Texte intégral
L’Est Républicain, samedi 3 octobre 1998
Christophe Dollet
- Votre élection a semble-t-il dépassé les clivages des partis ?
Christian Poncelet
- Quand on regarde les chiffres s'est l’évidence.
Christophe Dollet
- En même temps elle a jeté le trouble au sein de l’Alliance…
Christian Poncelet
- Je ne le crois pas, pour une raison très simple : je me suis présenté comme candidat libre, sans demander l'investiture du RPR. Je lui ai simplement demandé d'apprécier ma candidature et de dire s'il me soutenait ou non. Les sénateurs du groupe devant lesquels je me suis exprimé à deux reprises, m'ont assuré de leur soutien à l’unanimité.
Christophe Dollet
- Vous avez rassemblé au-delà des 99 RPR.
Christian Poncelet
- J’avais un courant de sympathie très fort qui dépassait les clivages. Je préside depuis plusieurs années la commission des finances et les uns et les autres ont pu apprécier la façon avec laquelle je conduis les débats. Et ont pu reconnaître que je n'étais pas un président partisan mais au contraire très ouvert. A chaque renouvellement à la tête de la commission des finances, j'ai été élu à une forte majorité, voir à l’unanimité. Ce qui m'autorisait à proposer un programme, contenu de ce que je constatais à savoir que l'image du Sénat était quelque peu dégradée. En particulier auprès des jeunes, l'institution paraît un peu ringarde.
Christophe Dollet
- Comment comptez-vous changer cette image ?
Christian Poncelet
- Je veux que le Sénat soit un laboratoire d'idées et une force de propositions. L'an dernier par exemple, certains sénateurs souhaitaient que nous nous opposions au projet de budget 1998. Ils voulaient émettre une fin de non-recevoir, un rejet. Je n'ai pas souscrit à cette position, préconisant que nous analysions le budget pour élaborer une contre-proposition prenant en considération les aspects positifs, mais aussi en agissant dans le sens de l'intérêt général, en réduisant les dépenses publiques, par exemple, et notre endettement. Il n'a pas été facile de le faire admettre aux sénateurs parce qu'il était très contraignant, qu'il fallait voter des réductions de crédits dans certains ministères.
Christophe Dollet
- Vous parlez aussi de laboratoire d’idées…
Christian Poncelet
- C’est d’actualité. En juin dernier, j'étais à l'origine d'une proposition de loi sur la baisse des charges sur les bas salaires, inspiré du dispositif donc a bénéficié le textile. Voilà une voie pour stimuler l’emploi. Aujourd'hui au sein du gouvernement et de la majorité plurielle, des voix s'élèvent pour dire que c'est le chemin qu'il faut emprunter. J'ai entendu celle de M. Fabius tout récemment.
Christophe Dollet
- Votre nouvelle charge est lourde. Pensez-vous pouvoir continuer à assumer trois mandats exécutifs : maire, président du conseil général et président du Sénat ?
Christian Poncelet
- La question entraîne la réponse, elle mérite une analyse sérieuse. Il faut savoir s’organiser. Je vais voir. Si c'est possible, oui, si ce n'est pas possible, non.
Christophe Dollet
- Vous y avez déjà réfléchi…
Christian Poncelet
- Oui, j'y ai réfléchi seul. Mais j'ai l'habitude de faire un travail collégial, par conséquent, je vais demander à d’autres, qui travaillent avec moi, leur appréciation.
Christophe Dollet
- En quoi cette nouvelle mission va-t-elle rejaillir sur les Vosges ?
Christian Poncelet
- Chaque fois que j'ai obtenu des postes à responsabilités, j'ai veillé à défendre les intérêts de mon département. Je vais continuer, nous avons beaucoup de problèmes en suspens en Lorraine. Par exemple le TGV, je vais accélérer un petit peu les choses. Avoir la responsabilité de la deuxième charge de l’État, c'est pas négligeable. Il y a aussi les infrastructures routières, l’industrialisation, l'aménagement du territoire. A ce propos, je vais certainement engager des discussions avec le Premier ministre sur la loi électorale. Elle doit prendre en considération la représentation des populations, mais s'agissant d'une institution qui a vocation à défendre les collectivités territoriales, la loi électorale doit aussi prendre en considération les territoires.
Christophe Dollet
- Quel sera votre premier pas de président ?
