Texte intégral
TF1 : 27 octobre 1995
Q. : Est-ce que ce n'est pas un revirement un peu trop brutal du président de la République ?
R. : Je voudrais rappeler, au sujet de la situation dans les sondages du président de la République, qu'en décembre 94 dans le cadre de l'élection présidentielle, J. Chirac était très bas dans les sondages.
Q. : Mais sa côte de popularité est particulièrement faible, autour de 14 % d'opinions favorables…
R. : Moi, je lui faisais confiance. Vous savez que je suis très proche de lui et il a gagné. Aujourd'hui, on est un petit peu dans la même situation et je suis étonné d'entendre parler de revirement. Qu'a dit J. Chirac ? Il a dit qu'il voulait lutter contre le chômage, qu'il voulait réduire la fracture sociale pendant son septennat, et je peux vous dire que tout son septennat sera basé là-dessus. Seulement, il faut trouver les moyens de le faire dans une situation qui est une situation préoccupante. G. Carreyrou vient de parler de l'exemple de 83 et j'ai entendu un certain nombre de commentateurs dire « oui, mais cela on nous l'avait dit ». Mais dans des circonstances qui étaient tout à fait différentes, car en 1983 la situation économique était mauvaise. Elle était même grave. Il y avait une inflation qui était très forte, il y avait un déficit de notre commerce extérieur qui était très important et il y avait un déficit de notre commerce extérieur qui était très important et il y avait une destruction d'emplois. Or J. Chirac, hier soir, a reconnu que la situation économique était bonne et il a raison. La croissance est établie et elle est nette. Nous avons aujourd'hui une balance du commerce extérieur qui est largement positive ; nous avons une inflation qui est l'une des meilleures et nous produisons des emplois : 240 000 en 1995. Mais nous avons un handicap, c'est notre situation financière. Et J. Chirac a considéré qu'il valait mieux dès le début du septennat faire cet effort. Et que l'on ne vienne pas me dire que c'est hier soir qu'il l'a décidé.
Q. : Ce n'était pas tout à fait les propos de sa campagne, non ?
R. : Après l'élection du président de la République et dès notre arrivée, le Premier ministre nous a demandé de préparer le budget et nous avons préparé un budget de rigueur. J'ai fait voter le mien hier à l'Assemblée nationale. C'est l'un des budgets les plus importants de l'État avec 98,6 milliards mais je peux vous dire que j'ai fait des coupes sombres dans la préparation de ce budget et qu'hier les députés de la majorité m'ont demandé de faire un pas supplémentaire et que je l'ai fait. Je trouve qu'il y a là une concordance entre la volonté de président de la République, la volonté du Premier ministre et du gouvernement et la volonté de la majorité.
Q. : Est-ce que pour faire accepter ces mesures douloureuses, il ne faudrait pas un électrochoc politique plus important et notamment un changement de gouvernement ?
R. : Tout cela ne se justifie pas dans l'immédiat et cela relève d'ailleurs de la décision du Premier ministre avec l'accord du président, mais je dirais que ce n'est pas le problème. Le problème est d'assainir la situation de nos finances pour faire baisser les taux d'intérêt de manière à permettre à la croissance de repartir d'une manière plus forte et de créer des emplois. J'ai entendu, ce matin, J.-C. Trichet : il y a véritablement une concordance entre les propos tenus, hier, par le chef de l'État et les propos tenus ce matin par J.-C. Trichet. Je suis tout à fait convaincu que le comité de politique monétaire a dû entendre aussi attentivement les propos du président de la République. Je peux vous dire qu'hier soir, pour moi, dans la vie politique que j'ai vécue et avec une certaine expérience, cela a été un moment très fort. Je suis tout à fait convaincu – c'est vrai que J. Chirac n'a pas été élu président de la République pour être populaire – qu'à l'horizon de deux ans, il y aura un large ciel bleu et qu'il sera largement populaire.
RTL : 17 novembre 1995
Q. : L'agitation islamiste en Algérie va-t-elle être déstabilisée par la victoire annoncée de L. Zeroual ?
R. : Ce que souhaite la France, et le président de la République l'a exprimé, c'est que l'Algérie retrouve la voie du chemin démocratique. Et l'élection présidentielle en est la première phase. Il faut attendre la deuxième phase, des élections législatives qui devraient suivre normalement cette élection présidentielle. Mais il était bon que le peuple algérien s'exprime.
Q. : L'absence de boycott est-elle un signe positif ?
R. : C'est un signe extrêmement positif et je dirais que c'est un signe qui montre que la démocratie est quand même quelque chose de très fort.
