Interview de M. Claude Goasguen, vice-président de Démocratie libérale, dans "Le Figaro" du 20 octobre 1998, sur la création d'une commission d'enquête parlementaire sur la gestion de l'enseignement secondaire, le projet libéral de statut d'établissement autonome pour les lycées, le plan d'urgence de Claude Allègre et l'évolution du mouvement lycéen.

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Le Figaro : Le « statut d'établissement autonome pour les lycées » que préconisent les libéraux, qu'est-ce que c'est exactement ? Après les prisons, Alain Madelin veut privatiser aussi les lycées ?

Claude Goasguen : Absolument pas ! L'autonomie des lycées, c'est la déconcentration poussée plus loin que ne le souhaite Claude Allègre. Aujourd'hui, le ministre de l'éducation nationale est favorable à une déconcentration qui revient à effectuer un transfert d'ordinateurs. Cela ne suffit pas. Il faut prendre en compte les spécificités locales et passer de l'égalité formelle de Jules Ferry à l'égalité réelle. Cela suppose que le « national » ne décide plus, comme c'est le cas aujourd'hui, des besoins de chaque établissement, mais prenne en considération la réalité du terrain.

Le Figaro : À vous entendre, vous n'êtes pas loin de soutenir Allègre qui a le mérite, comme l'a dit Madelin, de « faire bouger les choses ».

Claude Goasguen : Claude Allègre a un bon diagnostic, mais il n'en tire pas les conséquences. Il aurait d'ailleurs du mal à le faire car ses attaques contre les enseignants ont entamé sa crédibilité et affaibli notablement sa latitude réformatrice.
Cependant, je reconnais que le ministre de l'éducation a le mérite d'avoir popularisé la réalité d'un système dont les ministres de gauche comme de droite n'osaient pas parler jusqu'à maintenant. Il faut le reconnaître, d'une certaine façon, Allègre a libéré l'opposition. Il a permis de mettre en lumière la réalité des mécanismes de recrutement des professeurs dans le secondaire. De montrer que le secondaire est aujourd'hui conduit par une entité corporatiste, le SNES, qui gère tout.

Le Figaro : François Bayrou, son prédécesseur, ne l'a donc pas fait ?

Claude Goasguen : Je voudrais rappeler que Claude Allègre, qui prétend que François Bayrou cogérait son ministère avec le SNES quand il était rue de Grenelle, soutenait à l'époque ce syndicat. Allègre en fait, c'est Janus. Il dit qu'il ne veut pas créer d'emplois supplémentaires, mais il fait appel aux emplois-jeunes. Il dénonce le SNES, mais il l'a défendu quand il était dans l'opposition.

Le Figaro : Quelle est l'objet de la commission d'enquête parlementaire que vous réclamez avec vos amis libéraux ?

Claude Goasguen : Il s'agit tout simplement d'établir une sorte d'audit, de bilan d'un système dont le fonctionnement est obscur. Il s'agit pour nous de savoir combien d'enseignants enseignent réellement. Nous voulons savoir comment les professeurs sont nommés ; pourquoi il y a des différences entre les académies ; comment s'effectue le mode de nomination, de mutation et d'affectation des professeurs.

Le Figaro : Comment voyez-vous l'évolution du mouvement ?

Claude Goasguen : J'attends de voir qui va gagner : Allègre qui est solidaire des lycéens contre les professeurs. Ou le SNES qui est solidaire des professeurs contre Allègre… On assiste en réalité à un match à trois dans lequel les lycéens sont politiquement manipulés. Ce n'est pas un hasard si les professeurs se mettent en grève aujourd'hui.

Le Figaro : Regrettez-vous aujourd'hui que le référendum sur l'éducation nationale annoncé par Jacques Chirac n'ait pas lieu ?

Claude Goasguen : Oui, d'autant plus que j'étais le président de l'association pour le référendum. Cela dit, ce n'était probablement pas la solution juridique la plus opportune, mais elle avait le mérite de susciter le débat, de mettre en lumière la réalité du fonctionnement de l'enseignement.