Christian Poncelet
- On m'a demandé de prononcer demain matin (aujourd’hui) un discours d’ouverture d'une manifestation en l'honneur de Michel Debré. L'occasion de fêter les 40 ans de la création de la Ve République. Il y a 40 ans qu'on a reconstitué le Sénat qui autrefois s'appelait le conseil de la République. Coïncidence heureuse, pour nous, pour marquer cet anniversaire, c'est un gaulliste qui accède à la présidence du Sénat.
Christophe Dollet
- Oui, mais vous ne serez pas un président gaulliste avez-vous dit !
Christian Poncelet
- Ah, gaulliste si.
Christophe Dollet
- Pas RPR alors ?
Christian Poncelet
- Gaulliste avant toute chose.
Christophe Dollet
- Un président de rassemblement ?
Christian Poncelet
- Un membre du Rassemblement, qui comme son nom l’indique rassemble. Comme un journal d'informations avec toutes les sensibilités. Vous donnez toutes les informations, les bonnes et les mauvaises. Le Rassemblement c'est ça.
RTL - 2 octobre 1998
O. Mazerolle
Vous avez été plusieurs fois membre du gouvernement dans les années 1970, mais le grand public ne vous connaît pas très bien. Alors que pouvez-vous dire, ce matin, à ceux qui se disent : mais qui est ce monsieur qui devient le deuxième personnage de l’État ?
Christian Poncelet
- « Tout simplement un citoyen parmi les citoyens. J’ai, il y a maintenant plusieurs années - c'était en 1962 -, solliciter la confiance des Vosgiens pour les représenter à l'Assemblée nationale. J'ai été élu et réélu et après un passage pendant cinq ans et demi au gouvernement, à différents postes. J'ai été membre du gouvernement sou deux Présidents de la République : le regretté G. Pompidou et sous la présidence de V. Giscard d’Estaing ; sous trois Premiers ministres, P. Messmer, J. Chirac et R. Barre. Et en 1977, j'ai quitté le gouvernement, j'ai démissionné, pour entrer au Sénat où quelques années après je devenais président de la commission des finances. C'est vrai, vous avez peut-être raison de souligner que je suis discret mais en compensation, j’essaye d'être efficace. »
O. Mazerolle
Gaulliste et européen, cela vous va comme définition ?
Christian Poncelet
- « Oui, j'ai toujours été très européen. Cela ne surprendra pas, je suis de l’Est et l'Europe nous apporte la paix, nous qui avons connu plusieurs conflits. C'est déjà un point positif : je suis très attaché à l'Europe et je me rends compte, aujourd’hui, que l'Europe a de plus en plus d’adeptes. Je m'en réjouis. »
O. Mazerolle
Cette nuit, au Sénat, les amis de R. Monory, que vous avez battu, parlaient d'humiliation qui lui a été imposée : pourquoi lui avoir imposé cette humiliation ?
Christian Poncelet
- « Pas de grands mots. Nous sommes en démocratie et, au Sénat, il s'agissait d'élire le président du Sénat. Par conséquent où est-il écrit quelque part qu'il n'y aura qu'un seul candidat ? Pas du tout. Moi, je me suis présenté sans, d’ailleurs, solliciter l'investiture de mon mouvement - c'est une marque d'indépendance de ma part. J'ai présidé pendant plusieurs années - je viens de vous le dire - la commission des finances et je n'ai jamais accepté de recevoir instruction de telle ou telle formation pour orienter l'action de ma commission dans telle ou telle direction. J'essaye de juger en mon âme et conscience et selon l'intérêt général. »
O. Mazerolle
Est-il exact que le Président de la République a tenté de vous dissuader de vous présenter ?
Christian Poncelet
- « Là, vous n'obtiendrez aucun élément de réponse à cette question. Les conversations que j’ai eues avec le Président de la République demeurent du domaine de la discrétion. »
O. Mazerolle
Avez-vous le sentiment d'avoir dynamité l’Alliance : F. Bayrou qui est le président de l'UDF a dit que c'était un coup sérieux porté à l’Alliance, l’unité de l'opposition est en péril ?
