Déclaration de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement des transports et du logement, sur la politique gouvernementale en faveur des transports publics, Orléans le 30 octobre 1998.

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Circonstance : Clôture du congrès de l'UTP(Union des transports publics) à Orléans le 30 octobre 1998

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,

Je viens vous remercier de m'avoir invité, pour clore votre Congrès.

Après les débats de la table ronde, après avoir vu "le temps des voyageurs" et avant la remise du Prix du "Bus d'or", je souhaite vous dire quelques mots sur la politique en faveur des transports publics qu'a décidé d'impulser le gouvernement.

Rien ne serait pire que, au fil des années, au rythme des différents séminaires, colloques ou congrès sur les transports publics, on répète inlassablement les mêmes analyses, et que l'on décrive les mêmes constats. Ainsi, chaque année les différents acteurs concernés se fixeraient les mêmes ambitions, proposeraient le règlement des mêmes problèmes, cependant que la réalité amènerait à constater que rien ne change vraiment.

Ne nous le cachons pas, il s'agit là d'une question majeure posée à notre société, à notre capacité à faire progresser une efficacité démocratique, citoyenne.

Alors ! quelque chose nous permet-il aujourd'hui, d'espérer qu'au-delà des discours, de véritables changements sont en cours et concernent tous les thèmes essentiels que vous avez abordés au cours de ces trois jours de congrès ?

Que peut-on attendre, par exemple, comme changement, comme amélioration significative dans les relations entre urbanisme et transports ? Quelle contribution des transports publics à la qualité de la ville, à la cohésion sociale voire à l'exercice de la citoyenneté ?

A toutes ces questions, je crois pouvoir répondre que, oui, quelque chose est en train de changer en profondeur dans l'opinion publique, chez les élus, comme chez les salariés et usagers des transports publics. C'est donc sur ces thèmes que je souhaite m'exprimer.

Si je suis comme vous M. le Président, raisonnablement optimiste à l'égard des transports urbains, c'est d'abord parce que je considère que le contexte historique est particulièrement favorable.
Vous avez fait référence à l'enquête de la SOFRES sur les transports publics. On y trouve une illustration claire du changement d'attitude, d'attente de nos concitoyens à l'égard des transports publics. L'image de ces derniers est bonne. Les français aspirent à ce que leur rôle soit plus important à l'avenir.

Le premier changement que j'observe est donc un changement d'état d'esprit et peut être cela constitue-t-il le phénomène le plus prometteur.

Ce changement d'état d'esprit a des racines profondes. Il constitue une manifestation de la sensibilité grandissante de nos concitoyens à l'égard des problèmes de pollution, d'environnement et plus généralement de cadre de vie.

Ce mouvement sera sans doute irréversible – il est même fort probable qu'il ira en s’amplifiant, il constitue une réelle opportunité pour les transports publics, en même temps, qu'il renforce les exigences à l'égard de ces derniers.

Les transports publics eux-mêmes auront de plus en plus à prendre en considération les attentes des usagers en matière de qualité, de confort, de régularité, de sécurité, de respect de l'environnement. En un mot, ils devront montrer l'exemple et confirmer qu'ils constituent bien la réponse adaptée à la situation.

Le second changement que j'observe actuellement se rapporte à l'attitude des élus à l'égard des transports publics. Il serait totalement faux de dire qu'ils n'ont rien fait en la matière. Pour illustrer ma pensée, en la schématisant un peu, je dirais que les élus sont actuellement en train de revoir leur conception quant à la place du transport public dans la mobilité et les déplacements urbains.

Nous sommes pratiquement au seuil d'une période où, dans les agglomérations, on laissera à la voiture la place qui ne peut pas être tenue par les transports publics. Ceci me parait un véritable renversement de la politique des transports urbains.

De premiers signes dans ces directions apparaissent. J'en veux pour preuve les réflexions et les décisions en matière de stationnement automobiles, de plan de circulation, de réservation de voire pour des transports collectifs en site propre à l'intérieur ou à la périphérie des villes. Oui, les choses bougent, oui des changements sont en cours et concernent progressivement la plupart des agglomérations.

Le troisième changement que je voudrais évoquer est celui du choix de ce gouvernement, de contribuer activement au développement des transports collectifs. Je crois qu'en terme budgétaire, on peut parler d'une réelle inflexion au bénéfice des transports collectifs.

Je ne développerai pas trop l'accentuation sensible des interventions de l’État au bénéfice du transport ferroviaire puisque j'ai déjà eu l'occasion de les commenter dans d'autres instances. Ces interventions concernent les dotations en capital de RFF (37 milliards de francs pour les trois prochaines années) le désendettement de la SNCF (20 milliards de francs en 1997) et le soutien aux investissements en infrastructure (près de 1,9 milliard de francs au budget 1999).

