Texte intégral
Comment analysez-vous l'attitude des sénateurs qui ont refusé le texte du gouvernement, pourtant approuvé par le président de la République ?
Les sénateurs veulent exister, même si je pense qu'il y a d'autres moyens d'exister que celui-là. Ils ont aussi été sensibles aux arguments de Robert Badinter (sénateurs PS des Hauts-de-Seine, hostile à la parité au nom de l’« universalisme républicain », ndlr), dont la singularité a pesé très lourd dans l'accentuation de la « singularité » naturelle des sénateurs… Enfin, le mot de « parité » - qui, d'ailleurs, ne figure pas dans le texte, puisque le terme choisi est « l’égal accès des hommes et des femmes » - fait peur, et la France a parfois des frayeurs qui m’étonnent.
Que va-t-il se passer lors du retour du texte à l’Assemblée ? Certains députés de droite ne risquent-t-il pas de changer d’avis ?
J'espère que non. Dans le cas contraire, je vais reprendre mon bâton de pèlerin et déployer beaucoup de pédagogie et de patience. Il faut comprendre que, pour les Français, cette histoire est réglée : l’« égal accès accès des hommes et des femmes aux mandats et aux fonctions » est considéré comme un droit normal, et la plupart d'entre eux sont convaincus qu'il est déjà acquis. Quand on explique aux électeurs les difficultés rencontrées pour modifier la Constitution, ils sont stupéfaits.
Personnellement, j' aurais préféré faire l' économie d’une révision de la Constitution. Mais l'obstination du Conseil constitutionnel, qui a tout fait pour qu'on en arrive là (1), nous contraint a cette réforme. Aujourd'hui, il n'y a pas d'autre méthode. Confier aux partis politiques de la responsabilité d'augmenter le nombre de femmes, comme le suggère le Sénat, est une plaisanterie. Leur mauvaise volonté est indéniable. J'ai souvent eu l'occasion de constater que les gens les mieux intentionnés en faveur des femmes s’aperçoivent, au moment de la constitution des listes ou de la distribution des investitures, qu'il faudrait faire une exception… pour eux. Il faut donc en passer par le texte voté à l’Assemblée.
En cas d’échec, faut-il avoir recours au référendum ?
Si le blocage persiste, je ne vois pas comment on pourra l’éviter. Mais il devra alors porter sur l’ensemble de la modernisation de la vie publique.
Le président de la République doit-il intervenir pour convaincre les sénateurs en rappelant qu’il a approuvé le projet gouvernemental ?
Le président de la République serait malvenu de faire une intervention directe en plein débat parlementaire. Il vaut mieux que la discussion se déroule normalement. Convaincre les sénateurs, c'est le travail des partis politiques. Je ne pensais pas qu'on aurait à le faire. Mais puisqu'on en est là, on va le faire. J’essaierai de trouver de nouveaux arguments puisque ceux que j'avais utilisés à l’Assemblée nationale n’ont pas suffi. Mais je ne changerai pas de position.
(1) Par deux fois, en 1982 et, tout récemment, le 14 janvier dernier, le Conseil constitutionnel a refusé l'introduction de « discriminations positives » en faveur des femmes au nom de l’« indivisibilité » du corps électoral.