Christian Poncelet
- « Qu'est ce que cela veut dire ? En 1993, élections générales : la majorité de l'époque l’emporte - RPR et UDF. Il s'agit d'élire le président Assemblée nationale : P. Séguin, membre du RPR qui est le parti majoritaire à l’Assemblée, se présente ; l'UDF présente M. Baudis. Avez-vous entendu de notre côté des expressions comme celles que vous venez de prononcer ? Les députés se sont prononcés et P. Séguin a été élu. En quoi la majorité de l'époque a-t-elle été brisée ? Pas du tout. »
O. Mazerolle
Mais tout de même, les centristes, l’UDF, tenaient à ce poste du Sénat qui était historiquement détenu par eux. Et voilà les gaullistes qui arrivent et hop, le RPR parti dominateur au sein de l’opposition !
Christian Poncelet
- « Un peu d’histoire : en 1989 les RPR ne présentent personne à l'élection pour la présidence du Sénat et c’est l’UDF contre M. Poher qui présente quatre candidats. Ce n'est pas nous qui, à l’époque, divisions l’UDF que je sache. Donc non, pas de grands mots. Je suis convaincu que devant l'intérêt général, très rapidement, l'entente se refera dans la mesure, bien sûr, où elle serait brisée. Je ne crois pas qu’elle soit particulièrement brisée. On est un peu divisé. Je n'ai pas beaucoup divisé ce qui était divisé. »
O. Mazerolle
Vous n'avez pas le sentiment d'avoir tué toutes possibilités de présenter une liste unique de l'opposition aux élections européennes ?
Christian Poncelet
- « Pour cela, les mouvements s'entendront et nous verrons bien. Mais d'ici les élections européennes, il y aura encore de l’eau qui coulera sous les ponts. »
O. Mazerolle
Vous avez la conscience tranquille ?
Christian Poncelet
- « Oui, oui, très tranquille. D'autant plus tranquille que vous avez pu remarquer que M. Monory a été quelque peu abandonné par les siens. Mais je n'ai pas pour habitude d'interférer dans les affaires familiales des autres. Et puis, les suffrages que j'ai obtenu débordent largement du mouvement auquel j’appartiens. »
O. Mazerolle
Il y a eu un peu de socialistes ?
Christian Poncelet
- « Je ne sais pas mais si je me réfère aux élections précédentes et à la présidence de la commission des finances - j'ai été élu à plusieurs reprises à quasi unanimité. Il y avait aussi, là, des voix qui n'étaient pas seulement RPR. »
O. Mazerolle
Vous avez dit l'autre jour que le Sénat apparaissait comme une institution un peu ringarde. Qu'allez-vous faire pour modifier cette image ?
Christian Poncelet
- « J’ai, pendant ces dernières semaines, parcouru beaucoup de départements pour aller soutenir mes collègues sénateurs qui se représentaient à l’appréciation des grands électeurs. J'ai constaté qu'effectivement notre institution avait une image brouillée, un peu dégradée et chez les jeunes surtout j'entendais cette expression que vous venez de prononcer : ringarde. Par conséquent, il m'apparaît urgent de donner à notre institution une autre image. »
O. Mazerolle
Comment ?
Christian Poncelet
- « Il faut l’ouvrir : plus de transparence, plus d'actions collégiales, et surtout il faut éviter que notre institution soit et apparaisse comme l'appendice de l'Assemblée nationale. Le Sénat n'est pas là pour dire toujours oui ou toujours non au gouvernement selon les époques. Il est là pour, bien sûr, assumer ses propres responsabilités ; il est là en particulier pour défendre les intérêts des collectivités territoriales. N'oublions pas que la Constitution précise que c'est le Sénat qui a en responsabilité la défense des intérêts légitimes des collectivités territoriales. Au lieu de laisser en périphérie du Sénat ses créer des commissions ad hoc pour veiller aux intérêts de ces collectivités, pourquoi ne pas faire tout de suite du Sénat cette grande maison des collectivités territoriales ? Le Sénat doit être -à mes yeux parce que je n'ai pas la prétention de faire tout tout seul, je viens de parler de collégialité et je m'en entretiendrai avec les sénateurs sans exception - le Sénat doit être un laboratoire d'idées et une force de proposition. Et je voudrais pour illustrer mon propos donner très rapidement deux exemples.
