Texte intégral
Claude Pondemer illustre l'urgence d'investir rapidement et massivement le champ politique réel. Remarquant depuis longtemps que le suffrage universel est utilisé par les électeurs comme une remise de leur pouvoir d'intervention et de parole entre les mains d'un candidat, et que cette pratique laisse souvent un goût amer de la politique, il constate que cette délégation de pouvoir apparaît comme un obstacle à la conception que nous voulons promouvoir de citoyen-acteur. Il y a là une des causes de la crise de la politique, de la perte de confiance dans les formations politiques, voir d'un doute sur les valeurs de la citoyenneté. Une situation qui convient à ceux pour qui les dogmes du capital sont les tables de la loi et qui y trouvent les moyens de pratiquer le jeu de l'alternance. La campagne électorale de Jacques Chirac en offre une illustration. Une campagne idéologique est engagée pour structurer l'opinion en deux camps : d'un côté le camp de droite qui ne tient pas ses promesses et de l'autre côté le PS se plaçant en recours à son tour au nom du changement.
Suffit-il pour être entendu d'opposer « notre alternative » à leur alternance, notre « vrai changement » aux autres qui ne seraient qu'illusion. Est-ce que nous ne devrions pas intégrer de manière plus lisible le suffrage universel dans notre stratégie politique et par conséquent en faire un élément à part entière de la perspective politique. Il est nécessaire de garder à l'esprit quand nous parlons de perspective que nous sommes partants pour un gouvernement rassemblant les forces de gauche et progressistes pour la mise en œuvre d'une politique discutée avec les électeurs eux-mêmes. Sinon notre Pacte unitaire pour le progrès pourrait ne pas être apprécié dans sa totalité.
Le Forum national pour inventer un autre avenir est une entrée spectaculaire dans la construction de longue haleine que sera la Pacte unitaire pour le progrès.
C'est donc porteurs non pas d'un projet de société idéal et ficelé que se présenteront nos candidats en 1998 mais d'un « projet des possibles » qu'ils sortiront de milliers et de milliers de rencontres, d'initiatives, de débats, d'actions de toute sorte et tous ceux avec qui ils auront engagé le dialogue pourront s'y reconnaître. C'est sans doute cela qu'ont à l'esprit les promoteurs de l'opération orchestrée à propos de notre attitude face à Chirac. Ils veulent bien d'un Parti communiste présentant un projet de société idéal mais hors de portée, occasionnellement apportant ses voix pour battre la droite, mais ils ne veulent pas d'une Parti communiste susceptible de mettre concrètement les pieds dans le plat d'une construction progressiste à partir de ce qui est possible, y compris en occupant systématiquement le terrain que le capital est obligé de découvrir quand il est sur la défensive. Nous avons désorienté les tenants de l'alternance parce qu'ils savent que nous venons avec un contenu et une démarche qui peuvent trouver l'oreille des progressistes et lever des forces nouvelles.
Claude Cabanes retrouve dans le rapport de Jean-François Gau toutes les préoccupations qu'il voulait exprimer. Il en approuve pleinement la méthodologie et le fond, l'esprit et la lettre. S'étant demandé quel sont les sentiments dominants qu'éprouvent les hommes d'aujourd'hui dans notre pays, il en a retenu quatre ; Premier trait : tout change, tout a changé, et continue de changer. Tout : les machines, le travail, la communication, la ville, la campagne, la guerre, la famille, les politiques, les mœurs, etc. Ce mouvement engendre une immense angoisse. Deuxième trait : tout est fatal ; Les mécanismes dont dépend la vie des hommes semblent leur échapper chaque jour un peu plus. Face aux machines, au marché, au capital, à la Bourse, au traité de Maastricht, à la Bundesbank, à la mondialisation, les gens éprouvent le sentiment d'être pris dans des engrenages inaccessibles et abstraits. Troisième trait : tout échoue dans la sphère sociale et politique. Ce sentiment est souvent aggravé par le sentiment d'échec personnel. Dernier trait : tout doit changer. Le refus de l'insupportable, la conscience du désordre dramatique de la société atteint un étiage très haut. Ces quatre traits, aussi contradictoires que profonds, cohabitent dans les mêmes esprits.
Claude Cabanes souligne que les révolutions constituent des séismes qui bouleversent pendant de longues périodes historiques les sociétés qui les ont vécus. Mettant en garde contre les visions mécanistes de l'histoire, il souligne que, s'il n'y a désormais pas de lois absolues pour nous, il n'y en a pas non plus pour les forces dominantes. Nous avons raison de refuser les scénarios écrits à l'avance, la stratégie de calendrier des postes qui déroule ses étapes vers un rendez-vous final. Nous savons, par contre, que quand les hommes ne s'occupent pas de leur histoire, ils en sont toujours les victimes. L'avenir commence maintenant, c'est là le cœur de notre stratégie.
Changer la société, c'est aujourd'hui qu'il faut s'en occuper ; c'est dans le cadre de cette conception du changement qu'il n'a pas apprécié ce qu'il appelle « l'impromptu de Saint-Étienne-du-Rouvray ». Certes, le temps où les dirigeants communistes faisaient figure de clones récitant tous la même chose est bien fini. Il lui semble néanmoins que lorsque l'ancien secrétaire général du Parti porte une appréciation sur ce que dit ou fait la direction collective et le tout nouveau secrétaire national, c'est un événement particulier, perçu comme tel par les communistes et dans le pays. Et ce fait politique, la critique de « l'opposition constructive », lui est apparu négatif pour plusieurs raisons. D'abord il jette le doute sur la politique communiste aujourd'hui. Par ricochet, il jette le doute sur la campagne de l'élection présidentielle. Et, en dernière instance, il jette le doute sur le travail de rénovation que nous avons entrepris. Surgit logiquement une question : cette périphérie signifie-t-elle qu'une lutte s'engage pour contrarier le cours nouveau que le Parti continue de défricher ? Question d'autant plus angoissante qu'il y a état d'urgence pour pousser les feux de la rénovation communiste et disposer de toutes nos armes nouvelles.
Naturellement, l'attachement fétichiste à une formule est d'un autre âge. Mais Claude Cabanes tient à ce que recouvrent les deux mots « opposition » et « construction », et du même coup à un troisième qui en est la conséquence : « rénovation ». L'opposition ? Qui doute que nous en soyons ? Parce que nous sommes des anticapitalistes, parce que nous avons une conception de classe de la société, parce que notre identité c'est de se soucier du sort de chaque homme et de chaque femme de ce pays, et que nous les défendons bec et ongles contre tous ceux qui les oppriment et les exploitent. J. Chirac ou A. Juppé qui lisent « l'Humanité » chaque matin, n'en doute pas, pas plus qu'ils n'en doutent lorsqu'ils entendent Robert Hue à la télévision. Mais nous avons constaté à notre 28e Congrès que s'opposer et proposer ne suffisaient pas que la stratégie de la tranchée avait atteint ses limites, sociales puisque le sort du peuple français continuait de se dégrader, politiques puisque l'immense majorité des électeurs ne se reconnaissaient pas dans cette façon de faire, historiques puisque le capitalisme ne risquait pas de s'évanouir un beau matin dans les espaces infinis. Nous avons donc décidé de faire mouvement dans la société, telle qu'elle est, dans le tissu de ses contradictions, de ses faiblesses, de sa complexité, de sa modernité, de ses archaïsmes. Dans ce mouvement se rejoignent notre politique, nos valeurs, et notre vision communiste du monde d'aujourd'hui. C'est d'ailleurs la nouveauté de notre démarche qui a créé le plus d'attention et de curiosité au cours de la campagne présidentielle. Le peuple français sait qui nous sommes et il attend de voir ce que nous devenons. « La droite ne fera jamais une politique de gauche. C'est vrai », conclut-il pressé par le temps. Il y a deux gauches, nous le savons et nous y tenons. Il y a aussi deux droites, l'une plutôt vichyste, collaborationniste, colonialiste, pro-américaine, européenne, cléricaliste, moraliste, et l'autre plutôt nationaliste, autoritaire, populiste. Je ne dis pas cela pour décerner des bons points à l'une ou à l'autre, car il y a des ingrédients communs, notamment le service de l'affairisme. Je pense que notre posture à l'égard du gouvernement depuis le mois de mai, porteuse d'opposition et de finesse politique, a contribué à ce qu'un nombre croissant d'électeurs de Jacques Chirac qui, aujourd'hui, tombent de l'armoire, jettent un regard intéressé sur le Parti communiste. Où vont-ils aller ? Construire, c'est travailler à un grand mouvement d'opposition progressiste, à une alternative politique, c'est aussi travailler à une nouvelle espérance.
Francis Wurtz, suite aux remarques de Claude Cabanes, indique pour sa part qu'il apprécie la façon dont le rapport revient sur l'opération médiatique qui a entouré les journées parlementaires du groupe communiste. Il apprécie que le rapport réaffirme le caractère novateur et constructif de notre politique, et que la direction du Parti, unies, confirme les choix affirmés par le 28e congrès et Robert Hue.