La perception de cette situation nouvelle, le besoin de faire émerger des solutions novatrices, la demande de participation à leur élaboration, m'ont amené à décider de donner une dimension nationale à ces débats.

J'organiserai au printemps prochain colloque sur le thème « urbanisme et mobilité ».

Il réunira tous les acteurs de la ville, de son urbanité. Vous y avez toute votre place, professionnels des transports collectifs urbains, assurant une mission de service public.

Il faut parler bien sûr, dans le cadre de ce congrès, des transports urbains.

Je veux avant d'aborder des questions concrètes évoquer une question qui, à mes yeux, est centrale.

Vous avez évoqué la dynamique commerciale, certes cette idée est juste mais je veux insister à ce propos sur une dimension particulière des transports urbains. Ils sont, qu'ils soient effectués par des entreprises privées ou publiques, un service public placé sous la responsabilité des collectivités territoriales, autorités organisatrices.

D'ailleurs, ce caractère de service public est ressenti largement par les populations, comme cela ressort de votre sondage : 72 % considèrent que les transports urbains doivent être principalement financés par l’État et les collectivités territoriales et 14 % par les usagers.

J'en viens donc aux questions concrètes que vous avez soulevées.

Concernant les transports de province, l'inflexion budgétaire est sensible. Entre 1997 et 1999, c'est un accroissement de 40 % des crédits de paiements pour le soutien à l'investissement. Je le dis ici, à l'égard de ceux qui s'interrogent à ce sujet, celte inflexion sera poursuivie dans les années à venir.

• Changements d'état d'esprit, ai-je dit ;
• Changements dans la place accordée par les élus au transport public dans les villes ;
• Changements, enfin, dans la part allouée aux transports publics dans le budget de l’État.

Le contexte, le contexte historique, est donc favorable mais pour réussir, il faut que s'y rajoute une volonté, ure continuité, une persévérance, une cohérence dans les politiques suivies.
Comment tout cela peut-il être assuré ?

Par l'identification des améliorations, qu'il est nécessaire d'accomplir et la mise en œuvre de celles-ci.

Quelles améliorations sont nécessaires ? Nous le savons tous. Vos travaux ces trois jours durant les ont clairement mises en lumière. Elles sont nombreuses et de portée très différenciée. J'en retiendrais trois qui me paraissent essentielles.

- la sécurité dans les transports publics,
- l'accessibilité tarifaire et spatiale au transport public,
- l'abaissement du niveau de conflictualité sociale par une amélioration du dialogue social.

La sécurité est un droit qui doit être assuré y compris – personnellement je dirais : surtout – dans les services publics de transport, et pour le personnel et pour les usagers. Cette exigence de sécurité est nécessaire tant pour les entreprises concernées qu'au regard des ambitions affichées par les pouvoirs publics d'augmenter la part de marché des transports publics.

Sans parler des efforts déployés par le ministère de l'Intérieur en matière d'effectifs de police, le ministère des Transports a engagé une action de ré-humanisation des réseaux. Elle est essentielle et montre bien la responsabilité qu'ont pris les politiques qui, naguère, ont fait choix de la régression massive de l'emploi dans les services publics des transports.

En 1998 et 1999, la SNCF ajoutera 880 personnes statutaires au contact avec le public en Île-de-France et 770 emplois jeunes. Ces chiffres sont respectivement de 500 et 1 000 pour la RATP.

Avec la Région Île-de-France, le ministère a dégagé un budget de 350 millions de francs pour équiper les bus de la RATP de radiolocalisation. Nous passons de 170 bus équipés aujourd'hui à 1 000 mi-1999, 2 000 en fin 1999 et enfin la totalité des bus soit 4 000 à fin de l'an 2000.

Pour la province la subvention de l’État pour les équipements de sécurité est passée de 30 à 50 % des dépenses pour un montant de 50 millions de francs.

Et là je ne veux pas fuir le débat que l'UTP et un dirigeant syndical ont engagé en laissant entendre que la province serait délaissée au regard de l'Île-de-France.

Je rappelle que la priorité que j'ai annoncée sur la ré-humanisation des réseaux les concernent tous. Les modifications du code pénal à venir aggravant les sanctions en cas d'agression d'un agent des transports publics les visent également.

La mise en place des contrats locaux de sécurité sont engagés aussi bien en province qu'en Ile-de-France.

