Texte intégral
Barbara Hendricks, Charles Aznavour et Cheb Khaled ont raison. Blacks, Blancs ou Beurs, les artistes ne doivent pas abandonner Orange. De gauche, de droite ou du centre, les démocrates ne doivent pas laisser cette ville en proie au doute. C'est une question de principe, d'intransigeance et, tout simplement de dignité. C'est la seule véritable question, en cette fin de siècle, dans notre France et notre Europe agitées, parfois, par d'étranges soubresauts : pouvons-nous déserter les chemins de notre mémoire, pouvons-nous déserter les lieux de notre civilisation ?
Avec des hommes qui, comme Elie Wiesel, nous ont appris la force du courage et l'horreur du mot oubli, n'ayons pas peur de dire, aujourd'hui, qu'il faut être présent à Orange. N'ayons pas peur de ceux qui veulent faire peur par l'insulte triviale. La présence des hommes de culture sur le terrain de toutes les difficultés, de toutes les angoisses ou de tous les désespoirs est la meilleure réponse à apporter à ceux qui veulent faire de ces difficultés, de ces angoisses et de ces désespoirs le terreau de leurs idéologies.
Il ne s'agit ni de provoquer, ni de diaboliser, ni d'insulter, ce qui serait tomber dans le piège grossièrement tendu. Comme la démocratie a su montrer sa force et son endurance face à la brutalité de toute oppression, le message pacifique et universel des artistes l'emportera sur toutes les déviations de l'esprit et les négations de l'homme.
À Orange et ailleurs, il faut redonner l'espoir : l'espoir de vivre en harmonie avec nous-mêmes, avec le patrimoine culturel et spirituel que nous a légué l'histoire, avec nos « voisins de palier » peut être différents de nous, mais qui portent en eux notre propre identité.
Notre identité nationale ne nous renvoie pas au repliement nationaliste mais à son contraire : la fraternité. Sur tous les frontons de la République, cette valeur n'est la propriété de personne. Bien de tous, il faut simplement la chérir et, le cas échéant, la lever comme un étendard quand certains, ceux-là qui veulent accaparer le drapeau tricolore, aimeraient la mettre sous le boisseau. C'est pour cela qu'il faut venir à Orange écouter les voix, toutes les voix qui chantent la fraternité.