Texte intégral
Messieurs les présidents,
Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs,
Je veux vous dire d'abord le plaisir que j'éprouve à vous accueillir à l'Assemblée nationale pour ce colloque sur « la nouvelle politique africaine de la France ». Vous êtes ici chez vous. Nous formons une communauté vivante qui s'incarne pour une partie d'entre nous dans une francophonie porteuse d'une originalité de culture et de société, et qui est ouverte sur d'autres langues, d'autres mondes ici représentés. Parfois conflictuels ou passionnés, nos liens sont anciens. La France serait-elle d'ailleurs tout à fait la France, si elle n'avait connu l'Afrique, mère des continents, terre des premiers hommes ? Nous avons besoin les uns des autres.
Conscients de nos devoirs mutuels, convaincus de notre capacité d'agir ensemble, nous devons faire face aux défis du siècle prochain : développement, démocratie, paix et sécurité. Un mur s'est effondré à l'est. Il serait absurde d'en construire un au sud. Cette journée « parlementaire » est une première. Souhaitons qu'elle soit utile au très prochain « sommet ».
Lutter pour le développement, ainsi que l'ont souligné le Président de la République et le Premier ministre français, c'est d'abord combattre la pauvreté. Violences, conflits, intolérance, fondamentalisme, tribalisme, la pauvreté est à l'origine de tous ces maux. Famine, maladie, chômage, analphabétisme, sont à la fois les déterminants et les conséquences du malheur. Ce sont eux qui confisquent l'espérance, eux qui empêchent le développement.
Bien sûr, il est nécessaire de poursuivre l'assainissement financier, la réduction des déficits, l'ouverture des marchés ; mais le développement durable ne sera pas le résultat automatique de recettes classiques. L'Afrique souveraine n'est pas la nouvelle province d'un empire ultralibéral. Si les PNB par pays ont progressé, le revenu par habitant, lui, a diminué. Démographie, accidents climatiques, stratégies discutables : 20 États vivent moins bien qu'il y a 20 ans. Donc priorité au développement en faveur des populations. Priorité à la modicité du prix des services et des produits de base. Priorité à la coopération décentralisée, aux nouveaux entrepreneurs, aux micro-projets. Priorité à la recherche et à l'éducation. Priorité aux progrès agricoles, au commerce autocentré, à l'essor des exportations. Priorité à la coopération sanitaire pour vaincre des maladies qui, si elles sont contenues en Europe, dévastent l'Afrique.
Dans un esprit de partenariat, la France a montré la voie en matière de traitement de la dette extérieure. Elle doit maintenant conduire, dans la durée et sur des objectifs négociés, une mobilisation internationale, coordonner le franc CFA et en euro qui ne devra pas être surévalué, plaider auprès des 15 pour le maintien des préférences commerciales, promouvoir une caisse européenne de développement, obtenir des Nations Unies un plan mondial pour la sauvegarde de l'environnement. Telles sont quelques unes de nos tâches pour les temps qui viennent.
Economie et démocratie sont liées. Nos parlements y sont particulièrement sensibles, puisqu'ils sont, sauf à ne pas mériter leur nom, fondés sur le droit, sur le contrôle et sur la présence simultanée de la majorité et de l'opposition. Un homme, une voix, ce n'est pas affaire de montant du PNB ou de couleur de peau. Nous savons que le suffrage universel, la liberté d'opinion, le multipartisme et l'alternance sont fragiles. Les retours en arrière ne sont jamais exclus. Pour demeurer, la démocratie ne peut que se construire sur la transparence, l'efficacité des services publics, la justice et la dignité de la personne humaine, le respect d'un état de droit de l'échelon local jusqu'au sommet de l'État.
La paix et la sécurité sont aussi des droits. Le temps des canonnières est évidemment révolu. Pour la France, la ligne est claire : ni ingérence, ni indifférence. Entre Méditerranée, Atlantique et océan Indien, entre Islam, animisme et chrétienté, que de régions d'influences, que de zones de frictions ! Des conflits frontaliers persistent, des guerres civiles renaissent, des coalitions opposées apparaissent. Cette menace au coeur du continent est un danger pour son équilibre global. Pour ma part, je crois aux mécanismes diplomatiques, aux compétences de l'OUA : elles doivent être pleinement utilisées. Il faut parfois même savoir imposer la concorde. N'existe-t-il pas un véritable devoir d'assistance à peuple en danger ? L'Afrique doit se doter de dispositifs de maintien de la paix, sur une base régionale avec, le cas échéant, le soutien logistique de ses amis. Dans cette perspective, nous avons tous observé que certains pays font désormais preuve d'un intérêt longtemps insoupçonné. Chacun se réjouira de cet apport pourvu que, à l'instar de la France, il couvre la diversité des domaines et ait pour but réel la stabilisation du continent.
Messieurs les présidents, la France a entrepris une réforme des structures et des orientations de sa politique de coopération. Elles dataient de 40 ans. Ni paternalisme, ni retour de je ne sais quel refoulement colonial, la France, à sa place, avec son expérience et son absence d'hégémonie, veut apporter sa contribution. Notre dispositif militaire a été réorienté dans cette esprit. Sans omniprésence ni désengagement, notre pays, qui doit son rayonnement à ses valeurs, doit soutenir et soutient la nouvelle donne africaine. La question n'est pas d'être « afro optimiste » ou « afro pessimiste », mais de comprendre les réalités, les aspirations des femmes et des hommes d'un continent. Je suis sûr que ce colloque y contribuera. Ensemble nous devons préparer le siècle qui vient.