Texte intégral
es Échos : Pour la première fois depuis 1991, l'aménagement du territoire et la politique de la ville sont réunis sous la même bannière. Comment concevez-vous votre action à la tête de ce département ministériel étoffé ?
Jean-Claude Gaudin : Le ministre de l'Aménagement du territoire est le ministre de tout le territoire et de toutes les parties du territoire. Il faut effectivement faire en sorte que les hommes et les richesses ne se concentrent plus sur une partie du territoire, d'ailleurs de plus en plus restreinte, pendant que tout le reste des zones se désertifie. C'est mon premier objectif. Dans cette affaire, j'aurai trois appuis principaux, celui de la Haute Assemblée, mais également celui du Président de la République, qui a toujours été passionné par l'aménagement du territoire et qui connaît parfaitement bien les zones rurales, et du Premier ministre qui a voulu recréer un ministère de l'Aménagement du territoire autonome.
Mon deuxième objectif vise à redonner une dynamique d'avenir aux zones urbaines les plus sensibles. Pour ces dernières, je ne peux que confirmer que le Plan national d'intégration urbaine (PNIU) sera annoncé par le Premier ministre lui-même, dans les prochaines semaines, dès que l'actualité le permettra.
Les Échos : Le gouvernement a-t-il d'ores et déjà écrit sa copie ?
Jean-Claude Gaudin : Si certains arbitrages ne sont pas encore définitivement rendus, les grandes lignes sont d'ores et déjà connues. Pour ne citer que quelques points, c'est plus de sécurité, c'est une meilleure condition de l'habitat, c'est une vie participative démocratique plus intense, c'est plus d'emploi, c'est la restauration des services publics dans ces zones, c'est plus de policiers et d'appelés du contingent au service de la ville, ce sont des mesures en faveur des entreprises.
Les Échos : Les maires de grandes villes ont demandé des moyens financiers à la hauteur de la gravité de la situation. Cela devrait-il être le cas ?
Jean-Claude Gaudin : J'essaie d'obtenir le plus possible de moyens, notamment par redéploiement budgétaire puisque j'ai conscience de la situation financière plus générale.
Les Échos : La loi Pasqua de février 1995 prévoit déjà des exonérations fiscales pour les entreprises implantées dans les zones urbaines et rurales fragiles, mais les décrets ne sont pas sortis. Où en est-on de la concrétisation de ce texte ?
Jean-Claude Gaudin : La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire est un outil essentiel et je veillerai à ce qu'elle soit mise en œuvre. Déjà une série de décrets ont été pris. Treize ont d'ores et déjà été signés. Cinq autres décrets sont en cours de signature et notamment celui, tant attendu, sur les zones de revitalisation rurale, qui pourra être signé au début de cette année. J'ai en effet obtenu ces jours-ci l'accord de la Commission européenne sur le dispositif d'aide qui va s'appliquer dans ces zones. Quant aux zones urbaines, des dispositions seront intégrées dans le plan national d'intégration urbaine, sur lesquelles je m'empresserai, dès qu'elles seront définitivement arrêtées, de solliciter l'accord de Bruxelles.
Les Échos : L'élaboration du schéma national d'aménagement du territoire semble aussi avoir pris du retard.
Jean-Claude Gaudin : Parmi les choses qu'il reste à faire, vous avez raison, il y a l'élaboration concrète du schéma national d'aménagement et de développement du territoire, mais aussi des schémas sectoriels, Il y aura effectivement du retard, car son élaboration n'est qu'amorcée, la première phase de réflexion aux niveaux régional et national, n'étant engagée que depuis peu. Chaque ministre a été invité il définir les orientations à long terme de son département.
Sur le plan régional, les préfets ont été appelés à déterminer les axes de développement et d'aménagement souhaitables, en concertation avec les collectivités locales et les socioprofessionnels. En janvier, je réunirai les préfets et les présidents de conseils régionaux pour faire le point avec eux.
Parallèlement, cinq commissions thématiques nationales seront très prochainement mises en place. À partir de leur travail, le projet de schéma national sera élaboré à la fin du printemps prochain. Ce projet sera soumis aux consultations officielles prévues par la loi, entre le mois de juillet et le mois d'octobre. Mon objectif est qu'il soit soumis au Parlement à la fin de l'année 1996 ou au tout début de l'année 1997.
Les Échos : La politique d'aménagement du territoire ne va-t-elle pas pâtir des moyens budgétaires limités prévus pour l'année prochaine ?
Jean-Claude Gaudin : Nous vivons une période de restrictions budgétaires, il faut nous en accommoder parce que la réduction des déficits est prioritaire. Avec les crédits que nous avons, nous pourrons faire face. Je crois d'ailleurs que ce n'est pas tant la somme des crédits que la façon de les utiliser qui est importante. Le budget de l'aménagement du territoire est un budget de vérité et de sincérité. Dans la loi de Finances initiale pour 1995, il avait été gonflé. La loi de Finances rectificative de juin est venue l'amputer avec d'autant plus de facilité que tout n'avait pas été dépensé. Sachez cependant que je disposerai, en 1996, d'autant de crédit qu'il en a été effectivement consommé en 1995.
Là où le bât blesse, c'est vrai, c'est à propos du Fonds national de développement des entreprises (FNDE), qui, cette année, n'a pas été provisionné. Pour autant, les PME ont quand même trouvé des appuis dans le plan PME, présenté récemment par le Premier ministre. En 1997, je souhaiterais néanmoins qu'on abonde ce fonds prévu par la loi.
Les Échos : Le gouvernement prépare une loi de clarification des compétences entre l'État et les collectivités locales, dont l'un des volets est la régionalisation de la SNCF. Pensez-vous que les régions auront les moyens de maintenir ouvertes les lignes non rentables que la SNCF semble vouloir fermer ?
Jean-Claude Gaudin : Les transports collectifs seront la nouvelle grande bataille des régions. Jusqu'à présent, les régions avaient concentré leurs efforts sur la réhabilitation du parc des lycées. Cette mission a globalement partout été menée à bien.
En Provence-Alpes-Côte d'Azur, par exemple, j'ai construit 29 lycées en dix ans et j'en ai réhabilité plus de 100. Pour une dépense de 6 milliards de francs actuels. Pour autant, certaines régions n'ont pas attendu aujourd'hui pour se préoccuper des transports ferroviaires. Permettez-moi de citer encore ma région : en dix ans, j'ai créé 72 lignes de trains régionaux.
Les présidents de région sont prêts à examiner une collaboration et même un partenariat avec la SNCF, mais ils ne veulent pas avoir à supporter le déficit d'un certain nombre de lignes. Ils attendent donc de l'État une juste compensation financière.