Déclaration de Mme Élisabeth Hubert, ministre de la santé et de l'assurance maladie, sur la politique de la santé engagée notamment en matière de gestion hospitalière, Paris le 29 septembre 1995.

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Circonstance : 50ème anniversaire des centres de lutte contre le cancer à Paris le 29 septembre 1995

Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs,
Chers collègues,

C’est avec plaisir que je viens participer au cinquantième anniversaire des centres de lutte contre le cancer créés par une ordonnance du général de Gaulle en octobre 1945.

La création de ces établissements a représenté une avancée considérable dans le domaine de la lutte contre le cancer, grâce à une organisation originale privilégiant la prévention et une approche régionale, grâce aussi à une organisation reposant sur des équipes pluridisciplinaires et des activités de recherche.

C’est d’abord un hommage que je voudrais rendre à vos établissements qui ont incarné la lutte contre cette pathologie durant toutes ces décennies.

C’est aussi un témoignage de reconnaissance que je voudrais rendre à toutes celles et à tous ceux qui par leurs efforts, leur esprit d’innovation, leurs découvertes scientifiques et médicales ont su faire progresser ces structures qui occupent une place essentielle dans notre dispositif de lutte contre le cancer.

Cette lutte, vous le savez, n’a pas perdu de son actualité car le cancer représente encore aujourd’hui la seconde pathologie, et une des premières causes de mortalité dans notre pays.

Il est important de rappeler en effet que le cancer avec 140 000 décès annuels est la première cause de mortalité chez l’homme et chez la femme entre 20 et 65 ans.

Il est important aussi de rappeler que la moitié des cancers en l’an 2000 surviendra chez des personnes âgées de plus de 70 ans, et que cette maladie liée au vieillissement nous pouvons peut-être la prévenir, sûrement la dépister, et que nous devrons longtemps encore la traiter.

Notre premier devoir est donc de poursuivre dans la voie engagée, car c’est une priorité de santé publique. C’est pourquoi j’ai tenu à participer à votre cinquantenaire.

Notre rencontre est aussi pour moi l’occasion d’évoquer devant vous certains thèmes prioritaires du Gouvernement dans le domaine de la santé, et les orientations qui guideront ma démarche au cours des prochains mois.

La réforme hospitalière et l’amélioration de la performance de notre système de santé occuperont à cet égard une place centrale dans les actions qui seront menées par les pouvoirs publics.

Vous le savez, le récent rapport de la Commission des comptes de la santé l’a de nouveau confirmé, la part des ressources que notre pays consacre à la santé est plus élevée que chez nos voisins.

Or la France est mal placée pour les indicateurs de santé fréquemment utilisés. Nous sommes au 10e rang alors que nous nous situons à la 3e place pour le niveau des dépenses.

Cette situation a pour conséquence de fragiliser notre système de protection sociale, et la France n’est plus parmi les pays dont le niveau de couverture des risques est le meilleur.

Le rapport de la Commission des comptes met au contraire en évidence la diminution régulière de la part de l’assurance maladie dans le financement des dépenses de santé. Elle est passée de 76,5 % en 1980 à 73,5 % en 1994.

Il en résulte un accroissement des inégalités aux soins que nous ne pouvons pas accepter au regard des principes de solidarité qui animent notre société.

Je sais que vous êtes conscients de ces difficultés, et de la nécessité d’une politique de maîtrise des dépenses de l’assurance maladie qui ne peut réussir qu’avec le concours des acteurs de santé, et qu’à la condition qu’elle s’inscrive dans une démarche de santé publique.

Mais je constate que si l’enjeu est clairement perçu, les adaptations nécessaires ne se mettent pas en œuvre aussi rapidement qu’il serait souhaitable.

C’est ainsi que les coopérations entre les établissements de soins restent très insuffisantes. Je sais que pour votre part vous avez joué un rôle positif dans la mise en place de liens avec d’autres structures de soins dans plusieurs régions pour la prise en charge du cancer.

Néanmoins, il est absolument indispensable d’aller plus loin dans le décloisonnement entre les institutions, et également entre celles-ci et les professionnels de la santé pour que se mette en place de véritables réseaux de soins assurant une prise en charge cohérente des patients.

Seule une telle approche peut permettre d’éviter des clivages qui conduisent à des redondances coûteuses, et de déboucher sur une plus grande efficacité sociale et sanitaire ainsi qu’économique.

