Texte intégral
Q - Le déménagement du centre d'accueil pour toxicomanes de Beaurepaire s'accompagnera-t-il d'une augmentation des moyens pour ce centre ?
Bernard Kouchner. - Le professeur Pissaro, que j'ai nommé comme médiateur et qui me représente, veillera à ce que l'activité de prise en charge puisse se poursuivre, pour le bien des malades et sans gêne ni pour les usagers ni pour les riverains. Le déménagement ne se fera qu'en concertation avec tous les intéressés. Au moment opportun, si le lieu est trouvé, nous aiderons l'association. La politique de réduction des risques passe par un meilleur accueil des toxicomanes. L'ordre public sera d'autant mieux assuré que ces prises en charge seront effectives.
Q - Les opposants au centre Beaurepaire ont toujours bénéficié de la passivité de la police, qui n'est jamais intervenue pour faire enlever les banderoles et le stand. Ce type de structure d'accueil est-il réellement soutenu par le gouvernement ?
Bernard Kouchner. - Absolument et nous poursuivons ainsi la politique menée depuis 1996 conjointement par le maire de Paris et mon prédécesseur, Hervé Gaymard. La politique de réduction des risques doit se comprendre dans sa globalité. Nous sommes déterminés à aider au développement des structures telles que les boutiques, sleep-in, points écoutes, bus d'échange de seringues. Nous sommes surtout décidés à soutenir la prise en charge dans des centres spécialisés avec : substitution par méthadone, prise en charge par les réseaux de médecins généralistes, développement et encadrement du traitement par subutex.
La mise en place de telles structures doit être impérativement précédée de concertation et d'information. Elle suppose des associations courageuses et des élus responsables qui sauront ensuite expliquer convaincre. C'est la clé du succès. On installe mal un centre de soins contre les voisins les riverains. Il faut convaincre, c'est essentiel et prendre en compte les peurs et les malentendus qui entraînent des réactions de la population. La concentration des centres dans les zones difficiles peut attirer les usagers, certes, mais la multiplication des centres les dispersent, lorsqu'ils fonctionnent bien. La criminalité et l'insécurité baissent alors très nettement.
Q - Certains interprètent le déménagement de Beaurepaire plus l'abandon de Sleep-In rue de Maubeuge comme une remise en cause de la politique de réduction des risques par les pouvoirs publics. Qu'en est-il ?
Bernard Kouchner. - Ce n'est absolument pas le cas. Les associations qui animent les centres font un travail difficile et courage, elles doivent continuer et je les soutiendrais en ouvrant d'autres centres à Paris, selon un plan concerté avec les élus, les autorités, les bénévoles, les professionnels et, toujours après concertation avec les riverains : sur un modèle qui va être défini par le médiateur, le professeur Pissarro, qui me remettra bientôt son rapport et en qui j'ai toute confiance.
Q - La boutique de la rue Philippe-de-Girard (XVIIIe) et le Sleep-In de la rue Pajol (XVIIIe) sont très contestés, la police elle-même établissant le lien entre l'augmentation de la délinquance et la présence de ces structures. Pourraient-elles être fermées, ou relocalisées ?
Bernard Kouchner. - Non, il n'en est absolument pas question. Il faut, encore une fois, convaincre de leur utilité. Et se montrer ferme en ce qui concerne l'ordre public.
Q - Selon des élus de l'opposition, l'urgence dans Paris est de multiplier les lieux de distribution de produits de substitution, plutôt que les simples centres d'accueil non médicalisés, dont l'efficacité est contestée. Qu'en pensez-vous ?
Bernard Kouchner. - Ne faisons pas de sectarisme politique à-propos de la santé publique. Bien entendu ces mesures sont complémentaires. Nous y travaillons activement avec la DDASS, les associations et la préfecture. J'ai très bien avancé avec le maire du Xe, Tony Dreyfus, dont il faut saluer la lucidité et la détermination.
Q - La prise en charge psychiatrique des toxicomanes par des équipes mobiles dont vous discutez actuellement avec Daniel Vaillant, maire du XVIIIe, aurait-elle vocation à remplacer les centres d'accueil type Beaurepaire, ou serait-elle complémentaire ?
Bernard Kouchner. - La prise en charge dont vous parlez ne remplacera pas les centres d'accueil. Elle se fera dans le cadre habituel avec les associations. Nous travaillons en effet sur un projet d'équipes mobiles en liaison avec les services hospitaliers. Il s'agit d'une réponse précise à une exigence des familles du XVIIIe qui craignent certaines violences des polytoxicomanes. Je comprends ces familles. Aux côtés de Daniel Vaillant, je les soutiendrai.