Texte intégral
Monsieur le président,
Madame le directeur,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
J’ai tenu à être présente aujourd’hui parmi vous, à la fois pour témoigner de l’importance que j’attache au développement de la culture et de la démarche de santé publique dans notre système de santé et pour souligner le rôle que doit jouer l’École nationale de la santé publique dans ce développement.
L’exposition d’affiches que j’aurais le plaisir d’inaugurer tout à l’heure illustre cinquante ans d’évolution de l’image de la santé publique dans notre pays. Elle a pu être réalisée grâce au partenariat du Conseil général d’Ille-et-Vilaine, de la municipalité de Rennes et de la mutualité que je tiens à remercier.
L’École nationale de la santé publique à cinquante ans. Sa création, comme son histoire, sont significatives de la place de la santé publique dans l’évolution de notre système de santé et je souhaiterais m’y arrêter un instant.
C’est une ordonnance de 1945 qui crée une École nationale de santé publique au sein de l’Institut national d’hygiène. Une double ambition préside à cette création : il s’agit, d’une part, d’assurer en France un enseignement de santé publique prestigieux et internationalement reconnu et, d’autre part, de former les cadres de l’administration sanitaire et sociale dont le pays a besoin pour sa reconstruction. C’est entre ces deux pôles que l’école va se construire et évoluer.
Au début des années 60, l’école devient un établissement public autonome qui quittera des locaux parisiens trop exigus pour s’installer à Rennes. Sous l’impulsion de son directeur, Jean Sénéchal et du président de son conseil d’administration, le professeur Robert Debré, l’école va non seulement assurer les deux missions que je viens d’évoquer, mais aussi rayonner dans le monde francophone en dispersant aux cadres et futurs cadres des pays nouvellement indépendants un enseignement de santé publique en langue française que ses promoteurs veulent identique et si possible meilleur que celui des écoles étrangères. Là se sont noués des liens qui, en dépit des bouleversements profonds qu’ont connu les sociétés de ces pays, comme notre propre société, perdurent encore, Cet enseignement va valoir à l’école, durant une douzaine d’années, un prestige et une renommée internationale.
C’est également à cette époque que fut conçu le caractère pluridisciplinaire de ses formations, qui demeure aujourd’hui encore l’une de ses caractéristiques essentielles.
Le milieu des années 70 marque un tournant. Les premières interrogations sur l’équilibre financier de notre système de protection sociale, la complexité croissante de la gestion de nos institutions sanitaires conduisent l’école à recentrer la formation sur les fonctions économiques et de management. L’établissement tend à se transformer en école d’administration de la santé. Sa spécificité s’estompe. Son rayonnement international s’amoindrit, mais sa technicité s’accroît, comme en témoigne la qualité des cadres issus de ses filières : ce sont eux, c’est-à-dire vous, qui sont aux commandes aujourd’hui et qui ont la charge immense de rendre possible la transformation et l’amélioration de notre système de santé.
Cette priorité à la gestion a duré près de vingt ans. Elle était nécessaire, mais il est temps aujourd’hui de retrouver le « sens » initial de cette école, voulu par ses éminents fondateurs et de redonner toute sa place à la santé publique. C’est ce à quoi s’attachent le conseil d’administration et la direction actuelle. Je veux les encourager à poursuivre dans cette voie, car l’École nationale de la santé doit être une école de santé publique, dans l’acception la plus profonde du terme.
La santé publique, en effet c’est la capacité d’observer, d’organiser d’administrer, de faire évoluer, et d’évaluer les conditions d’environnement, d’éducation, d’accès pour tous à la prévention et aux soins qui vont permettre à chaque habitant de ce pays d’acquérir, de maintenir et de retrouver le meilleur état de santé possible.
C’est une démarche qui part des besoins de santé des personnes et qui recherche, par des techniques précises et dans un souci d’efficacité économique, à améliorer l’état de santé de la population par la réduction des décès et des incapacités évitables, par l’amélioration de la qualité de vie des personnes handicapées ou malades, par la réduction des inégalités face à la santé.
Je sais que cette démarche peut contribuer de façon décisive à redonner à notre système de santé les bases qui lui font actuellement défaut, tout en aidant à la résolution des problèmes de financement que nous connaissons aujourd’hui. Il faut en effet en finir avec cette fausse vérité, qui conforte bien des immobilismes et bien des conservatismes selon laquelle économie et santé publique seraient antinomiques. Au contraire l’éthique même de la santé publique implique la recherche de l’efficience. Les grappillages, les mauvaises allocations de ressources, l’absence de productivité s’opposent à une bonne santé publique. Il faut que cela soit compris.