L'an dernier, à pareille époque, on discute le budget ; certains disent : on repousse le budget, il n'est pas le nôtre ; je m’y oppose, je préfère que l’on propose un contre-budget pour reprendre ce qui est bon dans le projet du gouvernement et ce que nous voulons y ajouter, ce qui transcrira, bien sûr, les intentions qui sont les nôtres en matière de réduction d’impôts et en matière de réductions des prélèvements obligatoires. Deuxième idée : j'ai présenté, en juin dernier, une proposition de loi signée par plusieurs responsables sénateurs qui consiste à abaisser les charges sur les bas salaires. Cela a été voté à une large majorité. Aujourd’hui, j'entends avec satisfaction le président de l'Assemblée nationale, M. Fabius dire : c'est une bonne direction, il faut l’emprunter ; je vois le rapport de M. Malinvaud dire : voilà ce qu'il faut faire pour soutenir l’emploi. Donc, oui, laboratoire d'idées et force de proposition. »
O. Mazerolle
Tout de même, vous allez avoir à faire à L. Jospin qui veut réformer le mode de scrutin des sénateurs.
Christian Poncelet
- « Oui, c'est ce qu'il a dit. A ce propos… »
O. Mazerolle
Vous allez faire de la résistance ?
Christian Poncelet
- « Vous savez moi, j'ai vécu cela et cela est un mot auquel je suis très attaché. Cela n'a rien de comparable avec la résistance qui a pu exister autrefois. Non, nous allons avoir des entretiens, on va certainement négocier, je ne sais pas très bien ce qu’il va proposer. Ce que je regrette c'est un peu ce propos hasardeux lorsqu'il a parlé d'une anomalie de la démocratie. Je me suis rappelé à ce moment-là que quelqu'un d’autre - auquel il a du penser aussi - c’était F. Mitterrand, Président de la République, qui avant d'être Président avait eu à défendre le Sénat à une certaine époque, et il avait considéré que le Sénat était une institution indispensable à l'équilibre des pouvoirs. Voilà au moins une bonne référence pour maintenir le Sénat, maintenir sa pérennité et permettre le développement de ses activités. »
Europe 1 - 2 octobre 1998
J.-P. Elkabbach
Vous avez gagné un peu comme une prise d’assaut ?
Christian Poncelet - « Ce n’était pas une opération de caractère militaire ! Vous employez une expression un peu dure. Je me suis présenté à la présidence du Sénat car rien n’interdit à un sénateur d’être candidat à cette responsabilité. »
J.-P. Elkabbach
D’un bout à l’autre de la compétition, vous l’avez voulu d’abord seul et vous y avez cru d’abord seul.
Christian Poncelet - « C’est exact. Je peux confirmer que cette démarche est une démarche mûrement réfléchie après avoir recueilli les avis des uns et des autres - je vous rappelle que je suis président de la commission des finances depuis fort longtemps - et j’avais pu entendre les réflexions des uns et des autres. D’ailleurs, pour confirmer ce que vous dites, je me suis présenté sans solliciter l’investiture du RPR, mouvement auquel j’appartiens. »
J.-P. Elkabbach
Est-ce que c’est le RPR qui a gagné ou le RPR Poncelet ?
Christian Poncelet - « Le RPR Poncelet, bien sûr, s’est engagé - je viens de le préciser - sans l’investiture et avec le soutien de ses amis et par conséquent, sans leur soutien peut-être n’aurais-je pas eu de succès mais sans ma candidature, peut-être n’aurait-on pas un RPR comme président. »
J.-P. Elkabbach
Vous prépariez votre campagne depuis longtemps sans doute ?
Christian Poncelet - « Ecoutez, très franchement, il y a six ans, j’avais envisagé d’être candidat. Cela n’a pas pu se faire parce que le président de mon mouvement qui était C. Pasqua s’est présenté. Donc, il était inélégant de ma part de me présenter contre celui qui fait président du groupe parlementaire auquel j’appartenais. Donc, j’ai renoncé. »
J.-P. Elkabbach
Qu’est-ce qui vous fait penser que cette année, cela pouvait être cela ?
Christian Poncelet « Ma décision a été prise pendant la campagne sénatoriale. Je me suis rendu dans plusieurs départements pour soutenir mes collègues, candidats au Sénat et j'ai entendu des réflexions. »
J.-P. Elkabbach
Sur ?
Christian Poncelet - « Sur le Sénat. »
J.-P. Elkabbach
Sur qui ?
