Interview de M. Luc Guyau, président de la FNSEA, dans "Le Figaro" du 9 octobre 1998, sur les propositions Santer de moduler les aides à l'agriculture en fonction des priorités des Etats membres de la PAC et la position de la France sur la réforme de la PAC.

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LE FIGARO ÉCONOMIE. - Comment réagissez-vous à la proposition Santer de « moduler » les aides à l'agriculture en fonction des priorités nationale des États membres ?

Luc GUYAU. - Un tel schéma représenterait la négation pure et Simple de l'Europe agricole. Cela signifierait, en même temps, le démantèlement rapide de la Politique agricole commune (PAC) qui reste l'un des fondements du marché commun.
C'est une hypothèse qu'aucun agriculteur, qu'il soit du Nord ou du Sud, ne peut envisager. Les propositions de Bruxelles mettraient un terme à la solidarité financière entre les États membre.
On peut en mesurer le caractère incongru, au moment où chacun plaide pour plus d'Europe et que se met enfin en place une monnaie commune. Il s'agit là d'une approche bien technocratique. En fait, la Commission se tire une balle dans le pied. Il est impensable qu'un réajustement des budgets communautaires puisse se faire au détriment des agriculteurs.

LE FIGARO ÉCONOMIE. - Les changements politiques en Grande-Bretagne et en Allemagne ont-ils, selon vous, modifié les priorités au sein de l'Europe ?

- Les Anglais ne paraissent pas partager notre conception d'une agriculture multifonctionnelle, à la fois performante et attachée à préserver les territoires. Quant aux Allemands, il convient d'attendre. A cet égard, le programme électoral de Gerhard Schröder était bien flou mais on sait que la réalité du pouvoir est toujours différente.

Réunifiée, l'Allemagne est devenue une très grande puissance agricole. Aussi, tout en devenant des concurrents sérieux, nos voisins peuvent maintenant partager nos conceptions lorsqu'il s'agira de se faire entendre à Bruxelles.

LE FIGARO ÉCONOMIE. - Comment définiriez-vous un « modèle agricole » européen ?

- L'agriculture reste le reflet de la géographie, des climats et des hommes. Aurions-nous la prétention de vouloir modifier de telles données de bases ? Non seulement l'Europe a la chance de pouvoir répondre à l'ensemble des besoins de ses concitoyens mais elle peut aussi être un concurrent sérieux des Américains sur les marchés mondiaux. C'est un atout considérable. Les Américains ont bien compris cet enjeu stratégique. Pendant que les Européens se chamaillent, ils en profitent pour tripler leurs subventions à leur agriculture pour la rendre encore plus performante. Allons-nous leur laisser le champ libre ? Ce serait un désastre, non seulement pour les agriculteurs,mais pour l'équilibre géopolitique mondial.