Francis Wurtz indique sa satisfaction sur le lien intime entre action et débat d'idées développé par le rapport de Jean-François Gau. Il s'agit bien, en se plaçant sur le terrain de la perspective politique, de permettre aux potentiels de se déployer pleinement et, dans le même temps, d'éviter les risques.
Concernant l'Europe et la proposition de lancer une pétition pour demander un référendum et une consultation nationale autour de la conférence intergouvernementale de 1996, il souligne la grande portée que peut avoir cette initiative. Elle peut donner lieu à grand débat politique sur le bilan du marché unique et du traité de Maastricht, tout en permettant de faire grandir des propositions alternatives pour la construction européenne. Elle peut constituer, comme en 1992, une riche expérience démocratique pour notre peuple. Il n'est pas indifférent que le PCF soit le parti qui rende accessible un espace d'intervention jusqu'ici hors de portée des citoyens. Enfin, elle peut permettre d'obtenir des résultats. Les conditions existent pour mettre le pouvoir sur la défensive, d'autant que les décisions de la conférence intergouvernementale seront prises à l'unanimité des États et qu'il ne pourra donc fuir ses responsabilités. Que souhaitons-nous obtenir ? Avant tout, que les aspects les plus contestés du traité de Maastricht – tels que les critères de convergence invoqués pour réduire les « dépenses publiques et sociales » – ne soient pas exclus de cette conférence, mais puissent tout au contraire être remis en cause à cette occasion, Francis Wurtz a ensuite réaffirmé le besoin de solidarités de développement en Europe, dans une optique nouvelle, de transformation positive de la construction européenne. Francis Wurtz indique qu'en la matière nous participons à de nombreuses initiatives européennes, avec les neuf partis qui composent le groupe auquel nous appartenons à l'Assemblée de Strasbourg ; avec d'autres forces progressistes, et en prenant des initiatives communes avec le parti de la refondation communiste en Italie, le PDS allemand, le Parti de gauche en Suède…
Francis Wurtz souligne qu'en matière de propositions, notre travail est loin d'être achevé et nos actions sur le terrain ne sont pas encore au niveau. Il indique qu'une évaluation de nos acquis et de nos lacunes va être effectuée afin de prendre les initiatives nécessaires. Cela passe également par des débats avec d'autres acteurs travaillant sur ces questions de l'Europe, comme le colloque organisé par l'association Confrontations, animée par Philippe Herzog, auquel nous participons prochainement.
Rémy Auchède relève tout d'abord que le Président de la République et le gouvernement battent tous les records d'impopularité, un phénomène qu'il analyse comme l'effet de la prise de conscience des contradictions existant entre les promesses et les actes. Notant que la campagne électorale avait déjà présenté un caractère inédit avec un certain développement des luttes – ce qui n'avait pas été sans effet sur les discours –, l'orateur souligne que l'objet des mouvements sociaux d'aujourd'hui est à rechercher du côté de la volonté de « modifier les actes et non plus les mots ». S'agissant de ces actions, Rémy Audeché pointe une série de problèmes.
Tout d'abord, la nécessité de « ne pas être en-deçà du mouvement ».
Il explique que trop souvent, « l'action en bas se traduit pratiquement par l'action zéro ». Il y a sans doute des mouvements à définir de manière plus globale. Notre stratégie n'efface-t-elle pas le rôle des directions ? En second lieu, il estime nécessaire de mieux articuler les « luttes de classes et la prise de conscience politique ». Pour Rémy Audeché, qui ne trouvait rien à redire au « concept d'opposition constructive », ce qui s'est dit dans les médias à propos des journées parlementaires du PCF relève d'une « lamentable opération » : l'opposition constructive, affirme-t-il, « nous la pratiquons depuis longtemps ».
Qui a « pollué ce concept » ? L'orateur estime qu'il s'agit d'abord de la presse – y compris, pour partie, de « l'Humanité » – et surtout du Parti socialiste qui ne « veut pas de débat, encore moins de débat qui soit porté par les luttes », et qui souhaite garder les mains libres pour une simple alternance. Rémy Audeché poursuit en indiquant qu'il juge insuffisant les efforts faits par le Parti pour combattre la politique de la droite : « On doit dire et faire beaucoup plus. » De la même manière, il juge insuffisant « ce qui est fait du côté du rôle du PCF et de ses organisations, du côté d'une riposte de plus grande ampleur à la politique actuelle, du côté de la présentation de propositions pour une autre conception de la société, le socialisme ».
« Je crois que la proposition du Forum ne répond pas totalement à la situation. Celui-ci est nécessaire, mais pas suffisant », ajoute Rémy Audeché qui souhaite que le Parti soit beaucoup plus directement utile aux gens et aux travailleurs. De même, « quitte à passer pour léniniste », l'orateur souhaite-t-il que « beaucoup plus d'attention soit accordée au Parti lui-même, à la vie de ses cellules, à son activité à l'entreprise ».
Paul Boccara évoque d'abord deux aspects contradictoires du Congrès Marx international de Nanterre. C'est, d'une part, le début de renouveau des idées de Marx en France et en Europe. Et, d'autre part, sous une couverture gauchisante, des tentatives pour faire passer des idées venant des États-Unis, liquidatrices de l'âme révolutionnaire du marxisme sous prétexte de la déplacer, par exemple sur le marché éternel garant de la justice et de l'équité.
Il y a un début de remontée du Parti communiste, avec ses efforts nouveaux de créativité offensive, les propositions de Robert Hue sur l'utilisation de l'argent pour l'emploi à la présidentielle. Il les a développées en juin 1995 en proposant d'utiliser, pour les déborder, les comités départementaux pour l'emploi, activés par Juppé dans des visées réactionnaires et intégratrices afin de faire des propositions d'emplois et d'utilisation de l'argent public privé ou du crédit. Cela a mis en difficulté le Parti socialiste qui se livre à une opposition véhémente en paroles mais superficielle au fond, attentiste des élections de 1998, respectueuse des critères de rentabilité financière et des exigences de Maastricht. Cela explique la campagne médiatique pour dénigrer et discréditer notre politique offensive, en faisant croire qu'avec nos propositions pour rassembler et arracher des résultats, nous serions gentils pour el pouvoir. C'est le sens du tapage médiatique fait sur la formule d'« opposition constructive ». Cette formule n'est pas bonne. Et ce n'est pas la formule qu'a employée Robert Hue qui dès juin 1994 a parlé à juste titre de « protestation constructive », ce qui n'est pas du tout la même chose et qui veut dire construire de façon indépendante à partir de la protestation des gens. Pour caractériser notre ligne offensive, il ne suffit pas d'indiquer : on ne dit pas non à tout. Nous proposons des constructions sociales nouvelles, à partir des luttes et des aspirations des travailleurs et des gens. Déjà, les luttes pour le contrôlé des fonds pour l'emploi ont progressé dans plusieurs fédérations.
À propos du Forum national, il convient d'articuler les interventions et luttes populaires avec le débat d'idées. Nous avons une grande responsabilité pour faire avancer nos propositions, par notre presse, par des dossiers, par un effort d'éducation dans le Parti, par des informations de toutes sortes.
Paul Baccara souligne que l'emploi est le chaînon principal. Il ne suffit pas de parler de réduction de la durée du travail. Sur les luttes sur l'utilisation de l'argent sur l'emploi, il souligne leur aspect politique, avec la création de nouveaux pouvoirs d'intervention. Il insiste sur l'importance de notre proposition de « modulation » des cotisations sociales patronales faisant payer plus ceux qui font moins de salaires par rapport à leurs profits d'exploitation et financiers. Fiscaliser comme le propose Chirac, cela veut dire taxer surtout les salaires sur qui pèse la grande majorité de l'impôt.
Au sujet de l'Europe, il inique que la bataille sur l'argent pour l'emploi est à mener dans des luttes solidaires à l'échelle européenne. Elles peuvent s'articuler à la lutte contre la monnaie unique et Maastricht, pour une coopération monétaire européenne entre nations souveraines et associées. Chirac veut se placer en Europe avec la force de frappe et son européanisation. Mais il se trompe d'une guerre. Il y a, notamment de la part des États-Unis, une guerre économique et informationnelle (sur l'idée de la nécessité du marché sans frein). Au contraire, il s'agit de maîtrise les marchés.
Sylviane Ainardi approuve l'articulation du rapport de Jean-François Gau en deux parties, l'une qui revient sur les évolutions de la situation depuis quatre mois, l'autre sur la mise en œuvre du Forum national pour inventer un autre avenir. A-t-on changé de période, et en quoi ? Oui ou non, peut-on parler de situation nouvelle et pourquoi ? Le besoin de changement qui parcourt notre société est un point de départ indispensable. Cela détermine tout à la fois la stratégie en cours, les contradictions auxquelles est confronté le gouvernement Chirac-Juppé, et cela nous oblige à beaucoup d'efforts politiques pour être à la hauteur de cette situation.