Christian Poncelet - « Pas sur les hommes, sur l'institution elle-même. L'image était brouillée et dégradée et par conséquent, les jeunes surtout considéraient que c'était une institution un peu ringarde. »
J.-P. Elkabbach
Au premier tour, vous avez obtenu six à sept voix de gauche. On dit MM. Charasse, Baylet, Dreyfus-Schmidt, etc. Au deuxième tour, une quinzaine de voix de gauche se sont portées sur vous. Cela tient à quoi ?
Christian Poncelet - « Les voix de gauche… pour ma part, je ne les ai pas triées. Je les ai comptées seulement, je ne les ai pas triées ! Je ne sais pas d'où sortaient les voix. S'il y a des voix de gauche, cela ne me surprend pas. Pourquoi ? Parce que j'ai été à plusieurs reprises élu président de la commission des finances avec des voix qui débordaient largement le nombre de sénateurs présents à la commission des finances et appartenant à ce que l'on appelle la majorité sénatoriale. »
J.-P. Elkabbach
Vous confirmez que vous avez eu probablement des gens de gauche qui ont voté pour vous ?
Christian Poncelet - « Je ne peux l’affirmer mais je ne peux pas la l’infirmer. »
J.-P. Elkabbach
L'ancien syndicaliste, C. Poncelet peut-être ?
- « Oui, j'ai été militant. »
J.-P. Elkabbach
Les centristes disent que le RPR s'est associé à la gauche pour battre ses alliés ?
Christian Poncelet - « Ils feraient bien de regarder un peu les chiffres comme vous venez de le faire. Ils verront que leur candidat a été battu par eux-mêmes. Par conséquent, j’ai la conviction qu’au sein du groupe centriste, tous les centristes ne se sentaient pas mobilisés pour la réussite du président sortant. »
J.-P. Elkabbach
Vous voulez dire qu'ils ont mal joué, qu'ils ont perdu parce qu'ils n'avaient pas de stratégie, parce qu'ils étaient divisés, il y avait Madelin et Bayrou ? Mais ils étaient réconciliés hier, ils se sont retrouvés plus qu'on ne le croit !
Christian Poncelet - « C'est une réconciliation un peu rapide. Je n'ai pas pour habitude d'aller voir dans les familles des autres ce qui se passe, mais je savais qu'il y avait entre eux de grandes dissensions. Mais j'ai présenté ma candidature sans me préoccuper de ce qu'on pouvait penser à côté, même de ce que l'on pouvait penser chez moi puisque je me suis présenté devant le bureau de mon groupe et devant mon groupe en disant : je me présente, mes chers collègues et mes chers amis, sans solliciter votre investiture. »
J.-P. Elkabbach
Qui m'aime me suive ?
Christian Poncelet - « Voilà. »
J.-P. Elkabbach
P. Séguin a passé une partie de sa soirée au Sénat. Vous l'avez vu à ce moment-là ? C'était pour vous faire élire ?
Christian Poncelet - « C'est à lui qu'il faut le demander. Je ne l'ai pas vu. Je précise que n'ayant pas sollicité d’investiture, après le premier tour je me suis retiré dans mon bureau ou d'ailleurs j'avais quelques travaux à faire compte tenu de la situation financière, j’allais dire de la tornade financière actuelle et puis le deuxième tour est arrivé, je suis retourné en séance ; j'ai voté, je suis revenu attendant le troisième tour. »
J.-P. Elkabbach
Est-ce que cela veut dire que c'est aussi la victoire de Séguin, votre victoire ?
Christian Poncelet - « Cela peut être sa victoire s'il la considère comme telle. »
J.-P. Elkabbach
D'après vous ?
Christian Poncelet - « Il n'a rien fait pour me contrarier. »
J.-P. Elkabbach
Et il a fait beaucoup pour vous soutenir ?
Christian Poncelet- « Je pense qu'il a fait beaucoup pour me soutenir. Je le pense tout au moins. Nos rapports ne sont pas ce que l'on dit et ce que l'on écrit. »
J.-P. Elkabbach
Je ne sais pas ce que l'on dit ? Qu'est-ce qu'on dit ?
Christian Poncelet - « On dit qu'il y a des tensions entre P. Séguin et moi-même. »
J.-P. Elkabbach
Les Vosgiens.
Christian Poncelet - « Cela fait écrire, cela fait parler. C'est vrai que sur certains sujets, on s'affronte mais il y a entre nous une profonde amitié. N'oubliez pas que P. Séguin est venu dans mon département, il était mon collaborateur. Je l'ai installé dans mon département et nous travaillons ensemble. Et quand il y a des grands sujets qui intéressent les Vosges on en discute. »
J.-P. Elkabbach
C'était le cas hier, par exemple ?
