Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
C'est un grand plaisir pour moi de me trouver, pour votre assemblée générale, devant les représentants des principales entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics. Les fonctions de ministre de l'Aménagement du territoire, de l'équipement et des transports que j'assume depuis quelques semaines font de moi un interlocuteur privilégié de vos professions. Je suis donc heureux de cette occasion qui m'est offerte de prendre connaissance du résultat de vos travaux et de vous faire part de certains projets essentiels du gouvernement auquel j'appartiens.
Cette après-midi est aussi pour moi l'occasion de féliciter Pierre Dazelle, le président sortant, pour l'action qu'il mène depuis trois ans au profit de vos entreprises et de souhaiter à Bernard Tarbes, qui lui succédera dès la fin de cette assemblée, un mandat efficace et porteur d'avenir pour le Snbati.
Avec 650 milliards de chiffre d'affaires, avec 1 500 000 actifs, le secteur du bâtiment et des travaux publics est le premier secteur économique français. Par son effet d'entraînement sur des secteurs connexes qui représentent autant d'emplois, par son poids dans l'investissement productif, par ses conséquences sur le cadre de vie, il est au cœur des enjeux économiques et sociaux de notre pays.
Les grandes entreprises y jouent un rôle essentiel, et ceci tant en France qu'en Europe et dans le reste du monde.
En France, tout d'abord, avec leur capacité d'initiative, d'innovation, leur rôle dans l'emploi et l'insertion des jeunes, elles sont des éléments moteurs de la filière et entraînent de ce fait l'ensemble du secteur du bâtiment et des travaux publics.
En Europe, ces grandes entreprises ont été parmi les premières à prendre conscience des enjeux de la construction européenne et à développer des politiques résolues d'implantation sur les marchés européens depuis près d'une dizaine d'années. Cette prise de position des intérêts français en Europe a placé vos entreprises dans une situation prépondérante, gage et élément essentiel du rôle de la France en Europe.
Plus généralement, c'est dans le monde entier que sont présentes vos grandes entreprises. Là aussi, elles jouent un rôle essentiel puisqu'elles nous placent dans les toutes premières nations exportatrices de ce secteur, et ceci en ayant opéré sur le plan géographique les réorientations et les mutations qui leurs permettent aujourd'hui d'être sur les marchés les plus porteurs, notamment l'Asie et les pays de l'OCDE.
Comme vous le savez, le gouvernement s'est fixé un certain nombre d'objectifs prioritaires. Parmi ceux-ci, je voudrais privilégier deux d'entre eux : la bataille pour l'emploi et la construction européenne.
Premier objectif prioritaire, celui de l'emploi
Dans ce domaine, le bon fonctionnement et la santé économique du secteur du bâtiment et des travaux publics sont pour moi essentiels, car ils sont évidemment les éléments de base nécessaires pour stabiliser et développer l'emploi. Dans cet esprit, vous avez évoqué l'idée d'une programmation pluriannuelle des crédits afin de lisser dans le temps l'activité des entreprises. J'observe que dans ce domaine des progrès importants ont déjà été accomplis, même s'il convient de les amplifier. Ainsi les contrats de plan état-régions, les engagements pluriannuels pris en matière de construction d'autoroutes, la création du fonds d'intervention des transports terrestres et des voies navigables, la construction des TGV, les contrats entre l'État et les opérateurs publics de transports sont autant d'éléments de programmation de longue durée. Parallèlement, en matière de constructions publiques, le programme du ministère de la justice, le programme « université 2000 » sont eux aussi des éléments importants de stabilisation de la commande publique. Par ailleurs, vous savez qu'une part importante de votre chiffre d'affadies provient, non pas de l'État, mais des collectivités locales et du secteur privé. Je crois donc qu'il est important, si on veut conserver à l'état la possibilité d'agir sur les cycles économiques du secteur, de ne pas le contraindre, plus encore qu'il ne le fait déjà, par une programmation pluriannuelle dont, au demeurant, les exemples existants montrent qu'elle correspond plus souvent à une intention qu'a de stricts engagements budgétaires, par nature annuels.
Dans ce domaine, l'observatoire du BTP dont la mise en place vient d'être faite avec votre participation, et dont je suivrai les travaux avec attention, est un lieu où cette réflexion sur le lissage de la commande publique doit pouvoir se développer et s'affiner, dans un partenariat confiant entre l'état et les entreprises. Je souhaite que Claude Martinaud, que vous avez porté à sa présidence, réalise notamment cet objectif.
Un élément essentiel de la bonne santé de votre secteur professionnel, et donc de sa capacité d'emploi, réside dans le niveau des prix. Trop souvent au cours des dernières années, une concurrence excessive s'est exercée par le seul moyen des prix : offres anormalement basses, attribution des marchés au moins-disant, vous en connaissez parfaitement les conséquences néfastes pour l'activité, l'emploi et la qualité des ouvrages. Je considère donc comme un objectif essentiel de mon action à venir, de promouvoir et de rendre efficace l'attribution des marchés au mieux-disant. Je demande à mes services de réaliser dans les semaines qui viennent un guide pratique a l'attention des maîtres d'ouvrage sur ce sujet, de manière à poursuivre et à accentuer l'effort déjà entrepris dans ce domaine.
