Article de M. Luc Guyau, président de la FNSEA, dans "La Tribune" du 15 octobre 1998, sur la loi d'orientation agricole, notamment sur la dimension économique, sociale, territoriale et environnementale de l'agriculture et la nécessité d'établir une politique de l'exportation des produits agricoles.

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Média : La Tribune

Texte intégral

La loi d'orientation agricole vient d'être adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale. La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), comme je l'ai déjà souligné, soutient la reconnaissance de ce qu'il est convenu d'appeler la multifonctionnalité de notre agriculture, qui met l'accent non seulement sur la dimension économique, mais aussi sur le rôle social, territorial, environnemental de l'agriculture. Mais il ne faudrait pas oublier pour autant que notre agriculture ne pourra contribuer durablement à l'aménagement des territoires, à la préservation des ressources naturelles, à l'emploi des hommes que dans la mesure où elle assume pleinement sa fonction économique, qui est de produire et d'exporter.

Ce serait une erreur fatale de scier la branche sur laquelle on est assis. A l'heure où l'on débat des perspectives de notre agriculture, il faut réaffirmer avec conviction que l'avenir de l'agriculture passe aussi par l'exportation et par une participation forte et durable aux échanges mondiaux. L'exportation est un formidable atout pour la France. Notre pays est devenu le second exportateur mondial de produits agro-alimentaires et le premier de la planète pour les produits transformés. C'est parce que la qualité de nos produits et le savoir-faire de nos agriculteurs sont reconnus partout en Europe et dans le monde que nous avons pu construire un tel succès. Or nous avons un besoin impératif d'exporter pour écouler notre production. Nos exportations nous permettent aussi de valoriser nos produits et nous rapportent des devises.

Nécessaire et vital. La puissance agricole de la France est liée à sa capacité à exporter, et l'agro-alimentaire est le premier secteur à contribuer à notre excédent commercial. Nos exportations participent pleinement au rayonnement de la France puisque, à travers elles, notre pays contribue à l'équilibre alimentaire mondial. Exporter est donc nécessaire et vital pour notre économie. C'est une chance qu'il faut faire fructifier : il faut tout mettre en œuvre pour cela. Mais l’ambiguïté de certains discours nous empêche trop souvent de tirer parti de notre potentiel à l'exportation.

En premier lieu, il faut cesser les oppositions stériles entre les produits transformés et les produits bruts. Il ne s'agit pas de jouer un atout en conservant l'autre dans sa manche. Un pays aux productions aussi variées que la France doit au contraire faire flèche de tout bois, pour exporter à la fois des matières premières et des produits transformés.

Il faut aussi arrêter d'opposer le terroir et le marché, le village et la planète. Notre agriculture doit être à la fois insérée dans les territoires, et tournée vers les marchés. Ce n'est pas contradictoire, c'est au contraire complémentaire ! Car l'identification de nos produits à un terroir est le meilleur gage de succès à l'exportation. Le succès de nos grands crus, du bordeaux au champagne, le démontre amplement.

Enfin, l'opposition entre le marché communautaire et le marché mondial a trop servi d'alibi à la  Commission européenne, qui a bridé notre capacité exportatrice avec une politique trop restrictive à l’exportation vers les pays tiers. La performance de nos produits, leur qualité, la sécurité alimentaire que nous apportons à nos consommateurs sont nos atouts en Europe comme dans le monde. Bien sûr, le marché communautaire et le marché mondial ne se confondent pas, et nous devons protéger les prix de notre marché intérieur européen car ils reflètent les exigences sans équivalent dans le monde que nous assignons à notre agriculture en terme d'occupation équilibrée de l'espace, de respect de l'environnement et de conditions sanitaires. Mais protéger nos prix intérieurs ne signifie pas qu'il faille démissionner de notre vocation à être présent dans les échanges mondiaux. C'est pour concilier les deux que nous avons besoin d'une véritable politique à l'exportation, L'agriculture européenne, entre la plaine et la montagne, les petites exploitations et les grandes, est forte de sa diversité. Cette diversité en appelle une autre : celle des débouchés, qui doivent pouvoir être aussi bien locaux que régionaux, nationaux, européens ou mondiaux. D'autre part, l'Europe est la région qui importe le plus de produits alimentaires au monde. Laisser fluctuer à vau-l'eau nos exportations, sans un engagement politique fort en faveur de l'export, serait une erreur stratégique. Si l'on importe, alors il faut encourager massivement l'exportation.

Meilleurs outils. Aussi la FNSEA demande à présent que tout soit mis en œuvre pour l'exportation. Dès à présent, il faut que l'Europe et la France deviennent plus opérationnelles en matière d'exportation, en se dotant des meilleurs outils à l'export et en les utilisant à bon escient. En Europe, la Commission doit utiliser toutes nos marges de manœuvre à l'exportation. Ce n'est pas au moment où les marchés s'ouvrent et où la concurrence est de plus en plus vive, qu'il faut baisser la garde. En France, la SOPEXA joue un rôle clé dans le renforcement de notre capacité exportatrice et doit garder toute sa place dans le dispositif actuel. Nous demandons aussi instamment que la France remette en ordre de marche le Conseil supérieur des exportations. Cette instance devrait exprimer clairement la stratégie exportatrice de la France, en mettant fin aux atermoiements actuels. Ce serait un véritable signal politique, le moins qu’on puisse donner pour répondre a la vocation exportatrice de la France.