L'oratrice apprécie également que le rapport revienne tout à la fois sur le potentiel et les risques. En effet, si on ne parle que de l'aspect « potentiel » – et il est réel –, on ne se fait pas comprendre. Ce que vivent les communistes comme la majorité de notre peuple, c'est l'aggravation de la situation de l'emploi, de l'école, du logement, les difficultés de fin de mois, l'angoisse pour la famille, pour les enfants… Il y a une difficulté réelle à traduire positivement l'aspiration au changement. Pourtant elle existe, elle traverse toute notre société, mais elle a du mal à être formalisée. D'où le risque né de l'amertume et du sentiment qu'il n'y a pas d'issue, accru par le fait que toutes les forces politiques travaillent sur ce terrain.
Sylviane Ainardi souligne que si beaucoup d'efforts sont demandés aux communistes, ils ne sont pas pour autant démunis pour affronter cette situation. Chaque situation impose qu'on fasse le lien entre les questions immédiates et les enjeux de société. Il y a un besoin objectif de faire de la politique autrement. Aider le mouvement populaire à dépasser le constat, c'est bien inventer la nouvelle période politique en donnant l'aliment qui fait encore défaut, en donnant l'espoir, et cela, pas de façon incantatoire. La situation politique nous oblige à déployer toute notre démarche en articulant action, propositions, et débat pour l'avenir. L'oratrice rappelle ici la façon dont notre candidat a porté pendant la campagne de la présidentielle une lecture plus claire et plus nette du Parti communiste, de son ambition et de la nature de ses changements.
Sylviane Ainardi illustre cette démarche à propos de la jeunesse. Cette génération vit plus mal que la précédente. Les jeunes expriment, davantage que d'autres, la crise de la politique, avec un rejet et une interrogation au fond très politique sur leur place dans la société, sur leur avenir, sur le système lui-même. Ils sont enfin au cœur de tous les défis de la période : quelle école, quelle formation à l'aube du XXIe siècle, quel travail, quelle limite pour l'argent, quelle place pour l'homme, quelle citoyenneté, quel monde. S'efforçant d'expliquer pourquoi cette génération s'investit si peu en politique, elle pose la question : que veulent-ils donc ? Elle cite leur incertitude et leurs angoisses, leur présence au cœur de tout ce qui a muté dans la société, leur perte de repères, leur dégoût des mécanismes de la vie politique et médiatique qui ont atteint un paroxysme dans le politicien. Elle démontre la portée de ce qu'on engage avec eux, à propos de la question de l'école et de la formation ou de la question du travail. Et conclut : avec les jeunes, c'est toute la problématique posée par le rapport d'une société en régression ou d'une société en progression qui est en jeu. Ils sentent confusément qu'ils sont au centre de défis qui les dépassent et, en même temps, il y a une possibilité de les faire participer à l'élaboration d'un projet transformateur, à partir de valeurs dont nous sommes porteurs et qui les font se déterminer contre telle ou telle mesure ressentie comme injuste, telle ou telle cause ressentie comme décisive. Sylviane Ainardi reste lucide sur les difficultés et souligne que la (...), le débat et les perspectives ne sont pas trois moments séparés.
Annick Matighello juge nécessaire de s'interroger sur les origines et les raisons de la campagne médiatique autour de « l'opposition constructive ». Elle note que cette formule a suscité des interrogations, des interprétations dans le Parti. Mais elle estime stérile de se déterminer sur une formule alors qu'il convient de discuter du contenu de notre démarche. La campagne médiatique tente de jeter le trouble dans notre électorat et dans le Parti en accréditant la thèse d'une complaisance de notre part à l'égard de la droite, en escamotant les grands débats de société que nous avions soulevés pendant les élections, en cherchant à affaiblir la direction du Parti. Elle note le rôle joué par le Parti socialiste qui prône l'alternance en 1998 mais poursuit son soutien à la politique de Maastricht et rêve d'une position hégémonique sur toute la gauche. Nous sommes pour lui gênants car nous sommes le témoin vivant du pluralisme de gauche. Quant à la droite, toute occupée à opposer et diviser les victimes de la crise, elle serait heureuse de nous neutraliser.
Annick Matighello indique que les communistes du Nord ont décidé de lancer un grand forum d'action sur l'emploi. C'est dans le Nord, qui compte 180 000 chômeurs, 24 000 CES, 49 000 RMIstes et 50 % de familles non assujetties à l'impôt sur le revenu, une urgence sociale et humaine. À l'opposé, 4 369 familles disposant d'un revenu moyen de 15 millions de francs paient l'impôt sur les grandes fortunes et 13 familles possèdent un patrimoine professionnel supérieur au milliard de francs. Le mécontentement, la colère, l'aspiration au changement grandissent dans le département grandissent dans le département. En nous appuyant sur l'action nous devons tout faire pour favoriser l'ouverture d'une perspective neuve. Sinon, en 1998, de nouvelles déceptions, une alternance sans rupture véritable, un nouveau progrès de Le Pen et des abstentions… tout cela est possible.
Concernant l'emploi, Annick Matighello note que toutes les démarches mises en œuvre vont dans le même sens de l'adaptation à la crise, qu'il s'agisse de l'orientation donnée par le préfet à la commission départementale pour l'emploi, des assises régionales lancées par Marie-Christine Blandin, du programme de création d'emploi précaires annoncé par Pierre Mauroy et Martine Aubry. Pour contrer cela nous devons déployer une pédagogie de l'action, du dialogue en multipliant les contacts, en privilégiant la construction en bas du Pacte unitaire.
Pierre Zarka note, à propos de l'aspiration au changement, que celle-ci – majoritaire et diversifiée – ne se confond pas avec « la perception des conditions de ce changement ». Mais la question posée est bien : comment changer la société ? Nous ne pouvons pas fournir de réponses qui se situent en deçà de cette question, sous peine de ne pas répondre aux questions. Le meilleur moyen de résister aux mauvais coups n'est pas « seulement d'y résister, mais de dégager à chaque moment une réponse alternative à celle du pouvoir ». Ainsi, peuvent naître autant de réformes porteuses de justice et d'efficacité.
Pour l'orateur, les problèmes urgents et le débat de fond sur une autre politique se superposent. « Je pense que nous avons encore du mal à tirer toutes les conclusions de cette idée du 28e Congrès, selon laquelle les questions immédiates appellent des débats de fond. Et parfois, dire qu'il faut faire les deux nourrit une espèce de hiérarchie dans le temps entre les problèmes concrets et le débat de fond. Le fait est qu'il ne suffit pas « de dire non pour gagner ». Par exemple, pour lutter contre la CSG et obtenir un autre financement du déficit de la sécurité sociale, il faut aller chercher la réponse dans le débat de fond : argent spéculatif… « On ne rassemblera pas seulement sur l'énoncé d'autres propositions, mais sur les preuves qui valideront ces propositions. » La démonstration a été faite avec l'impact très large de la proposition des 1 000 francs lancée par Robert Hue que nous pouvons faire à chaque fois une double démonstration : la justice sociale est le moyen de développer la société ; nos réponses sont des réponses pour maîtriser le devenir de la société, permettant de combler une part de l'écart entre une cote nouvelle de sympathie et le vote.
Le débat ainsi engagé nous conduite, au rythme des gens, sans rien forcer, aux perspectives politiques et au communisme. « C'est à la perception de notre projet que les gens percevront notre identité. » Cette démarche peut aussi empêcher le Parti socialiste de pouvoir compter jouer sur une exaspération sans contenu, qui nourrirait, dans le même mouvement, l'alternance au profit de l'enfoncement de la société dans la crise. Si nous persistons dans cette orientation, le PS ne pourra pas maintenir la sienne. « C'est cela être constructifs. Nous ne pouvons pas dire que cela nous avons vraiment toujours fait cela. Dans le même temps, cette démarche implique de revoir ce que nous entendons par action. On ne peut pas répéter aux communistes qu'il faut agir sans lever les obstacles ni devant l'action. D'une manière générale, il n'y a pas d'action sans une intervention idéologique de haut niveau à partir des problèmes les plus immédiats qui sont posés.
Ce qui est proposé, ce n'est pas d'un côté, soutenir des luttes que d'autres sont capables de bien mener et d'un autre côté, animer des débats sur un devenir de la société tout aussi lointain qu'hypothétique, mais c'est bien de construire « avec les Français dans la vie quotidienne, à chaque moment, les clés qui permettent de comprendre la réalité, de donner un sens aux événements. Mais aussi les clés qui permettent à la fois de dégager des solutions, et ce qui les rend envisageables et possibles en trouvant dans la vie politique les moyens de faire triompher de telles mesures. En étant sur le fond, nous sommes donc au cœur de l'urgent ».
