les fantasmes anti-européens des uns et l'autocensure des autres. Mais on aurait grand tort de penser que les Français rejettent l'Europe en bloc. Ils en critiquent certaines déviations et surtout l'opacité qui a entouré les progrès gigantesques, et peut-être trop rapides de la construction européenne au cours des dix dernières années (…).
Que les responsables de la majorité ne s'y trompent pas : parmi tous les Français qui soutiennent cette majorité – et c'est sans ambiguïté la position du CDS –, nombreux sont ceux qui ne sacrifieront pas leurs conclusions à des considérations tactiques. Ils se détermineront, le moment venu, en faveur du candidat dont les orientations européennes leur apparaîtront les plus convaincues et les plus convaincantes. »
Dominique Baudis, Député européen
« Le sentiment que j'éprouve, c'est celui de notre utilité dans la vie politique française. Le 1er janvier prochain, la France va prendre la présidence de l'Union Européenne. L'Union Européenne va s'ouvrir à trois nouveaux membres et nous ne serons plus l'Europe des douze mais l'Europe des quinze.
L'année prochaine, en 1996, six mois après l'élection du nouveau président de la République française va s'ouvrir la conférence intergouvernementale qui a pour vocation de réviser le traité d'union européenne, le traité de Maastricht. Un débat institutionnel qui sera la clé et le devenir de l'Europe de 1997 ou 1999. Le passage à la monnaie unique puisque les Français et de la façon la plus solennelle – à l'occasion d'un referendum – ont ratifié le traité d'union européenne qui laisse prévoir le passage à la monnaie unique.
(…) On a vu la situation dans l'ancienne Yougoslavie basculer d'une situation de tension et de crise à une situation de génocide et de guerre civile à nos portes que nous ne pouvons pas accepter et c'est notre responsabilité d'Européens de développer une politique étrangère commune et de nous donner des moyens de sécurité, de défense, du maintien de la paix.
Il reste encore un domaine où les citoyens et ceux qui sont chargés par les citoyens de prendre les décisions peuvent contribuer à changer le monde, à infléchir le cours de notre temps, de notre destin, ce domaine c'est l'Europe.
(…) Le CDS doit être la conscience exigeante, la conscience européenne du candidat de la majorité que nous soutiendrons ».
Maurice Blin, Président du Groupe Union centriste
« L'Europe doit se doter d'une monnaie qui lui soit propre et fasse jeu égal avec le dollar ou le yen. Celle-ci constitue le socle de l'Union européenne. Préserver sa singularité en matière sociale. Mais la défense de préférence communautaire n'y suffira pas. Aucun droit n'est acquis s'il ne s'accompagne pas de devoir : modération des dépenses de santé, impératif de la formation, remise en cause des statuts, nés en d'autres temps. L'identité de l'Europe faite de six puis de douze, demain de quinze pays, exige qu'elle se dote d'instances de décision capables de répondre vite et fort aux menaces qui pèsent sur sa sécurité. Ici la tâche est politique.
On voit à quel drame affreux a conduit la mésentente des Européens qui est à l'origine de la crise yougoslave. Par contre, c'est grâce à leur entente, qu'ont pu aboutir les négociations du GATT ou qu'a été surmontée la crise monétaire de l'été 1993.
Entre une simple coopération entre États à laquelle certains voudraient la réduire et qui n'est plus à la mesure de l'enjeu et cette fédération européenne dont on peut rêver, mais qui convient mal à de vieilles nations légitimement attachées à leur identité, il va nous falloir inventer des structures nouvelles, sans précédent dans l'histoire ».
Bernard Stasi, Député européen
« Au cours de la campagne présidentielle, nous aurons à dire que, dans les mois qui viennent, la France doit décider si, par fatigue, par manque d'imagination, par frilosité, elle préfère laisser à l'Allemagne seule la mission de conduire l'Europe.
Nous aurons à dire que ce sont de bien étranges patriotes ceux qui ont perdu leur foi en notre pays, affaiblir son identité s'il s'engage plus avant au sein de l'Union européenne.
Être européen, c'est être patriote, parce que dans les années et les décennies à venir, l'influence de la France dans le monde dépendra de plus en plus étroitement de son engagement au sein de l'Union européenne (…).
Nous aurons à dire que nous voulons construire l'Europe, c'est, bien sûr, parce que c'est l'intérêt des Français mais c'est aussi parce que, en cette redoutable fin de siècle, le monde a plus que jamais besoin d'une Europe unie comme force au service de la solidarité et de la paix. »
Adrien Zeller, Député du Bas-Rhin
« Je crois que le moment est venu d'en finir avec un certain langage convenu sur l'Europe et passer à l'offensive. (…)
Non, contrairement à ce que disent Philippe Séguin et Philippe de Villiers, l'Europe n'est pas la mort programmée de l'État-Nation. (…)
Il est vrai qu'il faut démocratiser davantage le fonctionnement de la Communauté européenne, mais le premier pas pourrait en être que les ministres ne veuillent plus rejeter sur “Bruxelles qui décide” des mesures qu'ils ont eux-mêmes prises en Conseil des ministres… et que les commissions spécialisées de l'Assemblée nationale veuillent bien interroger - régulièrement à temps - ces mêmes ministres sur les positions qu'ils comptent prendre, et rendre compte à ces mêmes députés du résultat des négociations. (…)
Pourquoi ne pas dire également que l'Europe, c'est “une communauté fédérative des États européens” ?
C'est-à-dire une communauté de destin et en devenir ».
Jacques Mallet
« L'engagement résolu pour la construction de l'Europe est un élément essentiel de notre identité politique.
L'Europe ne saurait se réduire à une zone de libre-échange, à une vague coopération inter-gouvernementale. Nous voulons qu'elle devienne une puissance politique. (…)
L'entente franco-allemande reste plus que jamais le moteur de l'Union européenne. Saisissons la chance que nous offre, au nom de l'Allemagne réunifiée, un chancelier résolument européen. Saisissons-la vite. Rien ne serait plus néfaste pour la France qu'un repli frileux sur ses peurs et sur ses nostalgies. Ce serait pour elle à coup sûr la voie du déclin. »
Christian Bartholmé, Président des Jds
« Les Jds sont favorables à l'adoption du texte sur l'avenir de la construction européenne présenté à notre congrès. C'est une réponse attendue par nos partenaires allemands. Le texte de Wolfgang Schäuble et Karl Lammers est un rappel à la France, et à nous démocrates chrétiens.
Mais nous restons sur notre faim d'enthousiasme pour l'Europe ! Ce qui a soulevé l'enthousiasme, qui a tracé un horizon d'espoir dans la déclaration de Robert Schuman en 1950, n'était pas tant la création de la Communauté européenne du charbon et de l'acier. C'était ce premier pas, fait par l'Allemagne et la France, vers une autre société.
C'était l'invention de la “communauté”, entité nouvelle, formidable source de solidarité entre les hommes. C'est cet enthousiasme-là que nous devons recréer, au-delà de l'Europe de la nécessité, dans l'Europe de la volonté. »