Texte intégral
« Vous avez bien voulu me communiquer, par la lettre que vous m’avez fait porter le 4 décembre, les observations et remarques qu’appelle de la part de votre organisation l’action de réforme engagée par le gouvernement. Les différents points que vous évoquez appellent les précisions suivantes, dont je souhaite qu’elles soient de nature à vous permettre de mieux apprécier les objectifs, les principes et l’esprit dans lesquels ces réformes sont conduites.
S’agissant de la sécurité sociale, le gouvernement a fait le choix de la réforme en profondeur pour qu’elle reste elle-même, dans la fidélité au principe de solidarité qui la fonde. C’est dans cet esprit, en particulier, qu’il a décidé d’engager un processus de rénovation de l’assurance maladie, après avoir apuré les déficits considérables accumulés depuis plusieurs années.
Je me félicite que les orientations retenues à cet égard pour rompre avec la spirale des hausses de cotisations et des baisses de remboursement reçoivent de votre part un accueil positif : mise en place de l’assurance maladie universelle pour permettre l’accès de tous aux soins ; élargissement du financement à tous les revenus, la contribution sociale généralisée devant être élargie et rénovée pour devenir une cotisation sociale à part entière ; clarification des responsabilités entre l’État et les partenaires sociaux gestionnaires, grâce en particulier à l’intervention du Parlement dans les grands choix qui garantiront la pérennité de la sécurité sociale ; renforcement de la maîtrise médicalisée des dépenses qui seule, par un effort général de responsabilité, permettra de répondre aux besoins de santé de l’avenir.
Cette réforme est nécessaire pour sauvegarder la sécurité sociale, l’adapter aux exigences du XXIe siècle en la confortant dans ses fondations, et garantir aujourd’hui comme demain l’accès de tous les Français au progrès médical.
Elle sera, bien entendu, concertée étroitement dans sa mise en œuvre comme dans la fixation de ses modalités concrètes d’application. Mais soyez assurée que le gouvernement ne se laissera dévier ni de ses objectifs ni de son calendrier, convaincu qu’il est que la réforme est indispensable et urgente pour assurer l’avenir de la sécurité sociale.
S’agissant du régime de retraite des fonctionnaires et des régimes spéciaux de retraite du secteur public, je souhaite vous préciser la méthode retenue par le gouvernement pour assurer leur consolidation, leurs déséquilibres démographiques risquant, si rien n’était fait, de provoquer leur effondrement et la remise en cause des droits acquis par les agents concernés.
Il n’est donc pas question de supprimer les régimes spéciaux des fonctionnaires, des cheminots, des agents de la RATP, etc. Il n’est pas davantage question de les aligner sur le régime général, tout simplement parce que les métiers qu’ils concernent ont leur spécificité : la spécificité des services publics.
C’est pourquoi le gouvernement a demandé à une commission indépendante, composée de personnalités d’origines diverses mais partageant une même éthique du service public, d’élaborer un “livre blanc”, précisant les données des différents régimes et les voies et moyens envisageables pour éviter que ne se dégrade leur situation à horizon des années 2005-2015. Dans l’examen des différents paramètres, qui ne sauraient se limiter à la durée de cotisation, la commission s’attachera à prendre clairement en compte les contraintes de service public, les pénalités de métiers, les sujétions d’horaires spécifiques à différentes catégories d’agents. Il lui appartiendra de proposer au gouvernement toutes mesures propres à permettre une appréciation plus claire de la situation de ces régimes et à assurer leur redressement, dans un esprit tout à la fois d’équité et de solidarité.
Dans l’esprit dans lequel je demande à la commission d’élaborer ce livre blanc, il va ainsi de soi qu’aucune décision ne saurait être à ce jour prise. À l’issue de ses travaux, et sur la base des conclusions de ce livre blanc, le gouvernement engagera une discussion approfondie avec les organisations syndicales concernées pour parvenir à un accord le plus large possible sur les réformes qui s’avéreront nécessaires à la consolidation de ces régimes.