Q. : Finie la crise franco-algérienne après la visite ratée ?
R. : Non, je ne crois pas qu'il faille dire cela ; Nous allons suivre l'évolution qui va se dérouler en Algérie, mais nous souhaitons toujours avoir les meilleurs rapports avec ce pays et en particulier avec le peuple algérien.
Q. : Vous êtes très discret depuis votre arrivée au gouvernement, et pas davantage depuis que vous avez hérité d'un ministère élargi ?
R. : Ce ministère élargi me donne beaucoup de travail. Vous savez, je suis à la tête d'un grand ministère économique, avec des dossiers très importants et je dirais que l'action conduite par le gouvernement dans un certain nombre de secteurs ne relevait pas de l'actualité concernant mon ministère. Mais je me suis exprimé à plusieurs reprises. Il n'y a pas si longtemps, j'ai pu affirmer, en tant que ministre des transports, qu'il y a/avait un pilote et un co-pilote dans l'avion. On vient de le vérifier.
Q. : Le plan sur la Sécurité sociale est-il une seconde naissance pour le Premier ministre ?
R. : Je n'ai jamais considéré que le Premier ministre avait besoin d'une deuxième naissance et je crois que certains, qui sans doute le connaissent mal, avaient peut-être spéculé sur un affaiblissement du Premier ministre. On s'apercevra, et on s'en est aperçu depuis déjà quelques jours, en particulier pour la mise en place du plan qu'il a présenté au Parlement de sa volonté, de sa détermination et de son courage.
Q. : Assistons-nous à un tournant ?
R. : Le tournant a été pris il y a déjà quelque temps, quand le président de la République s'est rendu à Bonn pour rencontrer le chancelier Kohl, ensuite lorsqu'il s'est exprimé face aux Français sur la réduction des déficits, et puis avec la loi de finances, et la volonté du gouvernement de remettre de l'ordre dans les finances publiques. Enfin, avec la présentation il y a 48 heures par le Premier ministre de son plan de redressement du système de protection sociale. On pensait qu'une fois de plus, ce que l'on a vu depuis une trentaine d'années se renouvellerait, et que l'on assisterait à un replâtrage. On a vu ce que c'était vraiment une réforme en profondeur. En lisant quelques analyses de vos confrères, j'ai vu que c'était une véritable révolution.
Q. : La division de la majorité est-elle la cause essentielle des échecs précédents du Premier ministre ?
R. : Non, je ne le crois pas. Je connais bien le Parlement et je peux vous dire qu'avant-hier à l'Assemblée nationale et hier matin au Sénat, j'étais à côté du Premier ministre, le Premier ministre a fait un sans-faute et a recueilli l'adhésion totale de sa majorité et il est même allé au-delà. Des divisions dans la majorité comme dans l'opposition, il y en a toujours. Les hommes sont les hommes. Les responsabilités ne sont jamais à sens unique, elles sont un petit peu partagées. Il y avait peut-être aussi de la faute du Gouvernement, de notre faute à nous, les ministres, avec une communication Qui était peut-être un peu faible, comme vous l'avez souligné au début de notre entretien.
Q. : Ne craignez-vous pas une forte montée de revendications contre ce plan ?
R. : Je connais bien M. Blondel et je dois dire que j'ai été stupéfait par les propos qu'il a tenus. Je sais l'attachement de FO à notre système de protection sociale, comme d'ailleurs l'attachement des autres organisations syndicales. Mais dire qu'il s'agit d'un rapt de l'État, parce qu'on donne au Parlement, c'est-à-dire à la représentation nationale, le moyen de vérifier les choses et de les clarifier, je dois dire que je suis étonné et que c'est une curieuse conception de la démocratie.
Q. : Craignez-vous des retombées sur votre secteur ?
R. : La SNCF a ses propres problèmes. Nous préparons à l'heure actuelle un contrat de plan qui devrait être signé d'ici de l'année pour permettre à cette grande entreprise, à laquelle les Français sont attachés, de repartir et d'aller de l'avant. Là aussi, il faut changer un certain nombre de choses et avoir le courage de le faire. Il faut le faire dans la clarté.
Q. : la réalité résiste-t-elle au rêve ?
R. : Tout à fait. Notre rêve était de faire gagner la France de la remettre sur les rails. Et je dois dire qu'aujourd'hui, derrière le président et le Premier ministre, nous mettons en place un certain nombre de choses qui vont permettre à la France de se remettre sur les rails et de repartir de l'avant. De la même manière, j'ai été très heureux, au soir du deuxième tour de l'élection présidentielle, parce que J. Chirac avait gagné les présidentielles ; je suis sûr aujourd'hui qu'il va faire gagner la France.