Lettre de M. Valéry Giscard d'Estaing, président de l'UDF, adressée aux membres du conseil national de l'UDF, sur le bilan de son action à la tête de la confédération et sur ses propositions pour l'avenir de l'UDF, notamment sur le plan des statuts, publiée dans "Le Figaro" du 29 mars 1996.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC Le Figaro - Le Figaro

Texte intégral

Au moment d’achever ma présidence de l’UDF, je viens prendre congé de vous.

L’UDF a été fondée, il y a presque vingt ans, par un petit nombre d’hommes désintéressés et imaginatifs qui souhaitent mettre fin aux divisions permanentes du centre droit français, autour d’un programme libéral, centriste et européen. C’est l’action de ce petit groupe, animé par Jean Lecanuet, Michel d’Ornano et Pierre Abelin, qui m’avait permis d’être élu quatre ans plus tôt à la présidence de la République, puis d’appeler Raymond Barre au poste de premier ministre. Ainsi, pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, un homme du centre accédait au poste de président de la République, et à celui de premier ministre. Cela ne s’est jamais reproduite depuis.

Au lendemain de la réélection de François Mitterrand à l’élection présidentielle de 1988, j’ai accepté la présidence de l’UDF. Mon objectif était d’aller plus loin dans la voie de l’unité de l’UDF, pour en faire une formation capable de jouer à forces égales avec les deux grandes structures du RPR et du Parti socialiste, de manière à pouvoir gouverner avec l’une sur la base d’un partenariat égal, et à combattre l’autre avec des moyens puissants.

Nous avons en partie réussi puisque nous avons obtenu 12 présidences de conseils régionaux en 1992, 214 députés à l’élection législative de 1993, et assuré en 1992 l’élection du président du Sénat, René Monory.

Mais cette réussite n’a été que partielle. Le vrai pouvoir est resté entre les mains des partis composant l’UDF, au-dessus desquels flottait la faible structure de l’UDF, constamment harcelée et dénigrée, et ramenée à son rôle réduit de confédération électorale.

Après l’échec pour l’UDF de la campagne présidentielle de 1995, où notre formation a été empêchée de présenter un candidat issu de ses rangs, j’ai pensé que l’UDF était en situation de fragilité et que la façon serait entendue ; j’ai lancé l’idée d’une étape d’organisation fédérale à franchir pour l’UDF.

D’abord rejetée, cette idée a fait son chemin. Elle est aujourd’hui mieux acceptée, sans être réalisée. Les composantes conservent encore 80 % des fonds publics versés à l’ensemble de l’UDF, et contestent périodiquement le financement de la Confédération. Malgré deux décisions successives du bureau politique en octobre 1995, il a été impossible de constituer un fichier commun des membres de l’UDF. Or chacun sait que, sans listes électorales, il n’y a pas de démocratie possible !

Si l’UDF ne franchit pas rapidement une nouvelle étape vers son unité, je ne lui prédis pas beaucoup d’avenir ! Et je mets amicalement en garde mes collègues, les élus. Depuis que l’UDF a été déstabilisée à l’automne de 1995, elle a perdu toutes les élections législatives partielles, à la seule exception du siège jadis détenu par Michel d’Ornano, gardé de justesse. Cette situation vient de se répéter dans le var.

L’unité souhaitée

Si l’UDF n’affirme pas davantage son unité, et ne maintient pas une ligne politique cohérente et lisible par l’opinion, je crains que, face aux deux grands ensembles organisés du RPR et du Parti socialiste qui vont représenter de plus en plus le pouvoir et l’alternance du pouvoir, la nouvelle direction de l’UDF n'ait beaucoup de mal à répéter en 1998 les résultats acquis en 1992-1993 : 12 présidents de région et 214 députés.

Et pourtant, la base est favorable à l’unité. Interrogés par l’Ifop en novembre 1995, 62 % des sympathisants de l’UDF se sont prononcés pour que « l’UDF devienne un parti politique unifié », contre 28 % qui « souhaitent que l’UDF reste une structure regroupant plusieurs partis distincts ».

La vraie rénovation de l’UDF ne pourra venir que de la base, en s’appuyant sur d’authentiques consultations démocratiques.

C’est pourquoi je recommande l’organisation d’un référendum, ouvert à tous les membres régulièrement inscrits à l’UDF, qui seraient appelés à répondre à la question : souhaitez-vous, oui ou non, que l’UDF devienne un mouvement politique unifié ?

A partir de cette légitimation populaire, l’UDF pourrait entreprendre sa démarche, raisonnable mais rapide et programmée, vers son unification.

Marche en avant

De même, j’estime que le futur président de l’UDF devrait être élu au suffrage universel des membres de l’UDF, pour échapper aux manœuvres du sérail. Les moyens modernes de communication permettent facilement de procéder à cette élection. Les résultats en seraient différents, et le président disposerait d’un vrai pouvoir légitime. Ce que de Gaulle a fait pour la France, il faudrait le réaliser pour l’UDF.

Je fais confiance aux hommes et aux femmes de conviction et de bonne volonté, à ceux qu’anime le désir de servir l’UDF, et non pas de se servir de l’UDF, et non pas de se servir de l’UDF, pour poursuivre cette marche en avant. Et d’ailleurs, il y a des signes encourageants dans la campagne qui se déroule pour l’élection à la présidence de l’UDF : désormais l’image de l’UDF est devenue plus forte que cette de ses composantes, et les candidats sont entraînés à afficher de plus en plus leurs préférences pour une UDF unifiée.

Un mot, enfin, pour répondre au malaise qui entoure souvent le milieu politique. La gestion financière de l’UDF a été scrupuleusement honnête, et sa réputation est intacte. Aucun de ses dirigeants n’a touché la moindre rémunération, ni bénéficié du moindre avantage personnel.

Il me reste à remercier chaleureusement toutes celles et tous ceux qui ont bien voulu comprendre mes intentions, et m’aider dans ma tâche. Du fond du cœur, je les assure de ma reconnaissance et de mon souvenir.

(Les intertitres sont de la rédaction)