Vous abordez, dans votre lettre, plus largement l’attachement des salariés et des usagers au service public. Comme je l’ai indiqué dès mon discours de politique générale, le gouvernement a fait de la promotion et de la modernisation des services publics un axe majeur de sa politique.
La conception du gouvernement en matière de service public repose sur des principes simples, communs à chacun d’eux, qui sont l’égalité d’accès et de traitement des usagers, la continuité et la qualité du service. Pour autant, les organismes ou les entreprises publiques qui gèrent ces services ne sont pas tous dans des situations identiques. Leurs structures et les conditions de réalisation du service sont amenés à évoluer lorsque le développement de technologies nouvelles et l’état de la concurrence rendent nécessaires des adaptations.
C’est à l’évidence le cas dans le secteur des télécommunications en raison des orientations et des décisions de l’Union européenne. Loin d’atermoyer, le gouvernement a défini depuis le mois d’août 1995, les principes qui le guident. Il présentera au Parlement une loi de réglementation qui prendra en compte la notion de service universel telle qu’elle est définie dans les directives communautaires, mais surtout celle du service public telle que la France la conçoit. Ainsi, la loi prévoira que les opérateurs de service public devront couvrir l’ensemble du territoire et que les missions de service public seront financées par l’ensemble des opérateurs.
Dans le secteur énergétique, le gouvernement défend avec force une organisation du marché de l’électricité fondée sur un principe “d’acheteur unique”. Il a obtenu du Conseil européen que ce principe soit retenu au même titre que celui de “l’accès des tiers au réseau” qui avait la faveur de la Commission européenne. Les négociations ont déjà permis de faire admettre que les investissements de production soient décidés en fonction d’une programmation à long terme qui préserve notre programme électronucléaire. La discussion se focalise maintenant sur la distribution. Le gouvernement défendra jusqu’au bout l’égalité de traitement dont bénéficient les clients du service public de l’électricité. Le vote de la résolution sur les services publics à l’Assemblée nationale renforce encore notre capacité à nous faire entendre de Bruxelles.
S’agissant du contrat de plan entre l’État et la SNCF, loin d’avoir été conçu dans une perspective de rentabilité à court terme, il est au contraire placé sous le signe du redressement durable de l’entreprise, sur la base d’efforts partagés entre l’État et la SNCF. À la SNCF la mission de reconquérir sa clientèle et de maîtriser ses coûts d’exploitation ; à l’État celle de contribuer fortement au désendettement de la SNCF. Dès 1996, l’État reprendra ainsi 37 MdsF de dettes à la SNCF ; puis il accompagnera ensuite les efforts et les résultats de l’entreprise en reprenant environ 12 MdsF de francs de dettes à chaque fois que la SNCF améliorera son résultat d’exploitation de 1 MdF. Au total, l’État devrait ainsi reprendre plus de 100 MdsF de dettes de la SNCF sur les cinq années de la durée du contrat de plan.
Outre l’effort de désendettement, l’État maintiendra sur la durée du contrat de plan des concours annuels à la SNCF supérieurs à 40 MdsF par an, afin qu’elle puisse demeurer le grand service public de transports dont le pays a besoin, par le fer et par la route.
En choisissant de maintenir la SNCF dans un cadre intégré, en conservant son statut et celui de ses agents, en donnant à la SNCF les moyens d’atteindre des coûts d’exploitation compatibles avec les prix que sont prêts à payer les usagers, l’État a clairement choisi avec l’entreprise la voie du redressement et de l’utilité publique à long terme. Tout autre choix conduirait inéluctablement à une dérive incontrôlée des comptes de la SNCF, insupportable pour le contribuable et à la poursuite de la désaffection des usagers pour le transport ferroviaire, néfaste économiquement et socialement.
Comme vous le soulignez dans votre lettre, les usagers des transports en commun sont de plus en plus nombreux à demander l’instauration d’un service minimum, à raison du blocage actuel des transports qui crée des difficultés considérables pour nombre de nos concitoyens et met en danger des entreprises sur l’ensemble du territoire.
Je partage donc votre sentiment selon lequel des négociations sur ce sujet devraient s’engager au sein de la SNCF et de la RATP. »