Article de M. Marc Blondel, secrétaire général de FO, dans "Force ouvrière hebdo" des 22 février et 8 mars et interviews dans "Libération" et à RTL le 28 février 1995, sur l'indépendance de FO par rapport aux partis, les négociations entre le patronat et les syndicats et les priorités d'action (réduction du temps de travail, emploi).

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Rencontre entre le CNPF et les syndicats au siège du CNPF le 28 février 1995 à Paris

Média : FO Hebdo - Libération - RTL

Texte intégral

Force Ouvrière Hebdo : 22 février 1995
L'indépendance affirmée

En septembre, nous célébrerons le centenaire de notre création. C'est en effet à Limoges que pris naissance le mouvement syndical interprofessionnel sous forme confédérée, qui devait s'appeler la Confédération Générale du Travail.

100 ans après, la CGT-Force Ouvrière non seulement entretient le flambeau du syndicalisme indépendant, mais elle l'active. L'idée de l'indépendance syndicale, à l'origine de la CGT, est toujours une idée moderne. Cela montre que les fondations idéologiques sont solides. Lorsque nos anciens fondèrent la CGT-FO en 1948, ce fut pour pérenniser cette conception de l'indépendance syndicale qui interdit toute soumission ou aliénation vis-à-vis d'un parti, d'un gouvernement, d'une religion ou du patronat. L'un des premiers actes de ceux qui continuèrent la CGT en créant la CGT-FO, fut de lancer une grève en 1949 pour obtenir une reconnaissance pleine et entière de la pratique contractuelle. Ce fut ainsi que la loi du 11 février 1950 vit le jour.

Indépendance et pratique contractuelle : deux idées clés de notre syndicalisme, deux idées corollaires.

L'indépendance permet la négociation et le compromis, refuse l'aliénation et la compromission. La pratique contractuelle entre interlocuteurs sociaux renforce l'indépendance, elle s'oppose au consensus ou au partenariat. Les militants FO, savent que notre conception du syndicalisme a de l'avenir. Il suffit de voir comment d'autres organisations essaient de nous copier en se référant abusivement à l'indépendance ou en confondant négociation et accord.

N'est pas indépendant qui veut.

C'est parce que nous avons confiance en l'avenir de notre syndicalisme que nous avons décidé de nous doter d'un nouveau siège pour la Confédération. Un siège moderne, fonctionnel, efficace pour tous les militants. Pour autant, nous resterons la centrale de l'avenue du Maine. Quelques centaines de mètres nous sépareront de nos locaux actuels. Le chantier avance vite. D'ici un an, nous serons dans nos nouveaux murs. Les militants et adhérents FO, auront ainsi une nouvelle maison commune. Dans ce numéro spécial de FO Hebdo, nous vous la présentons. Nous vous sollicitons aussi pour que vous puissiez, financièrement, participer à cette construction. Entre militants on ne fait ni la manche, ni un téléthon. Il s'agit plus simplement, pour ceux qui le peuvent, d'aider solidairement à la réussite de l'opération, au-delà des 10 francs supplémentaires sur la carte confédérale décidés par les instances de l'organisation.

En d'autres temps, les militants FO, auraient pu, symboliquement, se porter acquéreurs des briques (pierres) nécessaires à la construction. Les matériaux ont changé, mais la finalité et le sens du geste restent les mêmes.

Alors, à chacun, selon ses moyens… et ses besoins.


Libération : 28 février 1995

Libération : Qu'attendez-vous de la table ronde qui réunit ce matin les partenaires sociaux au siège du CNPF ? Croyez-vous à l'ambition de Gandois de « revitaliser » le dialogue social ?

Marc Blondel : L'objet de cette réunion n'est pas de traiter les problèmes mais de les identifier et de trouver une méthode pour les résoudre. C'est à la suite de la lassitude, voire de l'irritation, pour les grands-messes tripartites, que FO a demandé au patronat de replacer les interlocuteurs sociaux – j'utilise ce terme à dessein – dans leurs prérogatives respectives. Car dans les grands-messes, c'est toujours le gouvernement qui décide de ce qu'il retient, voire de ce qu'il ajoute. Quand Jean Gandois a été élu, nous lui avons fait savoir que nous souhaitions une redéfinition du paritarisme, le retour au dialogue social et à la négociation collective. On va essayer d'obtenir du CNPF qu'il reprenne sa place, pour que l'État soit moins envahissant.

