Article de M. Henri Emmanuelli, premier secrétaire du PS, dans "Vendredi" du 19 mai 1995, sur le résultat des élections présidentielles 1995, le bon score du PS et l'importance d'une rénovation de la gauche afin de mener une "opposition résolue au gouvernement".

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Le 7 mai, les Français ont voté et la campagne pour l'élection présidentielle a pris fin. Ce combat ne s'est pas terminé pour nous par une victoire. Pourtant, plus que l'élection, hélas prévisible, du candidat de droite, c'est d'abord la remarquable campagne menée par Lionel Jospin qui restera dans nos mémoires. Pour cela, pour le travail accompli, pour le score brillant et prometteur, pour le regain d'espérance et la dynamique nouvelle qui se sont développés, il faut avant toute chose remercier et féliciter Lionel Jospin.

Il nous appartient maintenant, collectivement, de ne rien perdre de cette nouvelle donne, de préserver l'unité que nous avons su retrouver, de nous appuyer sur cet élan pour partir à la reconquête d'une majorité et préparer les prochaines victoires.

Pour cela, nous devons en priorité mener une opposition résolue au gouvernement conservateur que va nommer le nouveau président de la République. Un gouvernement qui s'appuiera sur la même majorité parlementaire en total décalage avec la réalité des rapports de force dans le pays, pour faire, finalement, une politique de même inspiration que celle qui, avec M. Balladur, a été sanctionnée dès le 23 avril par des électeurs n'en pouvant plus de ces deux années d'ultralibéralisme.

Cette opposition est pour nous un devoir de fidélité que nous devons aux 14 millions d'électrices et d'électeurs qui ont voté pour Lionel et qui ne veulent plus d'une politique de droite contre laquelle ils agissent. Mais c'est aussi un devoir par rapport au fonctionnement de notre démocratie et de notre République, qui ont besoin, pour respirer et s'épanouir, de l'affrontement pacifique des idées et des projets et non d'un pseudo-consensus.

Ce devoir n'est pas simplement le nôtre ; c'est évidemment, aussi, celui de toute la gauche.

Unis, aujourd'hui, entre socialistes, forts de la nouvelle dynamique qui a été engagée, il nous faut maintenant œuvrer à un vaste rassemblement, au-delà des frontières de notre seul parti.

Rénovation

C'est « tous ensemble », avec l'ensemble des forces de la gauche et de la transformation sociale, que nous amplifierons le processus de reconquête, que nous remporterons les élections municipales de juin et préparerons pour 1998 une nouvelle alternance.

Il ne suffira pourtant pas de nous opposer et de rassembler ; nous devons aussi nous rénover, moderniser notre organisation et ses modes de fonctionnement.

Il nous faut à nouveau être le fer de lance d'une pensée progressiste innovante. C'est à gauche que doivent se retrouver l'intelligence, la créativité. C'est au Parti socialiste que les militants doivent être appelés plus souvent à se déterminer sur les grands sujets qui sont ceux de la politique contemporaine et renouer avec des formes de solidarité active.

Pour préciser cet objectif de rénovation, je ferai, comme je l'ai dit mercredi dernier, un certain nombre de propositions à partir d'une réflexion qui commencera dès le lendemain du 18 juin par la réunion d'une session de travail du bureau national élargi aux membres de l'équipe de campagne que Lionel Jospin voudrait y voir participer ainsi qu'aux anciens Premiers ministres et aux anciens premiers secrétaires. Nous avancerons des propositions, nous élaborerons un calendrier et une méthode. Mais ce sera aux militantes et aux militants qu'il appartiendra de trancher dans tous les domaines.

C'est une lourde tâche qui est devant nous. Elle nécessitera que nous réunissions toutes nos forces, que nous faisions appel aux ressources de toutes celles et de tous ceux qui souhaitent participer à cette nouvelle aventure collective et, au premier rang d'entre eux, il y a bien évidemment Lionel Jospin, à qui il appartient de définir ce que sera sa place dans ce processus.

Elle nécessitera aussi, et j'en suis personnellement garant, que nous refusions résolument les tentatives de déstabilisation externes, la reprise de nos divisions internes, dont le résultat serait de nous empêcher de faire collectivement fructifier la dynamique de l'élection présidentielle et de rénover le PS.