Texte intégral
Collège Edouard Manet – Marseille – Mardi 5 septembre 1995
Si j'ai tenu à être parmi vous, aujourd'hui, pour cette rentrée scolaire, que j'espère d'ailleurs ne pas avoir trop perturbée, c'est tout simplement, mais j'en avais vraiment envie, pour vous dire combien ce projet – votre projet – d'aménager l'emploi du temps hebdomadaire des jeunes qui entrent en 6e m'apparaît exemplaire.
J'ai toujours soutenu même avant d'être Ministre, qu'un débat devait s'instaurer sur les rythmes scolaires et surtout sur l'organisation de la journée de l'enfant. Vous imaginez bien que je n'ai pas changé d'avis en devenant Ministre.
La France est le pays qui impose aux enfants les journées les plus chargées et les plus fatigantes d'Europe, tout en ayant le moins grand nombre de journées de cours par an.
C'est pourquoi, je souhaite que soient lancées des expériences pilotes reposant sur des journées plus adaptées au rythme de vie des enfants, avec des matinées consacrées aux matières fondamentales et plusieurs après-midi libérées dans la semaine pour des activités sportives, culturelles et d'éveil. Cela suppose bien entendu que des activités de qualité soient offertes aux enfants durant les demi-journées ainsi libérées.
Je suis totalement convaincu que l'école et le collège ne peuvent plus aujourd'hui se contenter d'enseigner les matières fondamentales mais qu'il est nécessaire d'utiliser le sport, l'expression corporelle, les activités artistiques mais aussi la découverte de la cité et de la nature comme de puissants vecteurs d'intégration et d'épanouissement des jeunes.
Votre projet, Mesdames, Messieurs, va tout à fait dans ce sens. Il constitue une expérimentation tout à fait innovante. Il constitue même je crois une première pour un Collège, ce qui va faire d'Edouard Manet, une référence au plan national. Votre démarche montre que l'innovation, l'expérimentation sont possibles, à condition de le vouloir ensemble, de se réunir sur des objectifs communs, afin d'apporter des atouts supplémentaires à tous ces jeunes, qui doivent trouver leur juste place dans notre société.
Sans reprendre, dans le détail, la description d'un projet, que vous connaissez mieux que moi, je tiens toutefois à insister sur les aménagements les plus significatifs.
Tous les élèves de 6e, ils sont environ 250, bénéficieront dès cette rentrée scolaire d'un emploi du temps hebdomadaire, sur cinq jours, j'y tiens ! qui permettra : le matin, des enseignements relevant de matières plus fondamentales et les après-midi, d'une offre extraordinaires d'activités :
– sportives : le judo, la voile, l'équitation, le VTT, le tir, la boxe, …
– artistiques : la danse et le théâtre
– d'expression et de communication : la radio, la vidéo
– et, c'est une originalité supplémentaire, d'un soutien personnalisé pour rapprocher les enfants de la cité, du quartier et de la cellule familiale.
Tout cela, pour donner à ces jeunes, des moyens de trouver leur épanouissement et pourquoi pas, j'y suis aussi intéressé, de révéler de véritables talents, dans le sport, bien sûr, mais aussi dans l'art ou dans les métiers de la communication…
Les bénéfices escomptés de cette organisation vont d'abord aux jeunes eux-mêmes ; à un âge critique dans le développement de leur personnalité, là où les effets conjugués de leur croissance et des relations avec les autres dans un environnement qui n'est pas sans risque, peuvent provoquer des crises, et bien, ces activités nouvelles, encadrées, ces apprentissages réunis rendus possibles pour tous, parce qu'ils sont organisé dans le temps scolaire, vont venir solidifier, fortifier ces jeunes personnalités.
Je sais par ailleurs que la nouvelle organisation de la journée scolaire que vous mettez en place a permis, en s'appuyant sur le dispositif du CIE, de créer des emplois, ce qui dans la période actuelle mérite d'être cité : 30 CIE, je crois, dont 5 pour votre projet ont pu être mis en place à Marseille grâce à la coopération des collectivités et de l'Etat.
Cela montre bien qu'il y a dans l'aménagement des rythmes scolaires un gisement d'emplois considérable non seulement pour les métiers du sport mais aussi dans les domaines artistiques et d'encadrement.
De plus, l'aménagement des rythmes scolaires que vous mettez en place développera la vie associative, qui constitue n élément fort de la cohésion du quartier.