Libération : Quelles sont vos priorités pour les négociations à venir ?

Marc Blondel : La priorité majeure de Force ouvrière, c'est la lutte contre le chômage. Pour cela, il y a deux voies. 1. La relance de l'activité, sur laquelle les organisations syndicales ont peu de moyens d'action. 2. Les salaires, ce que j'appelle relayer la reprise économique grâce au soutien de la demande pour la transformer en relance. Cela doit se faire dans un esprit keynésien raisonnable : on ne va pas demander 2 000 francs tout de suite et partout. Mais je vais dire à Gandois : « Encouragez vos fédérations et vos entreprises à négocier en fonction de la situation effective des salaires ». S'il me répond qu'il faut une répartition entre l'emploi et les salaires, je lui répondrai que c'est une vision théorique des choses car les entreprises n'embauchent que quand elles en ont besoin.

Libération : Et pour le reste ?

Marc Blondel : Je souhaite qu'on ait un dialogue régulier, tous les six mois, sur les problèmes européens. Dans ce domaine, nous sommes trop souvent placés devant le fait accompli. Ensuite, il faut parler des Groupements d'intérêt économique (GIE) où les patrons adoptent systématiquement la convention collective la moins favorable pour les salariés. On doit aussi discuter hygiène, sécurité, respect de la vie privée des salariés. Pour lutter contre l'exclusion, je vais demander qu'on revoie le régime de l'assurance - chômage, qui gagne de l'argent alors que, tous les mois, 50 000 chômeurs arrivent en fin de droits. Enfin, il faudra parler des heures supplémentaires, du temps partiel et de la réduction du temps de travail.

Libération : La CFDT exige que la question du partage du travail soit inscrite au menu des discussions. Allez-vous lui opposer votre veto, puisque vous estimez qu'il s'agit d'une « duperie » ?

Marc Blondel : Je suis pour la réduction du temps de travail sans baisse de salaire. Mais je ne crois pas qu'on puisse la décider au niveau interprofessionnel. Cela doit se discuter au niveau des branches et des entreprises. Et si nous voulons un effet sensible sur l'emploi, il faut aller vers la semaine de 30 heures. Au passage, je note que la grand-messe allemande sur le partage du travail n'a pas porté ses fruits. Le syndicat IG Metall réclame 6 % de hausse des salaires. Si j'étais méchant, je dirais que c'est ma crédibilité, et non celle de Nicole Notat (secrétaire générale de la CFDT), qui sort renforcée de cette affaire.

Libération : Vous évoquiez le temps partiel et les heures supplémentaires.

Marc Blondel : Le temps partiel doit être payé plus cher. Je ne comprends pas ceux qui veulent le développer sans aucune garantie. C'est inégalitaire car ce sont surtout les femmes qu'on encourage à passer à temps partiel, alors que leurs salaires sont déjà 25 % inférieurs à ceux des hommes. Quant aux heures supplémentaires, elles prouvent qu'il y a de l'activité. Dans ce cas, il faut que les patrons embauchent.

Libération : Le CNPF laisse entendre que la refonte du système de protection sociale ne sera pas à l'ordre du jour. Vous êtes satisfait ?

Marc Blondel : Je n'ai jamais dit que la Sécu fonctionne merveilleusement bien. Mais il faut qu'on la garde quant à ses principes, sa notion égalitaire et solidaire. Il ne faut pas faire payer certains plus que d'autres. Je suis d'accord pour la maîtrise médicalisée des dépenses. N'oublions pas aussi le rôle économique de la Sécu : de nombreux secteurs, donc de nombreux emplois, en dépendent.

Libération : Selon un récent sondage, un salarié sur deux serait prêt à manifester pour des hausses de salaires. A l'automne, on a vu plusieurs conflits sur ce thème. Hier, le secteur public a entamé une grève en Corse. Comment jugez-vous le climat social ?

Marc Blondel : Traditionnellement, il est plutôt calme en période électorale. Par contre, après l'élection, et quel que soit le résultat, il pourrait y avoir une réaction importante. Surtout si les jeunes ne se sentent pas concernés par la campagne. Je ne vois pas d'état de grâce après le mois de mai. Quant à la situation en Corse, cela fait plusieurs mois que mes camarades tirent la sonnette d'alarme. Il n'y a rien de pire que celui qui fait le sourd. Aucun conflit ne se termine sans négociation.

Libération : 1995 marque le centenaire de la CGT, dont vous revendiquez l'héritage. Louis Viannet se dit prêt à refaire l'unité avec FO. Et vous ?