Qu'attendre de « l'Humanité » quotidienne et de l'« Humanité Dimanche »? Pour Pierre Zarka il s'agit tout d'abord de répondre aux besoins d'arguments : « Les gens n'écoutent pas un discours qui leur dicte ce qui est juste, mais ils veulent s'approprier ce qui est à leur yeux – et à juste titre – leur propre raisonnement. Ils sont donc à la recherche de démonstrations, de preuves, et non pas d'affirmations. » L'information, les faits, les chiffres ne sont jamais neutres. Ils ont en eux-mêmes une charge transformatrice. C'est d'ailleurs de ces faits que nous tirons nos analyses. Ils sont le moyen, à la fois de nourrir de grands débats, de favoriser la capacité de raisonnement en l'inscrivant dans une actualité qui est vérifiable et la même pour tout le monde. « L'analyse qui s'en dégage n'apparaît plus issue de présupposés partisans, mais bien comme une conclusion qui peut découler de cheminements à la portée de tous. »
Pierre Zarka ajoute qu'il ne s'agit pas seulement, avec nos titres, de parler du rassemblement, « mais de faire vivre l'expérience des convergences possibles ». Nous avons besoin d'une presse qui soit un lieu de rencontre. Que des personnalités d'horizons divers porteurs de regards parfois contradictoires avec les nôtres s'expriment dans « l'Humanité » ne fait pas d'ombre à l'identité communiste. Au contraire, le croisement de nos propos respectifs montre combien des idées différentes et les nôtres propres peuvent se nourrir mutuellement. Il conclut en soulignant que la personnalité de l'« Humanité Dimanche » constitue un facteur d'élargissement dans la perception de notre politique : « La vente de masse des 20, 21 et 22 octobre sera un grand moment de lancement du débat que nous voulons impulser.
Yves Dimicoli note que le ralentissement mondial de la croissance, les pressions financières viennent frapper précocement la reprise, alors que le chômage et la précarité font rage. La recherche d'une compétitivité contre l'emploi devient obsessionnelle chez les patrons, alors que s'accentuent les gâchis de la croissance financière et la guerre économique. De grands industriels français s'émeuvent des difficultés de notre appareil productif, des grands patrons bancaires s'émeuvent de la concurrence suicidaire entre institutions financières, mais c'est aussitôt pour exiger plus de baisse du coût du travail, plus de cadeaux fiscaux, plus de soutien aux profits. Face à cela que convient-il de faire ? Le rapport de Jean-François Gau nous invite à déployer avec esprit offensif notre démarche d'ouverture, pour favoriser l'intervention et frayer les voies de solutions et d'unions nouvelles. Nous voulons à la fois arracher des succès immédiats et construire une issue progressiste avec les gens. C'est une démarche constructive parce qu'elle cherche à placer les populations à l'offensive pour imposer du neuf. Yves Dimicoli souligne les contradictions dans lesquelles est pris le gouvernement, les énormes pressions du patronat. Face à cela Chirac et Juppé prétendent continuer à tenir leur ligne contradictoire mais sont contraints de découvrir toujours plus au grand jour leur ancrage réactionnaire. Quant aux dirigeants socialistes il est tragique de voir certains d'entre eux donner raison aux marchés financiers, rivaliser avec les dirigeants allemands pour stigmatiser l'insuffisance diminution des dépenses publiques.
Pour notre part nous devons déployer beaucoup de créativité dans trois grandes directions. Premièrement, alors que Juppé prétend s'engager sur des objectifs d'emploi, et mettre en en place des chartes régionales et de branches, nous ne devons pas laisser déléguer la définition des objectifs d'emploi aux préfets et aux patrons. Nous devons rassembler, aider à l'intervention pour mener un travail d'inventaire des besoins d'emploi. Deuxièmement, nous devons amplifier la bataille pour une autre utilisation de l'argent et agir pour instituer des comités de contrôle de suivi et d‘intervention sur l'utilisation des fonds pour l'emploi. Le gouvernement a proclamé que tout engagement de fonds publics doit désormais être jugé à l'aune de résultats en matière d'emploi, exigeons que l'on rende des évaluations publiques et pluralistes. Troisièmement, il s'agit de favoriser l'intervention des salariés dans la gestion des entreprises pour stopper le chantage à la baisse du coût du travail, traquer les coûts en capital, dénoncer les gâchis d'investissement, la sous-utilisation des équipements, le poids des charges financières. Enfin, Yves Dimicoli note qu'il nous faut plus que jamais articuler notre bataille nationale à l'enjeu si crucial de la coopération de luttes en Europe, pour que l'argent aille à l'emploi, pour faire la guerre à la guerre économique.
Rolande PERLICAN affirme d'emblée que nous sommes dans une situation où le recul de la droite dans l'opinion était prévisible. Les attaques du gouvernement contre les conquêtes sociales sont considérables : sécurité sociale, retraites, salaires, des milliers de licenciements ; Nous n'en sommes pas étonnés. La droite a des intérêts à défendre, les profits capitalistes, Maastricht. Il s'ensuit que la question des législatives de 1998 est déjà posée par le PS. Mais derrière la revanche à prendre des socialistes, il y a l'alternance ; Que veulent-ils faire comme politique ? Ils sont pour Maastricht, ils ne proposent pas de solution qui leur permettre de faire une politique différente sur le fond de celle de la droite. La question posée est donc : qui capte déjà, et qui captera, la volonté de changement l'inquiétude ? Le Pen ? C'est un grave danger qui se développe. Nous avons à réfléchir à comment être encore plus la force anti-Le Pen. L'abstention peut aussi continuer à se développer. La droite ? Chirac est là pour sept ans, il peut encore capter les désillusions en faisant des alliances, même si sa cote baisse. Quant au Parti socialiste, avec sa ligne actuelle, il n'a pas de solution aux problèmes posés au peuple, au pays.
Ce qui peut faire bouger les choses, c'est l'intervention efficace des gens. Cela pose la question de la qualité du combat, de l'union, pour obtenir des résultats dès aujourd'hui. Ne subordonnons pas les luttes aux élections de 1998. Il y a urgence et ce que nous faisons aujourd'hui aura des conséquences pour demain. Il y a un risque avec le PS. Il entend être hégémonique et se servir de nous comme élément d'appoint pour installer son alternance. Nous voulons autre choses : nous voulons aider à l'intervention unie pour une autre politique, pour une autre société. Le changement de société n'est certes pas à l'ordre du jour, mais c'est aujourd'hui que se posent déjà toutes les questions du changement. Notre problème est de grandir en influence. Cela signifierait le développement de l'union sur une base transformatrice. Alors, comment grandir ? En étant sur le terrain et en y étant les meilleurs pour des luttes grandes et petites ; Il faudrait aussi que le Parti sente une impulsion plus forte de sa direction. Enfin, nous devons organiser le débat indispensable. Action et action idéologique vont de pair. Là aussi, le parti a un rôle que lui seul peut avoir. Dans la période qui s'ouvre, c'est l'intervention des gens qui va compter. Il n'y aura aucune issue hors des luttes, la lutte de classe – qu'on le veuille ou non – est imposée par la réalité. Il ne convient pas de jeter l'idée de lutte de classe au moment où elle a plus de force que jamais, en France et dans le monde. C'est une évolution historique de cette période.
Jacqueline Fraysse-Cazalis intervient sur la nécessité d'avancer dans la rénovation pour répondre aux attentes de notre peuple et instruire des rapports nouveaux entre le Parti et la société, afin de se donner les moyens du changement. Elle cite en exemple la bataille électorale qu'elle a menée à Nanterre.
Des « Cahiers pour la ville » sous forme de questionnaire bilan réflexions-perspectives avaient été distribués il y a un an. Il s'agissait de proposer concrètement un cheminement neuf susceptible de créer une dynamique populaire où le citoyen soit acteur et décideur. Autrement dit, ces « cahiers » ont été conçus pour être les supports d'un dialogue visant à clarifier le plus possible le débat sur les enjeux et les objectifs de lutte. Les camarades, dans leur immense majorité, doutaient de la possibilité de mettre en œuvre concrètement une telle démarche et du bénéficie à en attendre. Divers arguments ont été avancés : cela ne sert à rien, il faut d'abord construire notre programme puis le soumettre à la population, c'est trop long à lire et à remplir pour les gens, trop difficile, pourquoi interroger sur certains sujets comme la police municipale puisque nous sommes contre… Un débat tranquille sur la pratique nouvelle impliquée par la démarche a eu lieu. Le résultat a été un succès. Succès d'abord pour les communistes qui, en travaillant avec la population, ont mesuré par eux-mêmes l'intérêt et la qualité de la démarche, leur aptitude à la conduire de bonne manière. Les autres forces politiques, réticentes au départ, n'ont pas pu rester en dehors et ont finalement, pour la première fois, rédigé avec nous le programme. La population, enfin, a reçu notre démarche comme une marque de confiance à son égard. Les gens ont été pris en considération et nous ont dit leur satisfaction. Il faut dire que nous avons mené la bataille des municipales en prenant appui sur l'image nouvelle que les communistes ont donné d'eux-mêmes pendant la campagne de la présidentielle. Tout ce que nous avons mis en mouvement ainsi constitue une source de réflexion utile sur les initiatives qu'il convient de prendre afin de lancer en grand la démarche du Pacte unitaire pour le progrès. Je partage l'idée qu'il ne faut pas craindre d'innover et que la prise de risques calculés – risque de ne pas avoir toujours raison, risque d'apprendre, et de prendre en considération – permet de progresser.
