Interview de M. Alain Deleu, président de la CFTC, à RTL le 12 mai 1995, sur l'élection de M. Jacques Chirac à la présidence de la République et sur la politique de l'emploi.

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J.-M. Lefebvre : Jacques Chirac prendra officiellement mercredi ses fonctions. Alors pour lui, état de grâce ou troisième tour social ?

A. Deleu : Pour lui, sûrement état de grâce, personnellement. Dans son bureau à l'Hôtel de Ville, il y a en face des Français et c'est un moment pour lui de faire sa route, de choisir sa route. Quant au tour social, je dis non. Nous sommes en pleines négociations avec le CNPF. L'objectif pour nous au niveau social c'est de réussir une négociation. Jacques Chirac a suscité une espérance de changement, notamment sur l'emploi. Maintenant, ce sont les actes. Qu'il prenne ses responsabilités et à nous de négocier.

J.-M. Lefebvre : La campagne a quand même été marquée par de nombreux mouvements revendicatifs, notamment sur le thème des salaires.

A. Deleu : Oui. Ça va continuer. Je peux vous faire la météo sociale avec le 23 la Sécu, le 30 La Poste, France Telecom, EDF, le 31 la SNCF. Ce n'est pas vraiment l'enjeu de l'affaire. On est en négociation aujourd'hui du côté du CNPF. Le gouvernement est devant des gros dossiers sociaux dans les secteurs publics. Si je peux me permettre un bon conseil à M. Chirac, que rapidement il amène son gouvernement à discuter avec les syndicats des secteurs publics concernés pour construire une réponse à leurs questions qui soient compatibles avec les besoins de l'économie et les changements de l'économie.

J.-M. Lefebvre : Au cœur des préoccupations du président : l'emploi. On sait qu'une des premières mesures, c'est le Contrat initiative emploi. Pour vous, c'est une bonne mesure ?

A. Deleu : Oui, c'est une mesure technique qui signifie une volonté. Elle vient après d'autres, peut-être avant d'autres. Ce n'est pas une politique d'ensemble. Vaincre le chômage, c'est possible. Il faut le vouloir pour les jeunes notamment. Ça repose sur un ensemble de mesures. Celles qui donnent un dynamisme à l'économie, celles qui garantissent une place à chacun dans l'économie et celles qui réconfortent nos communautés de base, locales, de travail, familiales même. C'est ces trois clés-là qui feront un projet global pour le chômage.

J.-M. Lefebvre : Le nouveau président et le nouveau gouvernement ont une marge de manœuvre assez limitée : à la fois relancer l'emploi et tenter de diminuer le chômage et il y a d'un autre côté la lutte contre les déficits.

A. Deleu : Oui, bien entendu. On parle par exemple des baisses de charges. Aujourd'hui, il y a une idée convenue qui est qu'il faut baisser les charges salariales, que ça créera de l'emploi. Tout le monde le dit, donc c'est peut-être vrai. Ce n'est pas forcément sûr. Je fais une proposition à Jacques Chirac : si on fait une baisse de charges, qu'on la fasse de façon à augmenter les salaires. Autrement dit, qu'on la porte au salaire net. Alors, on verra une marge de négociation qui va se dégager pour les salariés sur le temps de travail. Aujourd'hui, on parle temps de travail, mais il faut pouvoir négocier le temps de travail. Donnons de la marge aux salariés sur le salaire, par le salaire net, par la baisse de charge. Et on aura de la marge de négociation.

J.-M. Lefebvre : Jacques Chirac, lorsqu'il était candidat, avait annoncé concernant les salaires un coup de pouce au SMIC au 1er juillet. Pour les traitements des fonctionnaires, qu'est-ce que vous lui conseillez ?

A. Deleu : On a vu l'efficacité de la négociation, puisque depuis deux ans il y a eu des bons résultats en négociation sur les salaires des fonctionnaires. Mais il y avait un tel retard accumulé auparavant que je crois qu'effectivement il doit donner à l'ensemble de ces agents leur part de la croissance.

J.-M. Lefebvre : Dans le débat sur l'augmentation CSG ou TVA, qu'est-ce que vous en pensez ?

A. Deleu : Pour nous, TVA et CSG, c'est un peu choux vert et vert choux. C'est dans tous les cas un impôt qui frappe principalement les consommateurs, donc les salariés, les retraités, les familles. Au passage, on ne voit pas qu'il y a un transfert des charges des entreprises vers les salariés. Je voudrais plutôt qu'on parle d'une réforme fiscale de telle façon qu'effectivement la fiscalité pèse moins lourd sur les salariés et les consommateurs.