Marc Blondel : Il n'est pas inutile de rappeler qu'en 1995 la CGT s'est construite sur une volonté d'indépendance à l'égard de la politique. Après deux tentatives infructueuses, les communistes nous l'ont volée en 1947. Nous avons donc un tronc commun avec la CGT, même les plus anticommunistes, à FO, reconnaissent cet état de fait. Nous ressentons les problèmes de façon proche mais nous ne faisons pas la même chose. Car l'objectif final est différent. Force ouvrière peut rester un syndicat et non un parti. Je suis de plus en plus persuadé que l'évolution du mouvement syndical, et pas seulement français, passe par la pratique de l'indépendance syndicale.


RTL  : mardi 28 février 1995

J.-M. Lefebvre : Identifier les questions à traiter, et mettre au point une méthode pour les résoudre, tels étaient pour vous les objectifs de cette rencontre, estimez-vous que les objectifs soient atteints ?

Marc Blondel : Les objectifs non, dans la limite où il y a identification. Il y a une déclaration de principe. On sent la volonté de se réapproprier le dialogue social et de ne plus travailler à la commande, ou sous le contrôle, voire avec, le gouvernement intervient c'est lui qui décide. On a sacrifié le Code du travail comme cela. Le résultat concret de cette réunion c'est qu'elle se soit tenue. La déclaration ne me satisfait pas complètement. J'en suis l'initiateur. Je tenais à ce qu'il y ait une déclaration qui soit signée par toutes les organisations syndicales et par le patronat comme un espèce d'engagement, une espèce de profession de foi. Je souhaitais que l'on mette un peu plus l'accent sur le salaire. Il n'y a que deux phrases concernant le salaire. On y rappelle que les organisations syndicales doivent négocier le salaire. Je rappellerais en plus que c'est une obligation légale. D'ailleurs J. Gandois va avoir obligatoirement l'occasion de montrer son indépendance et son autonomie puisque je crois comprendre que M. Giraud a dit qu'il ne fallait surtout pas augmenter les salaires. On va voir comment J. Gandois, dans les instances patronales, va relier son engagement écrit.

J.-M. Lefebvre : Est-ce un signal que cette réunion ait lieu à quelques mois des présidentielles ?

Marc Blondel : C'est à la fois fortuit et c'est à la fois délibéré. Nous étions contre le fait de faire des grandes messes où le patronat et les salariés étaient victimes des décisions du gouvernement. Rappelez-vous au mois de septembre, le Premier ministre avait annoncé quelques idées concernant notamment le chômage et plus particulièrement une idée concernant le RMI. Depuis septembre, nous n'avons rien vu, et je crois comprendre aujourd'hui que cette idée va être modifiée. Ce ne sont plus les RMIstes, qui sont chômeurs de longue durée depuis deux ans, qui vont être seulement concernés, mais ce sont aussi ceux qui sont au chômage depuis un an. À partir de ce moment-là, le Premier ministre décide. Je ne veux pas savoir les raisons qui l'ont conduit à cela, mais le mouvement syndical et le patronat sont complètement hors du coup. Cela veut dire que l'on va faire pression maintenant sur les entreprises pour qu'elles acceptent ces embauches. Or les embauches en question auront des conséquences, notamment dans le domaine des salaires. Ceci me permet de dire qu'il vaut mieux que ce soit nous qui en conversions.

J.-M. Lefebvre : Vous êtes partisan d'une certaine relance ?

Marc Blondel : Trois volets pour l'emploi : le premier est qu'il faut redonner de l'activité aux entreprises. Le deuxième volet : je me qualifie volontairement de keynésien raisonnable, cela veut dire que je considère comme nécessaire que l'on soutienne la demande pour transformer la reprise en demande. Ensuite, je n'ai rien contre pour que nous discutions sur la réduction de la durée du travail, que nous discutions sur le travail à temps partiel en essayant d'inciter à ce que les gens qui travaillent à temps partiel aient un salaire en rapport proportionnel à leur salaire s'ils travaillaient à temps complet. C'est un peu compliqué sur le plan technique, mais cela veut dire que ceux qui travailleraient 3 heures seraient payés plus de 3/8. Cela serait une mesure incitative pour certaines personnes afin qu'elles demandent que leurs contrats soient transformés à temps partiel. Mais j'écarte la notion de partage du travail, si cette notion de partage du travail est présentée comme étant le jeu de plusieurs systèmes pour obtenir un objectif. Dans ce cas, c'est très clair on sait très bien que derrière cela c'est la réduction du travail mais aussi la réduction des salaires.

