Extraits de la déclaration de M. Alain Lamassoure, ministre chargé des affaires européennes, sur la sécurité européenne, le pacte de stabilité, la sécurité des Etats baltes et leur association au partenariat pour la paix avec l'OTAN, Paris le 1er février 1995.

Prononcé le 1er février 1995

Intervenant(s) : 

Circonstance : Colloque organisé par l'Institut français des relations internationales (IFRI) sur la sécurité des pays baltes à Paris le 1er février 1995

Média : Propos sur la défense

Texte intégral

Représentants des États baltes, suédois et danois

Je voudrais d'abord saluer le caractère exemplaire de ce colloque qui réunit à Paris de nombreux universitaires, diplomates, journalistes et qui est honoré par la présence des ministres des trois États baltes et par les ministres suédois et danois. Je félicite l'IFRI et les instituts danois et suédois de l'excellence organisation. Cette manifestation montre l'importance que la France attache aux États baltes : visite sur place en janvier 1994, venue à Paris des trois premiers ministres en mai 1994 et nombreuses visites ministérielles dans les deux sens : visite de M. Luik, Estonien, visite du Président Brazauskas. Je me réjouis de l'excellence coopération que nous entretenons avec les partenaires nordiques de l'Union européenne (réunion des ambassadeurs de la région à Copenhague en juillet 19954). Des progrès considérables ont été réalisés par les États baltes sur la voie des réformes…

UEO

Une exigence immédiate : la sécurité. Les États baltes, et plus généralement l'ensemble des États d'Europe centrale et orientale, sont confrontés depuis la disparition des blocs et des alliances militaires à un vide de sécurité. La situation politique de la Russie et la guerre en Tchétchénie n'ont fait que renforcer ce sentiment. Nous devons y répondre. L'entrée dans l'Union européenne, et donc conjointement dans l'UEO, devraient permette de trouver des éléments de réponse à cette inquiétude. En attendant, il importe de trouver des solutions à plus court terme. Dès aujourd'hui votre sécurité est également la nôtre. J'ai déjà eu l'occasion de le dire sur place, à Tallinn, à Riga et à Vilnius. Je le redis publiquement aujourd'hui. Notre priorité est aujourd'hui de conforter le seul outil existant où les questions de défense soient abordées entre Européens, l'UEO, en lui donnant les moyens d'assumer effectivement les missions de maintien de la paix ou d'assistance humanitaire qui sont à l'ordre du jour. Je pense en particulier à un système d'observation spatiale autonome, à la mise sur pied de forces multinationales, ainsi qu'à la possibilité d'utiliser sous commandement de l'UEO certains moyens de l'Alliance atlantique.

Livre blanc sur la sécurité européenne

C'est pour y voir plus clair et déterminer ensemble (à 24) les menaces qui pèsent sur le continent et les moyens d'y répondre que nous avons proposé la rédaction d'un Livre blanc sur la défense. Cette initiative a été reprise par nos partenaires et les travaux ont déjà commencé. Ils se dérouleront tout au long de l'année 1995. Nous attachons beaucoup d'importance à cette exercice et attendons beaucoup des contributions des États baltes.

Manœuvres estoniennes et lituaniennes avec l'OTAN

De même, nous nous félicitons que ces trois États aient été parmi les premiers à répondre favorablement à la proposition faite par l'OTAN d'instaurer un partenariat pour la paix. L'Estonie et la Lituanie ont ainsi pu participer avec succès à des manœuvres conjointes avec les forces de l'OTAN en octobre dernier. Tout ceci montre que les États baltes sont pleinement associés à la réflexion et aux initiatives qui concernent la sécurité du continent tout entier.

Pacte de stabilité

La sécurité passe aussi par des relations de bon voisinage. C'est pourquoi notre ambition d'aujourd'hui est de conduire à son terme, et avec succès, la proposition faite par le Premier ministre en avril 1993 et reprise par l'Union européenne dans son ensemble en décembre 1993, de favoriser les relations de bon voisinage en Europe en adoptant un Pacte de stabilité. Là aussi, beaucoup a été fait : je citerai l'accord entre la Pologne et la Lituanie, l'accord entre la Lettonie et la Russie sur le retrait des troupes militaires et le statut de la base de Skrunda, l'accord russo-estonien sur le retrait des troupes, l'annonce d'un prochain accord entre la Biélorussie et la Lituanie. D'ores et déjà, les trois États baltes ont annoncé leur intention, après accord des parties concernées, d'inclure dans le Pacte seize accords. Neuf devraient suivre.

Il faut mettre à profit les dernières semaines précédant la tenue de la conférence finale sur le Pacte de stabilité (20 et 21 mars). La fixation d'une échéance claire est importante car elle crée un climat favorable, et elle donne un élan : la même « technique » est utilisée couramment dans la pratique communautaire. Réticents au départ, les Russes ont maintenant compris la philosophie générale qui nous a conduit à proposer cette initiative. Ils ont accru le niveau et la qualité de leur participation à la « table balte ». Ils manifestent aujourd'hui un réel intérêt pour cet exercice, comme l'a montré leur satisfaction exprimée lors de la dernière table balte, à propos de l'accord de transit pour les troupes. Si bien que la table balte est celle au sein de laquelle le plus de progrès a été réalisé, alors que c'était à mon sens, la plus délicate au départ.

Encore faut-il régler les problèmes en suspens. Ainsi, sur le problème de la frontière russo-estonienne, nous apprécions la position estonienne qui accepte la situation de facto en échange de la reconnaissance des Traités antérieurs. Nous espérons que la Russie sera en mesure de faire preuve d'un esprit également constructif.

En Lettonie, la ratification par la Saema à la fin du mois de novembre dernier des accords russo-lettons sur le retrait des troupes a très nettement détendu l'atmosphère entre les deux pays. Une dynamique s'est mise en place ; des groupes de travail ont été constitués, notamment pour améliorer le passage des frontières ; ceci ne règle pas toutes les difficultés, mais le climat général a changé. Il convient de tirer profit de cet enseignement...

Politique méditerranéenne de l'Union européenne

En même temps, la politique de l'Union est une. Il n'y aura pas de retour de l'Europe à la pratique des zones d'influence. Lorsque la présidence française a cité la politique méditerranéenne parmi ses priorités, certains commentateurs ont feint de craindre que cela ne se fasse au détriment de l'Europe centrale, qui, selon eux, intéresserait davantage d'autres partenaires. Il n'en est rien. Chacun comprend les raisons que nous avons de nouer avec les pays riverains de la Méditerranée des relations nouvelles et fructueuses, et nous le ferons.

Mais nous entendons mener à bien, pendant ce premier semestre 1995, deux étapes fondamentales dans le marché des pays baltes vers l'Union européenne : le Pacte de stabilité et les accords d'association. Et, de même que la diplomatie nordique s'est toujours intéressée de près au Proche-Orient, la France sait qu'elle a des devoirs envers les membres baltes de la famille européenne. Elle a toujours été auprès d'eux dans les moments difficiles de leur histoire. Elle a été l'un des pays qui ont toujours refusé de reconnaître l'annexion soviétique. Celui qui vous parle était, en 1991, rapporteur du budget au Parlement européen. Et c'est à son initiative – initiative française, donc – qu'en février 1991, le Parlement européen a suspendu l'aide communautaire à l'URSS, à la suite de la répression sanglante de Vilnius. Les Baltes font partie de ceux qui ont le plus souffert. Ils font partie de ceux qui font le plus d'efforts. Ils ont toute leur place parmi nous.