De même, les règles de financement de nos établissements de soins ne sont plus adaptées et sont sources de rigidité, voire de démobilisation des responsables d’établissements et des équipes hospitalières.

En effet la formule du budget global a pour conséquence d’entretenir des inégalités sans prendre en compte ni l’activité médicale, ni la qualité des prestations, ni la performance de la gestion.

Seul un profond changement est donc de nature à infléchir cette situation.

Il ne s’agit pas de fragiliser notre système de santé, qui est très largement apprécié de la population, mais de lui donner les moyens de remplir sa mission de manière plus performante, mieux adaptée aux besoins et mieux intégrée dans l’ensemble du système de santé.

Tel est l’esprit qui anime la réflexion du Haut Conseil pour la réforme hospitalière installé par le Premier ministre en juin dernier, et dont j’attends des propositions pour le mois de novembre prochain. Je sais d’ailleurs que vous avez participé à ses travaux en apportant votre contribution à l’occasion d’une audition devant les membres du Haut Conseil, et je vous en remercie.

Sans anticiper sur ce que pourront être les propositions de cette instance, je saisis l’occasion qui nous réunit aujourd’hui pour rappeler quelques-unes des voies qui seront privilégiées.

Il s’agit d’abord de clarifier les rôles respectifs de l’État et des acteurs de santé.

La première des priorités, c’est la mise en œuvre d’une véritable politique de santé publique. Celle-ci doit partir d’une analyse des besoins afin d’orienter l’organisation sanitaire vers la satisfaction de ces besoins en prenant en compte toutes les composantes du système de santé de la médecine générale au CHU.

L’élaboration des schémas régionaux d’organisation sanitaire a représenté un progrès important dans cette direction. Il faudra qu’ils deviennent de véritables schémas de santé publique. Celle mission incombe largement aux pouvoirs publics.

Il faut rendre aussi aux professionnels plus de liberté d’initiative, pour leur permettre de s’adapter plus facilement et plus rapidement aux évolutions techniques, médicales économiques ou de gestion.

Une fois clarifiés les rôles de chacun des partenaires, il faut définir la nature de leurs relations.

C’est là qu’intervient un aspect essentiel de la réforme hospitalière : la démarche contractuelle.

La mise en œuvre de contrats d’objectifs et de moyens pluriannuels et négociés dans un cadre régional donnera à l’État les moyens de sa politique, et permettra de restaurer la responsabilité des équipes et des établissements de soins, qu’ils soient publics ou privés.

Ces contrats devront avoir un fort contenu médical, et traiter aussi de la qualité. C’est une véritable démarche en termes d’assurance qualité que nous devons promouvoir.

Les contrats porteront en outre sur les moyens alloués qui devront tenir compte des activités, ainsi que des missions ou des contraintes spécifiques de chaque établissement. C’est dans ce cadre que sera menée la réforme du financement des établissements.

Bien entendu la réforme hospitalière qui nécessite une concertation approfondie ne pourra être mise en œuvre que progressivement.

Néanmoins dès l’an prochain une nouvelle impulsion sera donnée, en particulier au plan budgétaire puisque la prochaine campagne budgétaire s’appuiera sur un taux directeur plus volontariste comprenant une marge de manœuvre régionale élargie afin de mieux prendre en compte l’activité médicale dans la répartition des moyens financiers.

De grands chantiers s’ouvrent donc devant nous. Je sais que sur plusieurs aspects essentiels vous avez déjà entrepris des actions et mené des réflexions approfondies.

Je pense en particulier au travail riche que vous avez réalisé sur l’écriture des règles de bonne pratique ou des règles de traitement d’un certain nombre de tumeurs. Je pense aussi au manuel d’accréditation que vous êtes en train de rédigez pour vos centres.

C’est là une initiative importante que je tiens à souligner. L’accréditation est une idée sur laquelle travaille le Haut Conseil de la réforme hospitalière et dont je pense qu’elle peut être appelée à un grand avenir. En cela, vous serez probablement des précurseurs du futur système hospitalier. Cela méritait d’être dit.

Je sais aussi que vous avez engagé un dialogue approfondi avec vos partenaires pour adapter votre convention collective afin de mieux prendre en compte la performance collective et individuelle.

En venant participer à votre cinquantième anniversaire, c’est à la mise en œuvre d’une politique ambitieuse de santé pour tous, et en premier lieu pour les patients, que je vous convie.

Je sais que je peux compter sur vous.

Je vous remercie de votre attention.