Je veux qu'on le sache, les perturbateurs, les casseurs, les agresseurs doivent être isolés et punis. Ils doivent savoir que les sanctions seront désormais plus lourdes. J'ajoute que la vigilance et la solidarité des usagers entre eux et avec les agents du service public peut permettre dans bien des cas de régler nombre de ces comportements d'incivilité qui pénalisent surtout nos concitoyens les plus défavorisés.

Rendre plus attractif les transports publics s'est aussi les rendre matériellement et financièrement accessibles au plus grand nombre.

Pour qu'ils soient matériellement accessible, il faut une desserte adaptée à la répartition de l'habitat et aux flux potentiels tant sur l'aspect des itinéraires que de la fréquence.

Rendre financièrement accessibles les transports publics, cela implique sans doute de repenser le niveau et la structure tarifaire. Il me semble qu'à cet égard, les opérateurs pourraient être force de proposition à l'égard des autorités organisatrices.

Des dispositions ont été prises pour certaines catégories de la population en particulier pour les demandeurs d'emplois et pour les jeunes, je pense qu'il faut poursuivre dans tout le pays dans cette voie.

Je ne peux m'empêcher de faire remarquer que cette question d'accessibilité est à la fois juste et vraie. Elle est vraie économiquement au sens où elle peut contribuer à accroître la fréquentation des transports publics. Elle est juste socialement au sens où elle peut contribuer à accroître la cohésion sociale.

La dernière amélioration sur laquelle je souhaite mettre l'accent concerne la situation trop fréquemment vécue par les usagers lors des conflits sociaux dans les entreprises de transport.

Je l'ai déjà dit et je le répète. La grève est en quelque sorte l'arme ultime que les salariés utilisent lorsque toutes les portes du dialogue et de la négociation sociale sont fermées. Elle devrait donc être l'exception et la discussion la règle.

C'est par exemple ce qui se passe à propos de la réduction du temps de travail.

La négociation est engagée au sein de la commission mixte paritaire et la volonté existe de part et d'autre de parvenir à un accord avant la fin de l'année. Pour ma part, j'encourage tous les partenaires du Transport urbain à s'inscrire dans cette démarche qui peut permettre, dès le début de l'an prochain, d'aboutir à des accords d'entreprises améliorant sensiblement les conditions de travail, créateurs d'emplois et renforçant l'efficacité économique des entreprises.

Quelques soient les sujets, même lorsqu'il s'agit de la lourde question de la sécurité, il convient de rechercher des solutions, qui rassemblent toutes les parties concernées, salariés, usagers, directions d'entreprises, syndicats. Ne doit-on pas en définitive privilégier une culture de négociations, de dialogues, à une culture de conflits.

Je suis sûr que l'on peut avancer dans cette voie plutôt que de jeter de l'huile sur le feu comme nous y appellent, les partisans de la limitation du droit de grève qui ne serait en définitive qu'un prétexte pour l'interdire. En tout cas sur ce sujet comme sur d'autres, je veux convaincre et non contraindre.

Voici pour ce qui concerne les trois domaines où les nécessités d'amélioration me paraissent les plus évidentes. Mais il en est bien d'autres comme les questions d'environnement, de concertation avec les usagers, de confort dont vous avez sans doute discuté utilement au cours de ces trois jours et sur lesquels je n'insisterais pas même si elles ont également toute leur importance.

On le voit, au-delà de ce qui a déjà été fait, il est possible d'établir un réel programme d'action visant à l'amélioration des transports publics. Monsieur le Président CORNIL l'a dit, les différents acteurs ont chacun une part de responsabilité à assumer dans un tel programme et je souscris globalement à ce qui a été dit.

Pour conclure enfin, je résumerais ce que je viens de dire :

En premier lieu,
- des changements importants ont eu lieu ou sont en cours visant à améliorer la situation des transports publics.

En second lieu,
- d'autres améliorations clairement identifiées sont nécessaires qu'il est possible de programmer ensemble lorsque ce n'est pas déjà fait. Il convient ici de faire preuve de volonté et de persévérance.

Derrière tous ces changements passés ou à venir se dessine une place nettement plus importante attribuée au transport collectif.

Je suis persuadé qu'en réalité nous touchons là, à la vie quotidienne des gens en même temps que nous commençons à dessiner un projet de société, un projet urbain où l'homme, le citoyen, loin d'être un invité de raccroc aura enfin sa place, toute sa place. C'est peut être au nom de ce nouvel humanisme des temps modernes de la cité, que je nous invite tous, mesdames et messieurs, à travailler ensemble.

Je vous remercie de votre attention.