J.-M. Lefebvre : La semaine de trente heures sans réductions de salaire, est-ce raisonnable ?

Marc Blondel : C'est une déclaration que j'ai faite à l'un de vos confrères. Je suis persuadé que si on veut faire participer la notion de réduction de la durée du travail de matière effective, c'est-à-dire qu'il y ait des résultats concrets, cela ne peut se faire que par une réduction substantielle du temps de travail. Cela est faisable sous forme de plan assez rapidement et cela permettrait un effet important sur le chômage. Mais je ne dis pas que cela résoudrait tout. Mais quand je dis cela, je dis aussi avec maintien des salaires parce que l'inverse n'est pas possible. Et là sachant que ceci augmenterait l'inflation, je dois me bagarrer avec les monétaristes. J'ai bien conscience de cela, mais c'est parce que l'on fait trop de politique monétaire que l'on se trouve avec le chômage que l'on connaît actuellement. Pour moi, c'est clair c'est le taux d'intérêt qui fait qu'il y a des chômeurs dans ce pays.

J.-M. Lefebvre : Les chiffres du chômage sont bons et il semblerait que, pour la première fois, les jeunes et le chômage de longue durée soit eux aussi touchés par cette accalmie ?

Marc Blondel : Je ne veux pas jouer aux Cassandres et je ne veux pas démolir les applaudissements vraisemblables du ministre du Travail, demain. Une hirondelle ne fait pas le printemps en la matière. Il faut voir si la tendance se confirme. S'il y a un retournement de tendance, ce n'est pas négligeable mais gardons à l'esprit qu'il y a 3,3 millions de chômeurs. Et j'ai le sentiment que tout ceci n'est pas fait de manière spontanée, naturelle, mais d'une manière artificielle. Il y a, à l'heure actuelle, 2,4 millions salariés qui sont directement ou indirectement des salariés aidés. Plus exactement les entreprises ont reçu de l'aide pour embaucher ses salariés ou pour maintenir ses salariés. Ceci me permet d'ailleurs une petite plaisanterie. On parle beaucoup de l'État-providence pour le dénoncer, en fait l'État-providence travaille pour le patronat en ce moment. Il sert à se substituer au patronat, à lui donner de l'argent pour qu'il embauche des gens dans des conditions qui ne sont pas des conditions de salariat naturel. Le patron n'est même plus le patron du salarié, puisqu'il a une partie des revenus de celui-ci qui viennent de l'État. Ce traitement social du chômage n'est pas une solution viable, cela fait quinze ans qu'y on a recours et cela ne dure pas.

J.-M. Lefebvre : Que pensez-vous de l'objectif de réduire de 200 000 le nombre des chômeurs cette année ?

Marc Blondel : C'est mieux que rien. Mais je note tout simplement que nous avons dans ce pays, plus de 4 millions de jeunes qui ont entre 19 et 24 ans, près de 4 millions entre 15 et 19 ans. Ceci fait 8 millions de jeunes. Croyez-vous que vous alliez leur donner de l'espoir en leur disant que l'on aura baissé le chômage de 200 000 personnes quand il y a 3,5 millions de chômeurs, plus un million de RMIstes dont 109 000 sont RMIstes depuis 1989 ? C'est une belle intention mais, à mon avis, pas déterminante pour emmener l'espérance. Le problème qu'il nous faut aborder maintenant est celui-ci. Il faut donner une sortie aux jeunes parce que, sinon ils n'accepteront pas leur sort, et à un moment ou un autre ça pétera.


Force ouvrière Hebdo : 8 mars 1995
En revenir au contrat collectif

Que dire de plus de la réunion qui s'est tenue le 28 février 1995 au siège du CNPF avec les cinq confédérations syndicales ? Confirmer son importance au plan symbolique d'abord.

Il y avait en effet longtemps qu'une rencontre n'avait eu lieu en dehors des négociations « de nécessité » (assurance-chômage, retraites complémentaires, formation professionnelle notamment).

Nous souhaitions donc qu'elle ait comme objectif une redynamisation de la pratique contractuelle à tous les niveaux, afin que les interlocuteurs sociaux puissent prendre leurs responsabilités sur les domaines de leur ressort et ce de manière autonome vis-à-vis des pouvoirs publics.