Votre Collège, ainsi, Monsieur le Principal va au-delà de son rôle d'établissement scolaire, parce qu'il assure une passerelle efficace avec les associations et les institutions éducatives qui l'entourent contribuant ainsi à la cohésion, à la vie du quartier et au développement de l'emploi.
Pour arriver là où vous êtes aujourd'hui, il n'y a pas de magie.
Je sais – pour y avoir participé dans ma commune en tant que Maire – la somme d'efforts que vous avez dû déployer pour parvenir enfin, au bout de deux années de travail et d'échanges, à ce résultat. Je souhaite féliciter tous ceux qui ont participé activement à ce travail de concertation et qui sont à l'origine de ce projet ; les services de l'Education Nationale (Académie et Rectorat) en premier lieu, bien sûr les services départementaux et régionaux et mon Ministère qui ont travaillé sous l'autorité du Préfet, mais surtout les enseignants, les parents d'élèves et les jeunes du Collège Edouard Manet.
Je souhaite également rendre hommage à toutes les collectivités territoriales qui participent aux côtés de l'Etat au financement du projet : la ville, le Conseil Général, ce qui est tout à fait remarquable pour un projet local, et j'espère que cet exemple sera suivi partout en France, et la Caisse d'Allocations Familiales.
Je tenais donc à vous féliciter, à saluer votre initiative.
Mais je souhaite également que nous parlions de l'avenir.
Je sais qu'il est envisagé que le dispositif expérimenté dès cette année pour les classes de 6e soit étendu aux élèves de 5e du Collège dans le courant de l'année scolaire et je vous indique que j'ai dès à présent réservé sur le budget 1996 de mon Ministère les crédits nécessaires pour soutenir cette extension.
Au-delà de Marseille, au niveau national, conformément au souhait du Premier ministre qui m'a demandé d'apporter tout mon concours aux expériences d'aménagement des rythmes scolaire afin que les plus concluantes puissent être généralisées, je soutiendrai politiquement et techniquement toutes les initiatives en ce sens.
Dans cet esprit, j'ai l'intention de faire connaître et de promouvoir au niveau national votre expérience que je qualifie de pilote afin que d'autres communes qui le souhaiteraient puissent s'en inspirer.
Bien entendu, il ne s'agit pas de reproduire à l'identique l'expérience du Collège Edouard Manet. D'abord, il faut se laisser le temps de l'évaluation, de la réflexion et de la concertation. Et surtout, ce sont les élus, les parents d'élèves, et même les jeunes des communes intéressées qui, en s'inspirant éventuellement de votre exemple, doivent être à l'origine de ces initiatives pour que les solutions proposées répondent le mieux aux besoins locaux.
J'ai d'ailleurs l'idée d'u colloque à Marseille sur le thème de l'aménagement des rythmes scolaires qui permettrait un échange d'idée et une confrontation d'expériences entre élus et responsables des collectivités locales intéressées par le sujet.
C'est une proposition qui mérite je pense, d'être discutée avec le Maire de Marseille, Monsieur Jean-Claude Gaudin.
Enfin, mon Collègue, Ministre de l'Education nationale François Bayrou a chargé Monsieur Fauroux d'une réflexion préalable sur l'enseignement et en particulier sur les rythmes scolaires.
Je ne manquerai pas de porter à la connaissance de Monsieur Fauroux l'évaluation de l'expérimentation que vous menez au Collège Edouard Manet, afin d'enrichir utilement les débats du groupe de travail qu'il préside.
Merci, une nouvelle fois à tous les acteurs, de cette belle initiative, bonne année scolaire aux jeunes et à leurs familles !
Emploi du temps type pour les classes de 6e
[Tableau non reproduit]
Conférence de presse pour le lancement des expériences pilotes d'aménagement des rythmes scolaires - Jeudi 5 octobre 1995
Je suis heureux de vous accueillir, afin de vous rendre compte de la réunion de lancement officiel des sites pilotes pour l'aménagement des rythmes scolaires que je viens de tenir avec dix-sept maires volontaires.
Le débat sur les rythmes scolaires n'est pas neuf. Il s'agit en fait d'un véritable sujet de la société qui nous concerne tous, vous le savez. Cela fait plusieurs années que j'appelle de mes voeux une réforme de ces rythmes et vous vous doutez bien que je n'ai pas changé d'avis en devenant ministre.
Cela fait également près de dix ans que, discrètement, sur le terrain, sans engager de réforme profonde bien sûr, mais avec pragmatisme et ténacité, le ministère de la jeunesse et des sports et les ministres qui se sont succédés ont participé, à leur niveau à l'organisation de la journée de nos enfants pour que les apprentissages fondamentaux et les activités dites de la sensibilité se complètent harmonieusement.
