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« La Tribune » – On dit que Force ouvrière a passé un marché avec le patronat : la signature de l'accord sur les 35 heures dans la métallurgie en échange d'une extension l'Arpe, le système de préretraite contre embauche. Que répondez-vous ?
Marc Blondel. – C'est de l'hérésie et de l'affabulation. Voilà deux ans que Force ouvrière réclame une extension de l'Arpe aux personnes ayant commencé à travailler très tôt. Cette revendication n'a donc pas surgi avec les 35 heures. Ce dispositif a un réel effet sur l'emploi. Il a déjà permis 106 000 départs et 96 000 embauches.
« La Tribune » – Comment justifiez-vous la position de FO sur les 35 heures, notamment sa signature de l'accord ULMM ?
– J'ai changé de stratégie le 26 mai après avoir rencontré M. Seillière et compris le plan du patronat. J'ai demandé au président du CNPF ce qu'il comptait faire de la loi sur les 35 heures et il m'a répondu : « Je vais laisser faire. » A la question de savoir combien de salariés seraient concernés par les 35 heures au 31 décembre 1999, il a fini par me répondre : « environ 1,2 million », soit moins de 10 % des salariés. J'ai compris alors le patronat voulait « laisser faire » : il comptait qu'il serait au gouvernement de généraliser la loi au 1er janvier 2000 avec un si faible pourcentage de salariés engagés dans les 35 heures. Il projetait de demander alors un report de la date butoir à 2002, espérant peut-être qu'il y aurait d'ici là une alternance politique. A partir de ce moment, j'ai modifié ma stratégie. J'ai décidé d'appuyer les négociations de branches, pour consolider la loi. Avec l'objectif d'avoir, à la fin de 1999, 4 à 5 millions de salariés couverts par des accords de branches sur les 35 heures. C'est la seule manière de rendre l'application de la loi inéluctable. La métallurgie a ouvert la voie. Je souhaite, si c'est possible, aboutir aussi dans le bâtiment, le textile et d'autres branches.
« La Tribune » – Votre position est ambiguë : vous affirmez défendre la loi Aubry tout en paraissant faire alliance avec le patronat pour la combattre...
– Les 35 heures payées 39 sont, pour Force ouvrière, une revendication sociale. Nous l'avions réclamé à l'ancien président du CNPF, Jean Gandois, dès 1995. Mais je continue d'affirmer que la réduction de la durée du travail n'est pas automatiquement et arithmétiquement créatrice d'emplois.
« La Tribune » – Reconnaissez-vous que l'accord UIMM n'est pas fameux pour les salariés ?
– Je ne suis pas d'accord. Certes, ce n'est pas un accord conquérant. Mais c'est un précédent pour faire bouger le patronat et permettre des négociations dans d'autres branches. Au 31 décembre 1999, les métallurgistes travailleront 35 heures, payées 39.
« La Tribune » – En intégrant les jours fériés dans le calcul de la durée du travail...
– C'est faux. Le délégué général de l'UIMM me l'a affirmé…
« La Tribune » – Vous continuez à vous opposer à la « modération salarial » prônée tant par Martine Auby que Nicole Notat, pour réaliser les 35 heures ?
– Modérer les salaires, c'est de la folie. C'est antiéconomique. En tendant à la baisse ou à la stabilisation des salaires, on va détruire des emplois. La thèse de Mme Aubry, c'est d'abord l'aide financière de l'État, ensuite la flexibilité, revendication patronale, et enfin la modération salariale. Tout le monde fait un effort, sauf le patron...
« La Tribune » – On vous prête aussi le dessein de faire alliance avec le patronat pour récupérer la présidence de la Cnam que la CFDT vous a ravie...
– Nous n'avons aucune ambition de reprendre la présidence de la Cnam. Je ne serai pas l'organisation qui participera à la destruction de la Sécurité sociale. Je continue à penser que nous sommes sur les lignes de la réforme Juppé, réforme qui détruisait la Sécu.