Alain Bocquet fait trois remarques. À propos d'alternance et d'alternative il souligne qu'il ne faut pas en rester aux mots. Le rapport permet précisément de donner un contenu à nos propos. C'est un débat de fond décisif, car la bourgeoisie est confrontée à l'application de la politique de défense de ses intérêts dans le cadre défini par Maastricht et son personnel politique s'use très rapidement. L'idée d'une alternance avec une cohabitation comme cela s'est déjà produit peut l'intéresser afin de poursuivre sa politique. Tous ceux qui ont appelé au « oui » à Maastricht peuvent se retrouver pour l'appliquer. L'idée de référendum sur les enjeux européens me paraît une des clés pour éclairer le problème de l'alternative. Il fait observer que tout va aller très vite. Les législatives sont dans trente mois. Et la première solution qui apparaît aux gens serait de changer d'équipe sans pour autant changer de politique. À cette impasse s'ajouterait celle que représenterait le renforcement de Le Pen.
Nous devons décliner nos travaux, exprimer simplement notre politique auprès des gens afin de pouvoir élever le débat. Il faut s'appuyer sur ce qui a été engrangé pendant la campagne présidentielle dans notre critique de la société et du pouvoir et avec nos propositions concrètes dont l'écho a grandi dans le pays. Nous devons être très vigilants. Exemple : deux lois préparent l'application du mode d'élection municipale aux élections régionales – la liste arrivée en tête aura la majorité – et l'application aux législatives de la règle de deux candidats seulement pour le second tour. Ce serait une atteinte considérable à la démocratie et une façon de structurer encore cette notion d'alternance. De même, nous devons être attentifs au Parlement comme partout à être les porteurs de la colère des gens.
D'autre part, il faut bien mêler action, débat, rassemblement dans le même mouvement ainsi que le dit le rapport. Autrement le débat peut très vite être desséché. Ou bien l'action purement revendicative restée limitée.
Enfin, il évoque la réunion des parlementaires communistes à Saint-Étienne-du-Rouvray pour observer qu'entre ce qu'on a vécu et ce qui en a été dit, cela n'a rien à voir. Il faut se garder de réactions microcosmiques. On ne veut évidemment pas que notre politique nouvelle aille de l'avant. Et on en verra d'autres. Notre position est claire. Nous sommes sans illusions sur Juppé, sur cette majorité. Nous avions dit en mai et juin que nous jugerions sur pièces : le débat est là et les formules sont piégées ; On l'avait déjà vu avec « globalement positif ». Il faut réagir avec sang-froid.
Danielle Sanchez situe ce Comité national dans la filiation de celui de juin, avant de faire état de la fête organisée par les communistes de Saint-Denis, centrée sur la multiplication d'initiatives autour des questions de l'emploi et du contrôle des fonds publics. Lors de cette initiative et dans sa préparation, 175 personnes ont décidé de donner leur adhésion au PCF, 130 au Mouvement de la jeunesse communiste. Qui sont-ils ? « 62 % sont des hommes, 38 % des femmes, 58 % ont entre 17 et 30 ans, 28 % sont des chômeurs, 40 % des ouvriers, 17 % des lycéens ou des étudiants »… Cette initiative montre tout le potentiel que recèle notre démarche nouvelle, dont l'axe majeur est de permettre à tout moment l'intervention des salariés et des citoyens sur toutes les questions qui les concernent.
Au fond, poursuit Danielle Sanchez, il s'agit « de permettre tout à la fois aux gens de mettre à profit la moindre contradiction pour obtenir des améliorations immédiates, et d'ouvrir avec eux le débat sur le contenu d'une alternative, en rendant les objectifs du changement accessibles au plus grande nombre ». Ce doit être là « l'objet central du débat politique », poursuit l'oratrice qui note avec intérêt les propos du président de la CGC, marc Villebenoît, faisant part récemment dans « L'Humanité » du ras-le-bol des cadres et évoquant la nécessaire intervention des salariés. Elle ajoute que l'aspiration au changement évolue, de manière diverse, voire contradictoire, et qu'avec la Forum, il s'agit de déployer en grand la mise en œuvre de toute notre démarche politique.
Revenant sur les motivations des personnes qui ont rejoint le PCF, Danielle Sanchez note, chez elles, « la recherche d'actes utiles pour faire bouger immédiatement les choses », ainsi qu'une meilleure perception du rapport de forces. « Il y a un regard nouveau sur notre parti, singulièrement depuis l'élection présidentielle qui a agi comme un stimulant ». Dans le même temps, nous ne devons pas sous-estimer la tentative par les autres forces politiques de prendre en compte l'aspiration au changement, qu'il s'agisse des milieux dirigeants ou, de la part du PS, de la volonté de ne pas formuler de proposition de changement réel, en visant une simple alternance.
S'agissant du PCF, Danielle Sanchez met en valeur sa volonté de contribuer à de nouveaux rapports entre la société et les forces politiques, en proposant « aux gens d'être acteurs ». Elle ajoute que, pour elle, l'une des questions centrales qui doivent être mises en forum est celle du travail et de l'emploi : où peut-on prendre l'argent ? Qui doit payer ? Peut-on aller vers une société de plein emploi ? Quel avenir pour les services publics ? Le problème, dans tous les cas, est de construire des initiatives qui permettent à chaque communiste et à chaque cellule de prendre place dans cette construction. Elle conclut en indiquant que la section de Saint-Denis a décidé d'engager une campagne de cinq semaines d'abonnement à « l'Humanité » quotidienne, en direction des communistes mais aussi des électeurs de Robert Hue.
Liberto Civit exprime son accord avec le rapport de Jean-François Gau, qui doit permettre aux communistes de déployer toutes leurs capacités d'intervention. Schématiquement, il distingue deux périodes depuis le 28e Congrès. Tout d'abord, une phase d'appréciation de la novation dont celui-ci est porteur. Qu'il s'agisse du renouvellement de notre conception de la politique ou notre rapport à la société. En second lieu, l'importance du premier tour de l'élection présidentielle, un peu occultée par le résultat de Lionel Jospin au second. Qu'exprimait-il ? La puissante expression de mécontentement et de changement que Jacques Chirac a su capter pour une part ; un morcellement du paysage politique avec l'expression d'un pluralisme nouveau à gauche, mais aussi à droite ; et, dans ce contexte, un progrès de 2 % et de 600 000 voix pour le PCF. Nous vivons aujourd'hui une situation qui est toujours marquée par ces caractéristiques.
Ainsi, aux élections municipales, 24 % des municipalités de Seine-et-Marne sont passées de la droite à la gauche ou de la gauche à la droite. 36 % des maires ont changé. Dans les luttes qui existent dans le département, on peut noter que vient avec beaucoup plus de force qu'auparavant la question de l'utilisation de l'argent. S'agissant de la diffusion de la vignette de la Fête de l'Humanité. Liberto Civit note que la vente militante est équivalente à celle de 1994. Quant aux élections sénatoriales, elles confirment, à leur manière, le fait qu'il y a un regard nouveau porté sur le PCF, qui gagne 58 voix et 1,2 % chez les grands électeurs. Par ailleurs, lors d'une récente élection cantonale partielle, où le candidat communiste a maintenu son score de 1994, l'on note de profondes, inégalités selon le niveau d'activité des communistes : à Ponthierry, nous perdons 3 % ; à Dammarie, nous gagnons 2 % par rapport à 1994 et par rapport à l'élection présidentielle.
La démarche du Forum est encore balbutiante. Il s'agit maintenant de la faire vivre. C'est-à-dire de faire vivre tout à la fois notre opposition absolue à la loi du capital et notre ambition de construire avec les gens une société plus humaine. « Nous devons à la fois être force de protestation et force de proposition. « Nous devons à la fois mesurer les potentialités et les risques de la situation actuelle ; Et, dans cette situation, avoir un Parti qui puisse toujours être plus efficace au service des gens. » En conclusion, Liberto Civit fait part de la décision de la fédération de Seine-et-Marne de lancer une grande bataille – faite d'actions et de débats – autour du recensement des besoins d'emploi.