C’est la raison pour laquelle, je redis que je veux conforter l’École nationale de la santé publique dans la vocation originale qui est la sienne :
– promouvoir la santé publique et le management ;
– enseigner, échanger les pratiques, confronter la recherche ;
– décloisonner les métiers et apprendre aux professionnels, qu’ils soient gestionnaires d’établissements, inspecteurs, médecins, ingénieurs, cadres paramédicaux, à travailler ensemble ;
– rayonner sur le plan international, notamment au sein du réseau européen des écoles de santé publique.
La culture de santé publique ne se développera cependant pas dans notre pays à partir d’un pôle unique, quelle que soit la qualité des formations qui y sont offertes. C’est pourquoi, j’ai donné mon accord pour que se créent progressivement plusieurs instituts universitaires de santé publique par regroupement des compétences existantes.
Ces pôles universitaires sont appelés à constituer avec l’École nationale de santé publique un réseau national de formation susceptible d’assurer une formation initiale et continue de haut niveau.
Il me paraît également nécessaire, parce que cela participe au décloisonnement des actions de santé publique, que des contacts plus étroits puissent s’instaurer avec les organismes de formation de l’assurance maladie et des cadres territoriaux.
La formation professionnelle des cadres sanitaires et sociaux de l’État, qu’ils soient administratifs, ingénieurs ou médecins, a toujours été et demeurera l’une des vocations essentielles de l’École nationale de la santé publique. Leur mission s’exerce dans des conditions difficiles et il leur est demandé de plus en plus d’efficacité.
Les formations au management, en accompagnement du plan de modernisation des services déconcentrés et le cycle supérieur de management destiné aux directeurs des services déconcentrés et aux cadres supérieurs de l’administration centrale qui débutera en 1996 sont autant de soutien à leur mobilisation.
Les mutations du système de santé, qui font l’objet de ces deux journées, vont constituer pour un défi majeur. Le haut conseil de la réforme hospitalière, installé en juin dernier devrait bientôt rendre sur ce point ses premières conclusions. Gérer un hôpital c’est beaucoup plus que gérer une entreprise. Les soins ne sont pas un simple produit de consommation. C’est pourquoi il m’apparaît crucial, dans le respect des compétences de chacun, que les directeurs d’hôpitaux et les médecins acquièrent un langage commun.
Cela passe par un renforcement de la formation à la démarche de santé publique des directeurs d’hôpitaux, dans le même temps que les médecins hospitaliers, présidents de commissions médicales d’établissement et chefs de service doivent être mieux intéressés à la gestion des ressources humaines et financière.
J’ai aussi l’intention de faire en sorte que les professionnels de santé libéraux, et singulièrement les médecins généralistes, deviennent des acteurs de santé publique à part entière. J’ai remarqué avec satisfaction qu’une table ronde sera tout à l’heure organisée sur le thème « La santé publique au secours de la médecine ». C’est un peu condescendant pour la médecine, mais après tout, la médecine s’est-elle même souvent montrée condescendante à l’égard de la santé publique.
Pour conclure, je voudrai vous rappeler la perspective de la politique de santé que j’entends mener. Elle est simple, elle est également ambitieuse. Il s’agit de redonner un sens à la politique de santé en plaçant la population et les personnes au cœur de nos préoccupations.
Comme je l’avais annoncé avant l’été, des démarches sont d’ores et déjà engagées dans ce sens avec 1’organisation de conférences régionales sur l’état de santé de la population et les priorités de santé publique. Elles permettront d’adapter l’action publique à l’hétérogénéité des situations sanitaires sur le territoire. Elles associeront également à la réflexion les professionnels, les institutions et le milieu associatif en s’appuyant à la fois sur le cadre national propose par le Haut Comité de la santé publique et sur les travaux des observatoires régionaux. Pour chacune des grandes priorités régionales identifiées à l’occasion de ces conférences un projet régional de santé qui mobilisera l’ensemble des acteurs concernés.
Ces projets qui orienteront les actions de santé viendront heureusement compléter les schémas régionaux d’organisation sanitaire et sociale. Je sais que l’École nationale de la santé publique a engagé un important effort de formation en accompagnement de ces actions. Il sera à poursuivre et à amplifier dans le cadre du réseau que j’ai tout à l’heure évoqué.
Je crois également nécessaire, à moyen terme, de clarifier et de redéfinir à la fois les missions, les finalités, les logiques d’intervention et de financement des organismes qui concourent, au-delà du système de soins, à la santé publique. Ce sera l’objet d’un travail législatif pour lequel les réflexions sont désormais entamées.
J’ai la conviction que l’École nationale de la santé publique et que l’ensemble des professionnels du champ sanitaire et social représentes ici aujourd’hui peuvent contribuer de façon décisive à la réussite d’une telle politique de santé.
Je vous remercie.