Christian Poncelet - « C’était le cas hier mais je ne l'ai pas vu. »
J.-P. Elkabbach
Vous rompez une tradition, le Sénat était jusqu'ici présidé par un centriste.
Christian Poncelet - « Je ne sais pas si c'est le hasard mais dans quelques jours, on va fêter de l'installation de la Ve République. Dans quelques jours. Et par conséquent, un RPR - ou un gaulliste plutôt - accède à la présidence du Sénat. C'est la Ve République qui a rétabli le Sénat puisqu'avant c'était le Conseil de la République. »
J.-P. Elkabbach
C'est le général De Gaulle qui doit se marrer là où il est ?
Christian Poncelet - « Ça, je voudrais bien lui téléphoner. Si j'avais une liaison, vous… !
J.-P. Elkabbach
Et vous lui diriez quoi : vous avez eu tort en 1969 d'être parti en voulant supprimer le Sénat ?
Christian Poncelet - « En 1969, il ne voulait pas supprimer le Sénat. Il voulait déjà le modifier, il voulait déjà bien sûr lui donner certainement une image peut-être un peu plus dynamique. »
J.-P. Elkabbach
Vous n'avez pas eu la ligne avec le général de Gaulle mais M. Chirac vous a téléphoné hier soir. Est-ce qu'il vous a beaucoup soutenu dans la campagne ?
Christian Poncelet - « Il ne m'a pas combattu, que je sache. Le Président de la République, dans cette affaire, doit rester neutre. Les institutions d'ailleurs lui conseillent d'être neutre, il n'a pas à prendre parti et c'est ce qu'il a dit à plusieurs reprises. Et lorsqu’on s’est autorisé à le faire parler, il n'a pas manqué immédiatement de faire savoir qu'il n’interférait pas dans l'élection du président du Sénat. »
J.-P. Elkabbach
Donc votre élection, c'est sa victoire ou c'est la victoire de la neutralité ?
Christian Poncelet - « Je dirais que c'est d'abord la victoire du candidat. »
J.-P. Elkabbach
Mais qu'est-ce que vous dites à Messieurs Bayrou et Madelin qui disent qu'il y a une situation nouvelle qui est créée pour l’opposition, qu’on leur a piqué un siège qui était à eux, que c'est un coup à l’Alliance ?
Christian Poncelet - « Mais où est-il écrit qu'un sénateur ne peut pas être autre que centriste, ne peut pas être candidat à la présidence du Sénat ? Où cela est-il écrit ? Et puis, pas de grands mots ! Je suis bien convaincu que l'intérêt général l'emportera et si l'Alliance est nécessaire, elle se maintiendra. »
J.-P. Elkabbach
L'intérêt général après coup, quoi ? Après l’élection ?
Christian Poncelet - « Même pendant. Parce que je considère que c'est une institution qui est indispensable à l'équilibre du pouvoir et que là, on peut faire un excellent travail pour l'intérêt de mon pays. »
J.-P. Elkabbach
Oui, mais ça c'est le grand baratin, le grand truc généreux. La réalité, c'est une ambition qui se réalise, c'est une émotion, c'est quoi ?
Christian Poncelet - « Oui, c'est vrai que j'ai eu des responsabilités gouvernementales. Quand je suis entré au Sénat et que j'ai été élu président de la commission des finances, c'est vrai que cette présidence m'a tenté. Et j'espère que là, je pourrais faire pour mon pays de grandes choses. »
J.-P. Elkabbach
Et ce matin, vous êtes ému ?
Christian Poncelet - « J’étais très ému hier pour une seule raison : j’ai pensé à ma famille, j’ai pensé à ma mère qui a 91 ans, qui est sourde. Oui, j’ai été ému et je le suis encore, excusez-moi. »
J.-P. Elkabbach
On termine avec une larme du nouveau président du Sénat ?
Christian Poncelet - « Oui, je pleure parce que je suis d’une famille très modeste. Ma mère était employée de maison quand j’étais secrétaire d’État au budget et par conséquent je ne peux pas ne pas être ému. Je sais ce qu’elle a fait pour nous élever, mes quatre frères et moi. Et par conséquent, je souhaite de tout cœur qu’elle soit heureuse comme je le suis ce matin. »