Thierry Foucault souligne que les évolutions intervenues depuis juin impliquent moins que jamais de changer de « ligne », comme on dit, au contraire, il s'agit de tendre tous nos efforts, sans se laisser disperser, pour mettre en œuvre notre politique avec esprit d'initiative, détermination et confiance. La réalité des mesures prises par la droite suscite un mécontentement profond, de la colère, mais pas automatiquement une prise de conscience de ce qu'il conviendrait de faire pour changer enfin de politique. D'où la nécessité de développer et de faire connaître nos propositions. La déception est telle que beaucoup peuvent se laisser aller à penser qu'l faut chasser la droite pour la remplacer par une gauche sans contenu. S'ajoute à cela l'inquiétude suscitée par le Front national. Les élections partielles tendent à prouver, on peut s'attendre à un tel réflexe lourd de la simple déception je ne sais quel retour de balancier qui conduirait spontanément à la mobilisation, à la conscience des moyens du changement. Prenant l'exemple de la nouvelle vague de privatisations avec Renault et la Compagnie générale maritime, il note qu'il y a également des obstacles à vaincre parmi les salariés. L'aspiration au changement est contrariée également par les déclarations de dirigeants du PS pour qui, si Chirac tourne le dos à ses promesses c'est parce qu'elles étaient irréalistes.
Les gens attendent de nous plutôt des réponses, des propositions, sur le plan économique, social, politique, qui permettraient la naissance d'un espoir d'amélioration tout de suite, de plus de confiance raisonnée pour construire un autre avenir que celui qu'on nous promet. Les thèmes du Forum devraient y aider, nourrissant l'intervention des communistes, confirmant avec éclat notre pratique d'aujourd'hui. Il suggère une réflexion plus poussée sur les questions : nation, Europe, monde, pour être en prise avec les évolutions dans les mentalités qui résultent de la part importante des entreprises détenues par le capital étranger.
Sur les questions de la sécurité et de la drogue, de la situation dans laquelle se trouvent les banlieues, qui joue de façon contradictoire en faveur du pouvoir et contre toute perspective si notre parti ne s'y déploie pas. Il serait bien, propose-t-il, d'avoir un groupe de travail ou de réflexion pour aider l'action à s'y développer. La fédération de la Seine-Maritime, indique Thierry Foucault, a pris la décision de rencontrer les directions de section pour examiner la démarche à mettre en œuvre, les obstacles, fixer les objectifs. En un mot, il s'agit d'aider. L'annonce du Forum national a suscité une attente, mais les interrogations sur ce qu'il sera et sur le comment faire. La Fête de l'Humanité montre des pistes associant des débats sur des thèmes majeurs, en même temps qu'enracinés dans le quotidien. La présence de débatteurs très divers, voire opposés, montre qu'il ne faut pas se limiter de ce point de vue. Le fait que nous soyons à l'initiative implique que nous exprimions nos idées et plus généralement notre identité actuelle.
Charles Marziani note que les attentes qui traversent la société, les besoins de changement qui s'y expriment, la persistance d'un flou sur la perspective, dessinent l'urgence et la nécessité d'une action politique de grande ambition. Il y a appel au débat politique en même temps que rejet de la politique politicienne. Ce sont la rémunération du travail, les conditions de travail, l'emploi, la vie urbaine, la sécurité, la capacité de se soigner, qui posent problème et qui sont au centre des préoccupations de millions d'individus. Mais c'est le rôle de l'argent, la place de l'homme, le type de productivité du travail, les rapports internationaux, la démocratie, qui sont de plus interrogés. Dans cette situation qualitativement neuve, avec expression massive d'un besoin de changement, d'activité forte, il nous faut saisir à la fois l'urgence d'intervenir et l'effort de contenu à donner pour que les communistes se rendent utiles.
Une alternative va nécessairement se produire. Sera-t-elle progressiste ? Cela dépendra des divers acteurs sociaux et politiques et de l'expérience que fera dans sa confrontation avec eux notre peuple. Or rien n'est joué, mais beaucoup va se jouer dans les mois à venir. Dans cette situation, il faut rendre plus perceptibles les stratégies des diverses forces politiques. Si tout ne dépend pas de nous, dans l'expérience que va effectuer notre peuple les limites communes aux stratégies des autres forces politiques résident dans la capacité de lucidité sur les causes et sur le contenu d'une politique alternative possible. C'est donc à l'intelligence et à la réflexion qu'il faut faire appel. Nous n'avons rien de bon à attendre d'une détérioration de la situation sociale et économique. De ce point de vue, la proposition d'orientation, opposition résolue, action pour arracher tout ce qui peut l'être et appel à la réflexion sur le contenu d'une autre politique, paraît à l'orateur la façon juste de se situer.
Trouver à chaque niveau les terrains utiles d'intervention, y impulser des initiatives visant à aider, à mieux saisir les capacités à répondre à cette double exigence d'urgence et de contenu, doit être au cœur de la mobilisation des directions.
Charles Marziani donne ici l'exemple des problèmes posés dans son département à l'aéronautique et au spatial, dont le devenir détermine l'avenir global du département. Le moment est à questionner la capacité de ces industries à intégrer des jeunes diplômés. L'idée que la privatisation n'est pas la solution est majoritaire. Mais de nouvelles questions se font jour : pourquoi l'État ne recapitalise-t-il pas ? Pourquoi un dépeçage avec participation de groupes français – Matra, Dassault, SEP – est-il proposé comme alternative industrielle ? Pourquoi sortir des principes de coopération qui ont prévalu pour Airbus ? Ces questions sont devenues le point de départ obligé de tous les débats et de toutes les recherches pour justifier la résistance, ouvrir la voie à des actions, à des mouvements d'opinion pourtours de propositions alternatives. Il y a non seulement les problèmes de financement, mais plus fondamentalement le type de coopérations en France et en Europe. Va-t-on se lancer dans la concurrence et dans la politique de guerre économique visant à soumettre les plus faibles, ou va-t-on résolument décider de partager les coûts de recherche, les coûts industriels, en s'appuyant sur les atouts de chacun, et en mettant en commun les compétences acquises ? On est là au cœur du débat sur l'instrument monétaire nécessaire à des coopérations véritables en Europe, opposées aux dominations en son sein et au diktat du dollar dans les échanges internationaux. Bien d'autres domaines peuvent être ainsi décortiqués. L'orateur termine sur la nécessité de donner à l'activité communiste une dimension nationale. « L'Humanité » et « L'Humanité Dimanche » joueront à cet égard un rôle décisif.
Henri Malberg indique comment, selon lui se présente la perspective de 1998. La droite connaît déjà un phénomène de rejet et celui-ci peut encore s'amplifier d'ici là. Le PS jouer une alternance de moindre mal, et envisage d'autant plus cette hypothèse si Le Pen aborde cette échéance avec l'ambition d'accéder au pouvoir. En ce qui nous concerne, si le mouvement populaire ne monte pas, si notre influence ne progresse pas, nous risquons de ne pas avoir les moyens de peser sur la situation. C'est le calcul de la droite, et celui des dirigeants socialistes. Mais la peur n'évite pas le danger et énoncer ces données n'apporte pas la solution. Alors, que faire ? Être réellement avec le peuple qui souffre, agir avec lui, est indispensable. C'est notre nature même. Mais cela ne peut suffire même si les gens nous félicitent d'être à leurs côtés. Avec le Forum et la démarche proposés par le rapport, l'idée est d'aller chercher avec les gens eux-mêmes les questions de fond pour mettre notre peuple en meilleure position de trancher les questions politiques. Il s'agit de marier indissociablement luttes, recherche d'autres issues et construction d'alternatives. Il ne s'agit pas seulement d'avancer des propositions mais c'est toute notre nouvelle stratégie qui est en cause.
Henri Malberg estime que la situation offre une nouvelle chance pour le Parti, encore faut-il s'en saisir. Les acquis de la présidentielle demeurent, ne sont pas retombés. Le front idéologique est favorable. Des milliers de gens qui comptent dans le débat d'idées ont quitté le terrain du consensus. Beaucoup de nos interlocuteurs nous encouragent à persévérer dans notre nouvelle démarche. Henri Malberg souligne enfin que, à ses yeux, la deuxième partie du rapport de Jean-François Gau, qui rassemble nos réflexions sur une dizaine de grands problèmes en débat dans la société, constitue un réel apport et correspond à une demande forte des communistes eux-mêmes.
Jean-Paul Magnon souligne que l'évolution de la situation politique, loin de nous faire changer de « ligne », la confirme au contraire. Elle ne désavoue pas notre secrétaire national (comme l'on dit certains médias) mais confirme sa capacité à impulser les orientations novatrices du Parti pour répondre aux exigences de notre époque. En fait, ce qui est visé par la campagne médiatique qui a commencé depuis la fin mai, c'est la dimension constructive de notre stratégie. Elle gêne les débats du PS qui refuse le débat de fond sur une véritable alternative à gauche. Par conséquent, il ne s'agit pas d'un débat sur les mots. Il est important de réagir et d'exprimer clairement notre démarche d'opposition radicale aux mauvais coups de la droite et dans le même mouvement de construction de réponses neuves. Nous avons des atouts solides pour être à l'offensive.