Pour nous, c'est une façon de mettre fin aux grand-messes, de limiter le dirigisme social du gouvernement, quel qu'il soit, et de ne pas faire dériver les rapports sociaux vers un tripartisme de droit ou de fait préjudiciable à la démocratie représentative.

En un mot nous avions la volonté de nous réapproprier le social.

Sur ce point, nous avons apparemment obtenu satisfaction.

Cette réunion fut ensuite originale dans la composition puisque les délégations étaient menées par les Présidents ou Secrétaires généraux. Pour autant, ce n'est pas un événement historique, c'est simplement une nécessité après plus de dix ans de vie contractuelle ultra-ralentie au niveau interprofessionnel, le patronat, aidé en cela par les gouvernements successifs, ayant joué la décentralisation des négociations au niveau des entreprises et établissements, ce qui a conduit à la diversification des situations des salariés et à une concurrence économique accrue et déloyale frisant le dumping social.

Sur l'articulation des négociations entre les niveaux interprofessionnel, branche, entreprise, un groupe de travail paritaire va se réunir. Les discussions n'y seront pas faciles dans la limite où le patronat n'entend pas « remiser » à sa place le niveau de l'entreprise et surtout que semble se dessiner du côté d'un certain patronat, une résistance tendant à court-circuiter la représentation syndicale.

Autre point que nous tenions à aborder : la question des salaires. Les discussions furent serrées sur ce dossier. Le patronat n'exclut pas que des négociations aient lieu dans les entreprises, en fonction de leur situation, mais craint fortement que cela ne conduise à un changement de politique économique.

Il est clair qu'il y a là, de façon interne au patronat, un débat entre les industriels et les capitalistes et que ceux-ci craignent que les salaires fassent l'objet de discussions nationales interprofessionnelles, ce qui n'a jamais été notre vision, si ce n'était que parce que nous sommes contre la politique des revenus.

Sur ce point, il est en phase avec le gouvernement et le ministre du travail, qui a rappelé le 28 février qu'il ne fallait pas relancer l'économie par les salaires !

Autre point de discussion serrée : la durée du travail.

On a retrouvé ici le clivage entre la lutte pour l'emploi et la lutte contre le chômage, autrement dit entre les partisans du partage du travail et des revenus et ceux de la répartition des richesses et de l'augmentation des salaires.

Une première réunion aura lieu en mars pour examiner les thèmes éventuels de négociation.

Pour notre part, nous avons réaffirmé que nous étions prêts à discuter des heures supplémentaires, des conditions du temps partiel volontaire, de mécanismes anticipés de cessation d'activité, mais non de l'aménagement du temps de travail version partage du travail et des revenus.

Par ailleurs, contrairement à ce qu'a affirmé la Secrétaire générale de la CFDT sur l'Europe, j'ai bien indiqué, le 28 février, que l'objectif de 30 heures de travail hebdomadaire était historiquement inéluctable.

Mais il est évident qu'une orientation de cette nature, qui ne peut se concrétiser qu'en maintenant le salaire, mérite une analyse particulière. Nous persistons à penser que c'est le seul moyen de réduire substantiellement le chômage par la réduction du temps de travail.

Nous aurions enfin souhaité que la notion de primauté du syndicat soit rappelée, ceci pour bloquer toutes les tentatives de court-circuitage des syndicats dans les entreprises.

Le principe même de d'existence d'un texte à l'issue de cette réunion n'était pas acquis, y compris du côté syndical.

Nous avons été déterminants pour l'obtenir.

Nous ne pensons pas avoir ainsi tout réformé, mais nous avons bloqué les velléités de pacte social (tripartisme ou non) et resitué la négociation collective dans son milieu : entre patronat et syndicats, ce qui est important à la veille de l'élection présidentielle.

Il convient maintenant que nous transformions l'essai.

Cela passe en particulier, dans les entreprises, par des revendications en matière de salaires, y compris par l'action pour obtenir satisfaction.

La mayonnaise salariale est en train de prendre. À nous de faire monter par la revendication, l'exigence d'ouverture de négociations, l'action si nécessaire.

C'est indispensable au plan social, économique et psychologique.

C'est un des passages obligés pour lutter contre le chômage.

Une prochaine réunion est programmée pour le 14 juin 1995*.

D'ici là, il nous appartient de montrer le rôle déterminant du syndicalisme indépendant.

* le principe d'une réunion semestrielle est arrêté.