La réunion de lancement que nous venons de tenir, s'inscrit bien dans la continuité de cette action, mais elle constitue aussi une étape déterminante. En effet, la démarche qui nous réunit est novatrice par au moins trois points :
- le pragmatisme ce cette action,
- la détermination de ces acteurs,
- la volonté de privilégier l'intérêt de l'enfant.
Tout d'abord donc par son pragmatisme. Bien sûr, le sujet des rythmes scolaires fera l'objet, conformément aux propos du président de la République, d'un vaste débat national. La commission Fauroux, mise en place par le premier ministre il y a deux semaines, constitue à cet effet, un des organes de réflexion. Par ailleurs, je rencontrerai dans les prochaines semaines les acteurs de ce débat qui le souhaiteront (représentants des parents d'élèves, du monde sportif, du monde scientifique et médical, des enseignants ou encore du tourisme et des associations) pour évoquer avec eux, de façon informelle et très ouverte, les activités qu'il est possible de proposer aux enfants pendant les périodes ainsi libérées. Je le répète, ces activités ne se limiteront pas à la pratique sportive. Il faut être là encore imaginatif : activités culturelles, apprentissage de la citoyenneté, information sur la santé et la drogue, découverte de l'environnement et de la cité, tout est envisageable. Mais le béat national doit, pour être pleinement pertinent, s'appuyer sur des expériences pilots significatives, pour montrer, très concrètement, sur le terrain, ce que l'on peut faire, « de bons exemples valent mieux que de longs discours ».
Le deuxième point également fort est la très forte détermination des élus qui m'entourent d'aboutir rapidement. Lors du tour de table que nous venons de faire, tous les maires ont exprimé leur volonté de poursuivre ou d'engager à très court terme dans leur commune des expériences d'aménagement des rythmes scolaires. Ces expériences, qui porteront sur une ou plusieurs écoles, permettront de libérer de créneaux horaires importants, de l'ordre de trois demi-journées par semaine au moins, pour des activités sportives, culturelles et d'éveil.
J'ai dit tout à l'heure à mes collègues maires que je soutenais pleinement leur démarche, qui va dans le sens du souhait du président de la République, de dégager des après-midis pour les activités dites de la sensibilité. Mon soutien sera tout d'abord financier. Je consacrerai en 1996, 220 MF aux expériences d'aménagement des rythmes. Dans ce total, les sites pilotes seront bien sûr privilégiés puisque 50 MF leurs seront affectés en 1996. Cela concerne bien évidemment les dix-huit communes représentées aujourd'hui mais aussi celles qui voudront se lancer rapidement dans cette démarche. L'objectif est qu'au moins une centaine d'expériences pilotes soient initiées dans les meilleurs délais.
Le ministre apportera également aux maires qui le souhaiteront, et c'est peut-être là le plus important, un soutien technique à travers les directions départementales de la jeunesse et des sports. En effet, le véritable enjeu de l'aménagement de la journée de l'enfant n'est pas seulement de libérer des plages horaires mais surtout de proposer aux enfants des activités variées et de qualité. En la matière les directeurs départementaux qui sont ici présents peuvent apporter une véritable plus-value.
Enfin, des réunions seront organisées régulièrement avec les partenaires pour confronter les expériences, auditionner des spécialistes scientifiques ou pédagogiques, évaluer les résultats et préparer l'avenir.
Le troisième élément est notre souhait de privilégier dans notre démarche avant tout l'intérêt de l'enfant. Cela paraît être le bon sens, mais cela mérite d'être cité car vu les nombreux intérêts en présence, il s'agit là d'in point de vue assez nouveau. Il ressort en effet des discussions que nous avons eu tout à l'heure :
– que la France est le pays d'Europe où les enfants ont les journées les plus longues et les plus fatigantes mais le moins grand nombre d'heures de cours par an,
– qu'un aménagement de la journée libérant des plages d'horaires pour les activités sportives, culturelles et d'éveil serait non seulement un facteur très significatif d'intégration et de lutte contre l'échec scolaire mais favoriserait, sans réduire le nombre d'heure consacrées aux apprentissages fondamentaux, l'épanouissement des enfants,
– que la semaine de cinq jours permet d'intégrer harmonieusement dans la journée des moments réservé pour les matières de la sensibilité,
– qu'il ne s'agit pas de reproduire à l'identique l'expérience d'Epinal qui reste une excellente référence mais d'adapter les conclusions précédentes aux spécificités de chaque site.