L'ampleur de ce vaste chantier dépendra pour beaucoup du nombre de communistes qui en seront partie prenante. Libérer les capacités d'initiatives des communistes suppose de n'en laisser aucun de côté. 95 % des cartes du Parti ont été placés. 15 fédérations ont déjà dépassé les effectifs 1994 mais d'autres sont en retard. Des retards qui reflètent souvent un décalage entre les motivations de l'adhérent et ce qui lui est proposé dans le Parti. Des progrès restent à faire pour mieux associer les adhérents à la vie du Parti et faire de la diversité une richesse pour la réflexion et l'action collective.
Le renforcement de l'influence et des forces du Parti est un des éléments de la construction du Pacte unitaire pour le progrès. Non pas pour dominer la gauche mais pour assurer son pluralisme. D'où la nécessité d'argumenter sur les raisons d'être communiste aujourd'hui. 26 000 adhésions ont été réalisées depuis le début de l'année, c'est mieux que l'an dernier. Depuis l'élection présidentielle il note un nombre plus grand de demandes d'adhésion. Ne soyons pas en retrait sur les potentialités. C'est particulièrement vrai en ce qui concerne la place des jeunes. Ils constituent plus de la moitié des adhésions nouvelles. 3 700 de moins de 25 ans ont adhéré à la Fête de l'Huma. Ils ont la volonté de prendre toute leur place dans le Parti. Ce qui n'est pas le cas pour un trop grand nombre d'entre eux. Il est nécessaire de mieux prendre en compte leurs motivations et de créer les conditions pour qu'ils militent à leur façon. Ce qui implique de considérer la cellule comme une structure qui évolue avec les aspirations collectives et individuelles de ses membres.
En, il est temps, un an après la rencontre nationale des 1 000 secrétaires de sections, de faire le point sur les avancées et les retards et cela particulièrement en direction des entreprises et des quartiers populaires. Chaque revendication qui monte pose des questions de société et l'urgence de débattre pour l'action immédiate et les conditions d'un changement de politique. Cela passe par l'implantation de cellules du Parti avec des formes de vie et d'organisations adaptées aux conditions de travail et aux différentes catégories de salariés. Dans l'immédiat il est possible dans la quasi-totalité des fédérations de finir l'année avec plus d'adhérents que l'an dernier si toutes les mesures nécessaires sont prises ; Si nous y parvenons cela créera une forte dynamique pour être toujours mieux la force utile à notre peuple.
Patrick Le Hyaric souligne qu'il y a bien une sorte de bras de fer, une course de vitesse engagée à partir de l'aspiration au changement dans une société qui se cherche et s'interroge. Nous avons donc une grande responsabilité pour lui donner un contenu vraiment de gauche et aider les gens à le construire dès maintenant. En ce sens, la tenue du Forum national est une grande initiative politique du Pari, un grand débat sur les moyens de changer. Nous avons à le faire dans un contexte où la situation du Parti est intéressante et ou, en retour, il y a beaucoup d'attente à notre égard. Nous les décevrions si nous ne prenons pas l'initiative avec les gens pour y répondre t si nous ne poursuivions pas nos efforts pour continuer de moderniser notre parti de telle sorte qu'on perçoive mieux qu'il est une organisation utile pour eux, utile pour transformer la société, utile pour construire une alternative à la gauche.
Il souligne ensuite l'écho rencontré par l'initiative de l'hebdomadaire « la Terre » sur le thème « Pas de ruralité vivante sans emploi et services publics ». Une pétition a recueillis des milliers de signatures cet été. « Les cahiers pour une ruralité vivante » établis par canton, circonscription ou département arrivent avec des propositions venant d'élus locaux, de certaines organisations professionnelles. De grandes organisations agricoles vont y apporter leur contribution ainsi que des mouvements de jeunesse catholique. Ces initiatives conçues dans le cadre du Forum visent aussi à revivifier nos cellules rurales et à en créer de nouvelles. Il s'agit d'importants enjeux de société. Il n'y a aucune fatalité à la désertification du monde rural qui aurait de redoutables conséquences sur les équilibres mêmes de la société. D'autre part, une agriculture diversifiée avec une industrie agroalimentaire puissante est non seulement un enjeu pour l'emploi, la vie des territoires mais, au-delà, il s'agit d'une grande question politique posée à un moment ou la FAO alerte sur le fait que des menaces pèsent sur la sécurité alimentaire mondiale. La suppression des jachères est donc à l'ordre du jour. La France pourrait agir pour construire un nouvel ordre alimentaire mondial pour résorber la famine. Avec le développement des biotechnologies, la filière agricole et forestière pourrait demain être développée pour fournir des matières premières à des industries nouvelles.
Le refus d'appliquer l'accord de Shengen par Chirac peut être un point d'appui pour montrer qu'on peut modifier la politique agricole européenne et refuser d'appliquer l'accord du GATT ou Maastricht. Enfin la vie rurale c'est aussi le maintien, l'amélioration, le développement des services publics. De nombreux comités de défense existent dans les cantons ruraux. Des succès ont été obtenus mais, là encore on peut beaucoup aider dans l'action y compris pour la réimplantation de services. Autant de questions qui seront débattues au cours du Forum qui intéresse tous les habitants qui vivent dans les communes rurales ainsi que la multitude d'associations, des personnalités, des élus qui se préoccupent de ces questions.
Bernard Deschamps estime que le rapport souligne à juste titre l'ampleur du mécontentement, de l'anxiété et de la profonde volonté de changement qui traverse la société. Apprécier à la foi les potentiels et les risques relève d'une perception objective de la réalité. À propos du débat sur « l'opposition constructive », Bernard Deschamps indique qu'il ne faut pas idéaliser les formules, mais ne pas les diaboliser non plus. Tout le monde est d'accord pour dire que ce n'est pas la formule qui est en cause mais l'interprétation qui en a été donnée. On a tenté d'accréditer l'idée d'une complaisance à l'égard de Chirac, mais aussi de nous faire remettre en cause le caractère constructif de notre politique. Il faut réaffirmer évidemment notre opposition résolue à la droite et le caractère novateur de notre démarche. Nous ne blanchissons pas le pouvoir en disant qu'il existe des possibilités réelles de le faire reculer. Nous devons prendre en compte que beaucoup d'idées ont mûri et pousser la réflexion et le débat sur le contenu du changement. De ce point de vue, le rapport de Jean-François Gau vient à son heure. Il est un atout pour avancer dans cette voie. Bernard Deschamps cite le succès remporté par l'initiative ouverte et plurielle prise par la fédération du Gard sur l'emploi mais note, en même temps, les obstacles politiques qui demeurent pour avancer sur le terrain de la construction d'une alternative. Nous avons besoin de pousser plus poque jamais la démarcher résolument ouverte et constructive qu'a si bien exprimée, dans sa campagne électorale, Robert Hue.
Jean-Michel Bodin indique que le comité fédéral de l'Indre-et-Loire s'est réuni récemment pour « continuer à réfléchir sur le contenu du rapport présenté par Robert Hue, au mois de juin ». Il fait part de nombreuses questions qui ont surgi, et notamment de la difficulté à se situer par rapport au fait que « rien n'est plus comme avant ». Il s'agit d'être toujours des communistes, mais des communistes de notre temps. Qu'est-ce que cela veut dire ? Qu'est-ce que cela implique dans les pratiques, les actes, les comportements ? N'a-t-on pas tendance parfois à gommer la diversité des situations et des vécus ? À toutes ces questions, il s'agit de répondre aujourd'hui avec les gens eux-mêmes. Par exemple, quelle bataille d'idées faut-il mener contre la droite ? Quelle bataille d'idées quand le Parti socialiste critique la CSG de Juppé pour justifier celle de Rocard ?
« Tout bouge, rien n'est comme avant »… Comment être ouverts, comment rassembler ? Dans une situation complexe. Ainsi, lors de l'élection législative partielle qui a vu la défaite de Bernard Debré, le PS a parlé d'alternance, mais il y a aussi bâti sa campagne sur la thématique du changement. Dans ce scrutin, il y a eu aussi une réelle mobilisation des électeurs de gauche au second tour pour battre le député RPR. Tout cela, au-delà des règlements de comptes internes à la droite, pose une série de questions, d'autant que le résultat obtenu par le PCF n'est pas satisfaisant. « Nous perdons 1 % sur 1993. Il y a un lien évident entre notre organisation, notre activité et notre influence. Les résultats dans les villes et les villages sont inégaux : ils vont du maintien à l'effondrement. »
Nous devons entreprendre de gros efforts, à la fois pour analyser la réalité telle qu'elle est, et, dans l'esprit de ce qui est proposé par le rapport, pour bien articuler le quotidien et le fondamental, l'immédiat et l'avenir. « Voir haut et loin ne s'oppose pas à la lutte au quotidien », souligne Jean-Michel Bodin, qui insiste sur la nécessité de faire vivre tout ce que nous avons semé lors de l'élection présidentielle, qui est encore trop souvent perçue par les communistes comme une parenthèse. À ce propos, il fait état de réflexions de personnalités disant : « Continuez, ne vous arrêtez pas, cela nous intéresse »… Nous avons donc des acquis et des atouts, à condition d'être ouverts et disponibles, à condition aussi de faire grandir chez les gens l'envie de participer aux débats nécessaires.
