Interview de M. Jacques Godfrain, ministre de la coopération, dans "Marchés tropicaux" du 17 novembre 1995, sur le projet de règlement de la dette angolaise et les investissements privés français en Angola.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Marchés tropicaux

Texte intégral

Q. : Vous avez réalisé récemment un séjour en Angola. Déjà le nombre élevé d'hommes d’affaires de haut niveau vous ont accompagné est un signe encourageant. Est-ce que les résultats obtenus par ces mêmes hommes d'affaires peuvent-ils être aussi considérés comme encourageants ?

R. : Il est trop tôt pour parler de bilan et de résultat définitifs, il ne faut pas oublier que ce pays sort de plusieurs années de guerre. Les chefs d'entreprises qui m'accompagnaient ont noué des contacts intéressants avec des interlocuteurs de haut niveau et cela est déjà très positif. Ils étaient soucieux d'obtenir des garanties juridiques et fiscales et ils en ont obtenues.

Q.: L'apurement des arriérés de l’Angola à la Caisse française de développement (72,4 MF) serait “en cours de règlement imminent”, ce qui permettrait de débloquer 570 millions de francs de crédits de la CFD. En outre, les arriérés de la dette angolaise à l'égard de la France s’élèvent à 1,7 milliards de francs. Prenant en compte les énormes compromis financiers angolais envers d'autres pays et organisations, et sans oublier le fait qu'une partie de ses exportations de pétrole est déjà hypothéquée, croyez-vous que l'Angola sera mesure d'honorer ses engagements vis-à-vis de l’État français ? Quelles sont les garanties que vous avez reçues à ce sujet ? Est-ce que les crédits de la CFD feraient partie d’une aide multilatérale par l’Union européenne ?

R.: Beaucoup d'efforts allant dans le sens de la réconciliation nationale ont été faits, les réelles avancées en faveur de la paix depuis la signature des accords de Lusaka sont de nature à renforcer le climat de confiance entre nos deux pays. Dans ce contexte, des assurances m'ont été déjà données sur le règlement à court terme des arriérés de la CFD, je n'ai pas de raison de penser que cela pourrait ne pas être fait. Je voudrais en profiter pour rappeler qu'en dépit d’une situation économique sinistrée, l'Angola demeure l'un des pays les plus potentiellement riches du continent, c'est un partenaire essentiel pour la France. Vous dites que le produit des recettes pétrolières, s’est déjà hypothéqué, mais il est très possible qu'à la faveur du nouveau climat angolais le volume des exportations pétrolières augmente.

Quant au dernier volet de votre question, les crédits de la CFD, s'ils ne font pas partie d’une aide multilatérale coordonnée par l'Union européenne, ils s'inscrivent toutefois dans le programme de relance de l'économie angolaise présentée aux bailleurs de fonds à Bruxelles.

Q. : Les hommes d’affaires qui vous ont accompagné n'auraient pas caché leur inquiétude au sujet des garanties juridiques et judiciaires concernant les investissements privés dans un pays habitué aux règles du dirigisme économique. Qu'en pensez-vous et quelles garanties avez-vous reçues à ce sujet ?

R. : Je ne crois pas qu'on puisse laisser dire qu'il y avait de l'inquiétude chez les hommes d'affaires qui m'accompagnaient, il y avait plutôt un besoin d'informations, de dialogue et la nécessité d'envisager sereinement les modalités d'un éventuel travail en commun.

Q.: Ne croyez-vous pas que l’aide publique à un pays en développement comme l'Angola est condamnée à terme, et qu'il faudrait plutôt laisser faire les entreprises ?

R. : Votre question est intéressante, et c'est justement parce que de telles interrogations peuvent naître que nous avons décidé de mener une réflexion en profondeur sur la coopération et son rôle dans la relance du secteur privé et des investissements en Afrique. Pour autant, il faut éviter toute confusion, comment envisager même à très long terme qu'une entreprise fasse de l'aide publique au développement ? Ce n’est tout simplement pas son rôle. De plus, le développement économique n’est qu'une des composantes d'un développement plus global, incluant des aspects sociaux, institutionnels, culturels et humains.

Q.: Une société française (Elf) produit près du tiers du pétrole angolais. Quels sont les autres secteurs de l’économie angolaise où les entreprises françaises pourraient être appelées à jouer aussi un rôle important ?

R. : Vous parliez du pétrole, il faut savoir que de nombreuses activités connexes se développent en amont et en aval de sa production, des entreprises françaises, comme Bouygues offshore ou Total sont déjà bien présentes sur ces segments. Il y a bien sûr d'autres secteurs économiques où les entreprises françaises pourraient trouver, à moyen terme, de nouveaux débouchés. L'agriculture, l'agro-alimentaire, la pêche et les mines par exemple pourraient faire l'objet de nouveaux investissements Français et la diversité des entreprises qui m'accompagnaient atteste de l'éventail important des possibilités.

Q. : En arrivant à Luanda, vous avez déclaré que vous faisiez confiance à ce pays. Ce que vous avez vu et entendu lors de votre séjour vous permet-il de réaffirmer cette confiance ? Croyez-vous que le processus de paix et de réconciliation nationale y est bien engagé ?

R. : Oui, les entretiens que j'ai eus avec le président Dos Santos et des représentants de l'Unita m'ont permis de mesurer les progrès accomplis dans le processus de paix.

Q. : Est-ce que vous vous êtes entretenu du problème de Cabinda, et quel rôle pourrait jouer la France dans la solution de ce problème, vu ses intérêts dans la région ?

R. : Nous avons très peu parlé de Cabinda. La France souhaite, vous le savez, que ce problème soit réglé par le dialogue.