Enfin, les maires ont beaucoup insisté sur les créations d'emplois qu'occasionnerait cet aménagement de la journée, ainsi que sur le rôle positif que jouent les associations qui, en proposant des activités variées et de qualité, permettent d'utiliser au mieux les temps libérés par cette nouvelle organisation de la journée tout en renforçant la cohésion du quartier et les liens entre les générations.
C'est donc en plaçant l'enfant au coeur de leurs préoccupations que les élus vont engager la discussion, chacun dans leur commune sur l'organisation de la journée de l'enfant et aussi en se mettant à l'écoute de l'ensemble des acteurs concernés : parents, enseignants, directeurs d'école, inspecteurs d'académie associations.
Après cette brève présentation, je vais laisser les maires témoigner directement car je crois que la très grande diversité des communes pilotes sera pour nous une source de richesse. D'ici quelques mois, nous pourrons évaluer et comparer des formules d'aménagements variés.
Je ne vais pas détailler les projets commune par commune. Je vous indique que la plus grande commune est Marseille, représentée aujourd'hui par Monsieur Muselier. Marseille a déjà engagé une expérience pilote, qui est particulièrement originale car elle concerne un collège. Je m'y suis rendu, il y a quelques semaines et les activités proposées aux enfants l'après-midi sont très appréciées. Monsieur Muselier m'a indiqué tout à l'heure que Marseille ne s'arrêterait pas là.
La plus petite est « La Rouquette » qui a monté en liaison avec le ministère dont j'ai la charge une organisation de la journée, avec des activités très variées. Ces activités ont attiré les parents qui avaient tendance à envoyer leurs enfants dans les écoles d la ville et a permis de sauver l'école.
Cela montrer que l'aménagement des rythmes scolaires peut jouer un rôle très positif dans l'aménagement du territoire et la lutte contre la désertification des campagnes. Je sais que le Maire de Tulle, Monsieur Aubert, secrétaire d'Etat à l'Aménagement Rural, partage ce sentiment.
Ces expériences ont particulièrement efficaces quand elles sont montées à l'échelle d'un canton dans le cadre de l'intercommunalité comme c'est le cas à Sourdeval dans la Manche où la concertation locale est bien avancée puisque l'expérimentation débutera dès janvier prochain.
L'aménagement des rythmes scolaires peut s'avérer un facteur particulièrement efficace de lutte contre l'échec scolaire et d'intégration dans les quartiers urbains les plus défavorisés. Ce sont dans de tels quartiers que seront menées les expériences pilotes à Mantes la Jolie (Val Fourré) et à Meaux.
Je suivrai de près, en liaison avec mon collègue Eric Raoult ces expériences, certainement pas les plus faciles à monter, mais dont la généralisation pourrait constituer à terme un élément fort de la politique d'intégration.
Je serai également très attentif à ce qui sera tenté sur le territoire de Marne la Vallée, aujourd'hui représentée par le maire de Lognes. En effet, les villes nouvelles sont des villes où la population est très jeune (à Lognes 80 % de moins de 40 ans) et qui disposent d'équipements sportifs et culturels de qualité. C'est pourquoi, elles constituent des sites privilégiés.
Monsieur Petit, député de la Martinique m'a indiqué tout l'intérêt de la Martinique. L'action qu'il mènera nous permettra d'intégrer la spécificité des DOM à notre réflexion.
L'expérience menée à Buhl est particulièrement originale puisque la semaine scolaire y est de six jours, mais comme je l'ai dit la diversité des expériences ne peut qu'enrichir le débat.
Les choses sont déjà parties à Laxou, il y a quelques semaines et je sais Monsieur le Maire que vous comptez aller encore plus loin. Si vous m'invitez, je serais très heureux de venir chez vous voir avec les enfants, les parents et les enseignants comment cela se passe.
À Rochefort comme à Châteaubriant, la concertation est très avancée et je compte bien signer avec vous un contrat de partenariat pour démarrer dès le mois de janvier prochain une expérience d'aménagement des rythmes scolaires.
Je voulais également remercier les maires de Bourges, Châlons-sur-Marne, Annecy le Vieux, Altkirch et Ancenis dont la détermination est très forte et souhaiter que d'autres maires puissent également proposer des sites pilotes avant la fin de l'année.
Et pour conclure enfin, souhaiter avant tout le bonheur, l'épanouissement et la réussite des enfants, de notre jeunesse qui est notre force, notre avenir et notre espoir.