Vous avez par ailleurs signalé, monsieur le Président, les risques de coûts supplémentaires que sont susceptibles de générer les nouvelles réglementations tant techniques que juridiques ou administratives. J'ai bien entendu vos propositions et je crois effectivement qu'il est temps désormais que toute nouvelle réglementation fasse l'objet, au cours de son élaboration, d'une évaluation de son impact économique, de même, qu'elle doit faire l'objet d'une évaluation de son impact en termes d'emploi. J'ai pris note de votre souci et je veillerai à ce que des propositions me soient faites sur la manière de le rendre opérationnel.
Enfin, je ne voudrais pas évoquer les questions d'emploi sans dire un mot de l'introduction des clauses sociales dans les marchés publics. Je suis attaché, pour ma part, à l'existence de telles clauses à cause des enjeux qu'elles comportent en termes d'emploi et d'insertion. Mais je suis aussi attentif à ce que ces clauses n'introduisent pas des disparités dans les appels d'offres selon la taille des entreprises et qu'elles ne conduisent pas à dénaturer le jugement des offres, en privilégiant des critères de jugement étrangers à l'objet du marché. Des réflexions sont en cours, sous l'égide de la DAEI, dans le cadre du plan construction et architecture. Je souhaite qu'elles soient rapidement menées à terme et que leurs conclusions entrent dans les faits.
Deuxième objectif fondamental du gouvernement, la construction européenne
Votre secteur dans ce domaine peut et doit jouer un rôle essentiel. Le conseil européen de cannes sera, dans les semaines qui viennent, un moment fort de la construction européenne. Dans la perspective de la conférence intergouvernementale de 1996, il devra donner une impulsion décisive aux grands projets de transports et de communication dont le principe et la liste ont été arrêtés des 1994 à Corfou et Essen.
Ces grands projets apporteront une double contribution à la croissance et à l'emploi en Europe et en France en premier lieu, les quelque 90 milliards d'écus qui y seront consacrés, dont 40 milliards d'ici à la fin du siècle, susciteront la création directe de ires nombreux emplois dans vos secteurs ; en second lieu ces voies ferrées, ces autoroutes, ces ponts, ces réseaux d'énergie ou de communication qui relieront les pays européens entre eux rendront plus facile la circulation des biens et des personnes, contribueront à l'amélioration du fonctionnement du m4rché intérieur et renforceront la compétitivité de l'économie européenne.
Dans ce cadre, il me semble important que la manière dont vos entreprises et, d'une façon plus générale, les autres acteurs du secteur du bâtiment et des travaux publics travaillent en France soit préparée et orientée dans l'esprit de la construction européenne.
C'est pourquoi je ne peux qu'avoir une appréciation positive sur plusieurs des propositions que vous me suggérez.
Je pense en effet qu'il convient d’accroître la liberté d'action des maîtres d'ouvrage en leur permettant dans le respect des principes de la concurrence et d'une bonne utilisation des deniers publics de choisir les modes de dévolution et de passation des marchés publics les plus variés et les plus compatibles avec la nature des ouvrages qu'ils font construire. C'est dans cet esprit qu'il me parait désormais souhaitable de mieux préciser. Par une circulaire claire adressée aux maîtres d'ouvrages les conditions dans lesquelles il peut être fait appel à la procédure de « conception-réalisation ».
Parallèlement, les débats qui ont déjà eu lieu sur des formules nouvelles de marchés associant le financement, la construction et l'exploitation de bâtiments ou d'ouvrages publics me paraissent devoir être repris et approfondis. Même si la formule du METP doit être examinée avec prudence, car elle comporte certains risques, elle correspond dans bien des cas a une possibilité intéressante pour les maîtres d'ouvrages et je pense, pour ma part, qu'il convient de relancer la réflexion sur son statut réglementaire.
D'une manière plus générale, les relations entre les différents acteurs de la construction doivent être pacifiées et mises au service de l'intérêt commun. Vous avez évoqué, monsieur le président, l'augmentation du coût de la maîtrise d'œuvre. Vous savez comme moi, que la réalisation d'études préalables de qualité est une condition de la qualité du chantier et de l'ouvrage construit. Encore faut-il que l'ensemble des acteurs en soit conscrit. Aussi est-ce avec beaucoup d'intérêt que j'ai écouté votre proposition d'une table ronde de la construction qui permettrait de rapprocher les points de vue sur les différentes manières de concevoir et d'organiser l'acte de construire. Je compte, dans ce sens, charger la DAEI d'étudier, auprès des autres acteurs, les conditions dans lesquelles pourraient être entamés de tels travaux.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, voici quelques-uns des points sur lesquels je souhaitais attirer votre attention à l'occasion de votre assemblée générale. Laissez-moi vous redire l'intérêt que j'ai trouvé à être aujourd'hui parmi vous. Les relations fréquentes que nous serons amenés à avoir nous permettrons, je l'espère, de faire progresser l'ensemble de ce secteur qui est le vôtre. Pour ce qui me concerne, soyez sûr que je compte m'y engager pleinement.