Ce qui est central dans notre stratégie, c'est l'intervention des gens eux-mêmes. À ce sujet, nous devons prendre tout le temps nécessaire pour réfléchir à ce que nous faisons vraiment ; Trop souvent, l'idée « de partir des gens » est associée à un cadre déterminé à l'avance. En conclusion, Jean-Michel Bodin souligne qu'il y a beaucoup d'attente dans le parti, qu'un grand travail d'explication est nécessaire avec tous les communistes afin d'y répondre, afin de s'engager dans la construction du Forum pour un autre avenir.
Jackie Hoffmann soutient la démarche du rapport à partir de quelques idées sur la sécurité sociale et l'hôpital. Chirac fait mine de consulter les Français, mais il annonce déjà l'essentiel de ce que le gouvernement a décidé de mettre en place à l'issue de cette consultation. Depuis des années, l'idée que la sécu serait devenue inefficace, trop coûteuse, et voire injuste, est martelée. Du coup, les Français qui sont toujours aussi attachés à cette institution sont devenus une majorité qui pense qu'on ne peut maintenir le système en l'état. Cela peut être un atout si nous savons montrer à la fois les vrais objectifs du pouvoir et l'existence de solutions novatrices pour donner à la sécu les moyens d'un nouveau redémarrage. MM. Juppé et Arthuis annoncent un gigantesque transfert de 400 milliards de cotisations vers l'impôt. Formidable cadeau fait aux patrons qui n'osaient pas, en tout cas pas publiquement, en demander tant. Les communistes combattront d'autant plus efficacement ces projets destructeurs qu'ils sauront montrer que d'autres solutions sont possibles. Plutôt que de faire payer les assurés et multiplier les cadeaux aux entreprises, s'il faut inverser cette logique en modulant fortement la cotisation patronale pour différencier l'entreprise qui crée des emplois et paie de bons salaires, de celle qui supprime des emplois pour constituer des réserves financières destinées à la spéculation, sans oublier les dettes patronales. Le débat sur l'avenir de la sécurité sociale peut s'ouvrir sur un rassemblement large et combatif. Nous y contribuerons d'autant mieux que nous saurons nous appuyer sur des principes forts de solidarités et de justice.
Le même problème est posé avec l'hôpital. La première décision du ministre Hubert a été d'annoncer pour 1996 un taux d'évolution des dépenses inférieur à l'inflation, pour obliger les hospitaliers à accepter des restructurations et fermetures de services. Encore à propos de l'hôpital, le ministre vient de reconnaître que la précarité – qui atteint 40 % du total des emplois – commençait à poser un problème. Il faut poser publiquement la question de la transformation de ces précaires en emplois statutaires. Ne laissons pas généraliser le plus épouvantable des gâchis qu'est la limitation de l'accès aux soins. Le vrai problème est bien un choix de société.
Pierre Mathieu souligne que c'est dans la vie concrète que notre démarche mêlant action immédiate et élaboration politique peut se déployer. Un regard nouveau existe à notre égard mais aussi beaucoup d'attentes et d'exigences. La démarche et le contenu du rapport vont aider à l'intervention politique des communistes. Pierre Mathieu cite deux exemples. Premièrement, la lutte qui se développe pour la défense de la ligne SNCF Paris-Bâle. Au départ, des actions d'usagers, la création d'un comité de défense interviennent sur les conditions de transport. Puis au fil des années, notre intervention alimente le débat sur les origines de cette difficulté, relève l'enjeu du transport marchandises et aide à la prise de conscience que l'ensemble de la ligne est menacé. Petit à petit, un mouvement qui pose toutes les questions du service public grandit et conduit des syndicats, des forces politiques, des élus à prendre position. En pleine campagne électorale, nous décidions d'impulser sur ces bases un mouvement fort et de longue haleine pour obtenir la modernisation de la ligne et son inscription au contrat de Plan. Depuis lors, des manifestations importantes ont eu lieu à Troyes, à Vesoul. Trois conseils régionaux, cinq présidents de région ont dû prendre position. Désormais, l'idée d'une manifestation prenant la forme d'un « train de luttes » est lancée pour le 18 novembre.
Le second exemple est celui de la lutte des salariés de l'entreprise textile. Devanlay, où nous avons décidé de ne pas lâcher la bataille sur le contrôle de l'utilisation des fonds. Dans cette entreprise, actuellement occupée jour et nuit par des salariés, on en est au dix-huitième plan social, les délocalisations continuent et la finance explose. En quatre ans, les placements financiers de l'entreprise sont passés de 246 millions de francs à 1,4 milliard. S'appuyant sur des démonstrations chiffrées sur les ressources de l'entreprise, nous avons fait la démonstration que le maintien de l'emploi avec réduction du temps de travail, sans diminution de salaire, est possible. Le maire de Troyes, porte-parole du gouvernement, François Baroin, est de plus en plus en difficulté, lui qui, avant les élections, promettait de « montrer du doigt » les entreprises qui n'auraient pas un « comportement citoyen ». Aujourd'hui, il se tait et la colère monte dans la ville. Dans cette lutte, le rassemblement progresse. Toutes les organisations syndicales ont accepté récemment une rencontre de travail proposée par le Parti communiste. Par ailleurs, dans l'action, le débat politique grandit sur des questions comme gauche-droite, les délocalisations, l'attitude face au gouvernement, l'influence des communistes, montrant ainsi la validité de notre démarche qui mêle action et débat politique.
Bernard Birsinger illustre la discussion avec l'expérience du « bus pour l'emploi » qui sillonne la Seine-Saint-Denis depuis le 25 juillet, pour rappeler les habitants, les salariés à faire le recensement des besoins de l'emploi. L'idée était venue à la suite d'une proposition de Robert Hue, au cours de la campagne présidentielle. Lorsque l'initiative fut lancée, il y a eu des débats sur le fait de savoir si elle était adaptée à la situation d'un département qui compte autant de chômeurs, de Rmistes, de précaires, autant d'entreprises menacées de fermeture. N'est-ce pas un peu utopique de parler de plein-emploi ? En fait, cela a permis de desserrer l'étau de la crise et de faire progresser l'espoir qu'une meilleure société est possible. C'est ce qu'ont démontré les débats avec 7 000 personnes rencontrées au cours de 60 initiatives dans 20 villes. Partout où le bus est passé, l'image du Parti a continué à se bonifier autour de l'idée : « Tiens, les communistes ne viennent pas seulement nous voir pour dénoncer une situation, organiser une résistance aux mauvais coups, mais s'inscrivent dans une démarche positive. » Afin notamment d'investir le fameux CODEF, la commission créée par le préfet, avec le patronat et un aéropage de technicien, pour obtenir des mesures réelles contre le chômage.
Il cite les exemples recueillis dans un hôpital où il y a 1 infirmière pour 100 malades, à propos des immenses besoins de logements, de formation (il manque 4 700 postes dans notre département pour répondre aux besoins urgents de l'école). À Roissy, le débat a porté sur l'utilisation des 5 milliards de francs qui ont être alloués à Air France par le gouvernement. Cette initiative a permis d'aider le Parti à montrer très concrètement que deux logiques s'imposent : celle de la course au fric pour le fric, et celle de l'investissement pour le développement de l'homme. Aujourd'hui, des décisions sont d'abord guidées par la rentabilité financière. C'est avec cet archaïsme-là qu'il faut rompre. On ne pourra pas le faire sans une formidable intervention des citoyens dans les quartiers, dans les entreprises, pour exiger qu'on réponde d'abord aux besoins des femmes et des hommes avant toute autre considération. Le travail est d'abord une richesse, le moyen de répondre à l'exigence grandissante d'une société plus juste et plus humaine. La réponse aux besoins les plus divers implique plus d'intelligence, plus de connaissance, de savoir-faire, de temps nécessaire à la réflexion, à l'échange d'informations. Le plein-emploi est un facteur de vraie modernité. À travers cette initiative, je sens, a-t-il dit, un Parti qui a envie d'être à l'offensive, qui comprend mieux en quoi la situation est nouvelle et permet de poser en grand les questions du contenu du changement et avec qui.
Enfin, Bernard Birsinger souligné qu'il n'y aura pas d'avancée significative de nos idées, du forum, sans faire progresser fortement le lecteur et la diffusion de « l'Humanité » quotidienne, de « l'Humanité Dimanche », qui nous aident bien pour ce qu'on veut faire. La question a été posée en secrétariat fédéral dans un département où nous avons 25 000 adhérents et où nous diffusons 8 000 « Humanité Dimanche » et 5 000 « Humanité » quotidiennes.