Texte intégral
Le Peuple : 7 septembre 1995
Le gouvernement joue le passage en force. Finies les déclarations lénifiantes ! Au fur et à mesure où les cartes viennent sur la table, à propos des choix essentiels, les ...) disparaissent. Ce sont vers les mêmes que s'orientent les sacrifices.
Emploi : Le gouvernement persiste dans la même voie au prétexte que les statistiques s'améliorent.
Que les deux tiers des emplois créés soient des emplois précaires.
Le gouvernement ne veut pas le savoir.
Les conséquences sur le financement de la protection sociale ? Il préfère les ignorer.
Bref ! On continue ! Les employeurs peuvent se frotter les mains.
Les Rmistes et les exclus ont toutes raisons d'être inquiets.
Pouvoir d'achat : Les fonctionnaires vont payer la note alors qu'ils sont déjà pénalisés par un dispositif salarial désastreux pour 1993-1995. Le gouvernement prétend faire l'impasse pour 1996, donnant ainsi au patronat le bon exemple de la fermeté, alors que TVA, hausse des transports et CSG ont déjà annulé les effets de l'augmentation du Smic.
Protection sociale : Pour disposer d'éléments nécessaires à sa prise de décision, vers une réforme fondamentale, le Premier ministre nous a annoncé un débat. Nous y sommes prêts, mais nous avons exigé un débat public et non un débat d'initiés, avec des dispositions médiatiques et sur le lieu de travail pour que les assurés sociaux soient informés des enjeux des causes, des difficultés, des propositions des différentes forces politiques et sociales. La CGT ne lâchera pas cette exigence car elle conditionne la large diffusion des propositions que nous voulons faire vivre. Nous pouvons imposer d'autres choix.
Les privatisations : Bien qu'il se défende de vouloir privatiser EDF-GDF, le Premier ministre a affirmé avec véhémence sa prétention de s'en prendre à France-Télécoms dont il affirme que l'abandon du monopole est la condition de la survie argument qu'il reprend pour Air France. Jurant, par le maintien du statut du personnel, de ses pures intentions quant à l'avenir de l'entreprise, il ne fait que confirmer nos craintes en indiquant : « Nous sommes sous la menace entre Deutsche Telekom et les Américains, si nous ne changeons le statut de l'entreprise. »
Comment dire plus clairement que ce sont les injonctions des grands appétits du capital – européen et international – qui guident aujourd'hui les choix du gouvernement.
Sur tous ces aspects, une seule réponse : La mise en œuvre déterminée d'efforts soutenus de mobilisation et de recherche d'unité d'action, de convergence entre toutes les catégories de salariés, retraités, chômeurs.
Le Point : 9 septembre 1995
Le Point : Que retenez-vous de votre entretien à Matignon ?
Louis Viannet : Sur tous les grands dossiers de la rentrée (emploi, protection, pouvoir d'achat…), le Premier ministre m'a donné l'impression de vouloir passer en force. Le style n'a rien à voir avec celui, alambiqué, de son prédécesseur, Édouard Balladur. Juppé n'hésite pas à faire du « rentre dedans », je préfère ça.
Le Point : L'idée d'un grand débat sur la Sécurité sociale vous paraît-elle utile ?
Oui, à condition que cela ne se limite pas à un débat entre initiés à la Maison de la chimie. Il faut la plus grande mobilisation possible. Faites confiance, d'ailleurs, à la CGT, si un tel débat est organisé, pour insister sur un point : une bonne partie du déficit de la Sécurité sociale est due aux entreprises qui n'ont pas versé leurs cotisations, et à l'État, qui allège les charges sans compenser les pertes de recettes.
Le Point : Peut-on augmenter les fonctionnaires, en recruter de nouveaux, sans que les salariés du privé en pâtissent ?
Louis Viannet : Il est complètement absurde de vouloir opposer les uns aux autres. On ne peut se passer des fonctionnaires, des infirmiers, des instituteurs. On le voit bien quand ils font grève… En plus, depuis dix ans, la part des dépenses du budget consacré aux fonctionnaires n'a pas varié : ils ne sont donc pas à l'origine du déficit. Enfin, n'oubliez pas que les fonctionnaires paient des impôts. Si l'on veut trouver des financements, c'est du côté des impôts pesant sur les entreprises, sur les bénéfices, qu'il faut chercher.
Le Point : Faut-il revoir le RMI ?
Louis Viannet : Les insinuations tendant à faire du Rmiste un privilégié sont malhonnêtes. Si les Rmistes ne travaillent pas, ce n'est pas leur faute. Et l'allocation a été conçue dès l'origine pour répondre à ce cas bien précis.
Le Point : FO, le syndicat de Marc Blondel, surreprésenté dans la fonction publique et apparemment hostile à toute réforme, n'occupe-t-il pas trop de terrain ?
Louis Viannet : C'est à Marc Blondel qu'il faut poser la question ! La CGT, pour sa part, considère que ceux qui ont un statu doivent le défendre. Mais attention, il ne faut pas se replier sur soi il faut créer des solidarités nouvelles. Les corporatismes sont l'ennemi du syndicalisme. Nous devons, en particulier, aller au-devant des jeunes, les aider à se défendre.