Extraits de la déclaration de M. Robert Hue, secrétaire national du PCF, au Comité national du PCF, relative à ses critiques sur le traité d'Amsterdam et sur les modalités de sa ratification, et sur les perspectives d'interventions communes des forces de progrès européennes, communistes et écologistes, dans le débat sur la réorientation de la construction européenne, Paris 16 novembre 1998.

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Circonstance : Réunion du Comité national du PCF à Paris les 16 et 17 novembre 1998

Texte intégral

« (...) L'enjeu des conditions du changement en France et les enjeux européens sont totalement imbriqués (...)

(...) Les dogmes de la rigueur monétaire et budgétaire sont pris sous le feu de la critique, non seulement à partir des attentes sociales, mais aussi à partir de l'entrave à la croissance, à l'investissement public, au crédit pour l'emploi, que représentent les politiques restrictives du système construit autour de la monnaie unique, avec le pacte de stabilité et la BCE (...).

Des opportunités nouvelles pour la réorientation de l'Europe

L'Europe bouge. Un champ d'opportunités est en train de s'ouvrir pour la réorientation pour laquelle nous agissons (...) C'est tout le sens de la lettre que j'ai adressée à Lionel Jospin et Jacques Chirac au lendemain du sommet (...) Dans sa réponse, Lionel Jospin s'accorde à reconnaître la nouvelle donne en Europe (...) Mais il ne franchit pas le pas. Il évacue la proposition de renégociation. On retrouve là, me semble-t-il, le même manque d'audace et de détermination que sur les réformes de structures à entreprendre en France. Pourtant la question reste, et avec le temps, elle ne peut prendre que plus de vigueur (...)

Je ne dis pas que rien n'est entrepris. Mais il faut accepter de réformer ce qui doit l’être (...)

Enclencher une nouvelle dynamique

(…) Ma proposition vise à enclencher une dynamique (...) Elle vise à créer un environnement plus favorable à la mise en œuvre d'une politique de gauche en France (...)

(…) La réflexion sur l'avenir du système bâti autour de la monnaie unique est loin d'être close avec la mise en place de l'euro, comme on tente d'en convaincre les Français. Tout au contraire. Et en ce qui nous concerne, nous nous inscrivons dans une démarche offensive, pour travailler à mettre en adéquation la construction européenne avec les nécessités du changement : une utilisation de l'argent pour l'emploi et le progrès social, et la maîtrise par les peuples des décisions qui les concernent.

Ce sont ces mêmes problèmes, en fin de compte, que soulève le traité d'Amsterdam. Ce traité ne nous convient pas. Nous ne le voterons pas. Il ne nous convient pas en raison de son contenu. Et la forme même choisie pour la ratification n'est pas satisfaisante. En refusant jusqu'à aujourd'hui un référendum, on semble persister dans une méfiance envers le peuple. Avec le traité d'Amsterdam, c'est un pan de la souveraineté qui est en cause. Les Français doivent être consultés.

Quant à la réforme institutionnelle, nous examinerons avec la plus grande attention les propositions qui seront soumises, notamment pour ce qui concerne des droits accrus pour le parlement national, question majeure avec la perspective de réforme des institutions communautaires (...).

(...) Je veux souligner combien est engagée la responsabilité des communistes, combien il est nécessaire d'être présent sur le terrain de la politique européenne, avec audace, avec le même esprit offensif et constructif, à partir des problèmes posés, à partir de la discussion sur les conditions du changement, à partir des discussions sur les réformes à entreprendre, et des contraintes libérales européennes auxquelles nous sommes confrontés(...) Nous sommes déjà en plein dans le débat sur la réorientation de l'Europe.

C'est pourquoi il faut, dans les semaines à venir, donner une impulsion nouvelle à la consultation des communistes lancée cet été. Tant il est vrai qu'en dernière instance c'est l'intervention des citoyens, des salariés, du mouvement social qui sera déterminante. Et nous  pouvons donner une ampleur significative à la signature de la carte pétition pour le référendum sur le traité d'Amsterdam et pour la réorientation de l'Europe, d'ici la mi-janvier (...)

Des axes pour des interventions communes

(…) Le moment est favorable aussi parce que - et j'ai pu le mesurer dans mes rencontres de ces derniers mois - les objectifs autour desquels on peut se rassembler au niveau européen sont en train de se préciser, comme les prémices de ce qui pourrait être des points forts pour des : interventions communes des forces et des partis progressistes, de gauche, écologistes, européens. C'est dans ce sens qu'il faut travailler. Tout de suite donnons toute l'ampleur à ces possibilités de convergences.

Il est ainsi possible de définir quelques axes prioritaires pour une réorientation sociale et démocratique de l'Europe, pour ancrer l'Europe à gauche :

Pour une autre utilisation de l'argent, pour l'emploi et le progrès social

Négociation d'un pacte pour l'emploi et la croissance -et pour leur financement-, devant se substituer au pacte de stabilité.

Mise en place d'un contrepoids politique à la BCE, et rediscutions de ses pouvoirs et de ses missions, qui doivent faire de l'emploi et de la croissance réelle la priorité.

Réduction des taux d'intérêt en Europe, de façon sélective, c'est-à-dire pour favoriser l'emploi et la formation.

Mise à contribution de la BEJ pour faciliter des crédits aux investissements à l'échelle européenne, suffisamment dégagés de la pression des marchés financiers, et créateurs d’emplois.

Taxation des capitaux financiers et aussi des mouvements internationaux de capitaux à court terme (une sorte de taxe Tobin européenne) soutenant une politique monétaire et de crédit expansive.

Mesures favorisant la réduction du temps de travail et son utilisation pour l'emploi.

Défense et promotion des services publics et de leur rôle social en vue des coopérations élargies à l'échelle européenne.

Harmonisation vers le haut des législations sociales et avancées du modèle social européen.

Pour la réorientation vers une Europe démocratique.

Conquête de droits nouveaux pour les citoyens, dans le processus d'élaboration et de mise en œuvre des décisions communautaires. Ce qui implique pour nous non pas l'abaissement des institutions et des cultures nationales, mais au contraire la conquête de nouvelles prérogatives pour la souveraineté populaire dans l'espace européen. Faire de la promotion des échanges humains et culturels une véritable priorité.

Pour la réorientation vers une Europe de paix et solidaire.

Solidaire au sein de l'Union européenne par la mise en œuvre de projets permettant la  réduction des inégalités de développement. Solidaire avec les partenaires extérieurs, en premier lieu ceux de l'Europe centrale et orientale, en redéfinissant les règles de l'élargissement. Europe solidaire signifie Europe de paix, en substituant à la logique militaire de l'OTAN, une rénovation de l'OSCE garante d'une sécurité partagée. Enfin, une Europe définissant avec le Sud d'autres relations que celles de la guerre économique, agissant dans les instances internationales pour la définition d'autres règles et d'autres... Rapports de force, face à la logique libérale de la mondialisation actuelle (...).

(…) Ce sont des propositions et des pistes sur lesquelles, j'en suis convaincu, nous pouvons nous retrouver avec d'autres forces diverses en Europe, avec lesquelles nous allons multiplier les contacts et les initiatives dans les semaines à venir. »