Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre en réponse à une question sur la parité hommes-femmes, Paris le 1er avril 1998.

Prononcé le 1er avril 1998

Intervenant(s) : 

Circonstance : Séance de questions au Gouvernement à l'Assemblée nationale le 1er avril 1998

Texte intégral

« Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le député,

Je suis sensible, vous vous en doutez, à votre préoccupation et par là même, à votre question. J’ai déjà eu l’occasion, devant votre assemblée, questionné par M. J.-M. Ayrault, d’indiquer certaines des conclusions que je tirais des récentes élections non point d’ailleurs marquées par une poussée de la formation politique d’extrême droite, mais plutôt par une abstention certainement trop forte et en même temps par des alliances qui ont créé le trouble que vous savez.

Le Gouvernement que je dirige a amorcé un processus de réformes démocratiques. J’en avait d’ailleurs annoncé les termes à l’occasion de ma déclaration de politique générale. Depuis, nous avons concrétisé l’inscription des jeunes, dès 18 ans, sur les listes électorales : nous avons fait un sorte que les femmes soient plus nombreuses sur les bancs de votre Assemblée et au sein du Gouvernement : nous avons préparé des textes sur la limitation du cumul des mandats et ceux-ci seront présentés au Conseil des ministres la semaine prochaine : nous avons avancé dans la réforme de la justice et dans son indépendance, et ceux-ci seront présenté – les premiers textes – dans quinze jours, au Conseil des ministre. Sans doute est-il souhaitable d’aller plus loin. C’était et cela reste mon intention.

Votre question me donne l’occasion de préciser peut-être, à ce propos, quelques points de méthode et de fond.

Le Président de la République, ayant engagé des entretiens avec des responsables des principales formations politiques républicaines de ce pays, j’ai jugé courtois, et je dirais même républicain, d’attendre qu’il ait terminé le cycle de ces entretiens politiques pour m’exprimer moi-même. En effet, le Président de la République et le Premier ministre, et nous en parlions d’ailleurs ce matin encore, n’ont pas l’intention, devant le pays, dans ce moment, de paraître s’engager dans je ne sais quelle compétition pour la réforme institutionnelle. D’autant que chacun a son registre, sa dimension et ses compétences. Le Président de la République entend, à l’évidence, et certains d’entre vous qui l’ont rencontré en sont, je pense, convaincus, engager et permettre une réflexion large avec les principales formations politiques de ce pays, pour voir quels champs de consensus ou d’opposition ou de dialogue peuvent se nouer pour une réforme institutionnelle.

Quant au Gouvernement, il est de sa mission et il est de sa compétence de mettre en œuvre les réformes nécessaires dans ce domaine, qu’elles concernent les modes de scrutin, la parité, le cumul des mandats, la durée des mandats, ou encore d’autres propositions, je ne veux pas, ici, limiter la liste. Quand le Président de la République aura achevé ses réflexions, rencontré les responsables politiques et que nous en aurons parlé ensemble, comme il l’a souhaité, eh bien, le Gouvernement fera des propositions au pays, comme c’est de sa compétence, et nous proposera sans doute, Mesdames et Messieurs les députés, des textes à examiner et, si vous le voulez bien, à voter. Dès maintenant, et parce que je m’étais exprimé sur ce point très fermement, il y a plusieurs années, encore dans ma déclaration de politique générale, et que j’avais confirmé cet engagement le jour de la Journée internationale des femmes, le 8 mars, à propos de la parité, je vous confirme que je souhaite proposer au Président de la République d’inscrire dans le texte de notre Constitution, une formule qui pourrait être : « la loi organique peut livrer des règles favorisant l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités politiques, professionnelles et sociales. »

Il s’agirait donc bien, là, d’aller au-delà de l’affirmation du seul principe de la parité politique pour prendre des dispositions qui pourraient concerner toutes les femmes dans leur vie quotidienne et sociale. Cela, Monsieur le député, me fournit justement, devant vous, mon mot de conclusion et qui renvoie à l’esprit de ma première réponse après les élections, devant votre Assemblée.

Pour redonner confiance à nos concitoyens, car je suis convaincu que ce mouvement de confiance est amorcé, il faut sans doute des réformes institutionnelles, mais il faut tout autant et peut-être plus encore leur apporter des réponses dans leur vie quotidienne, sur le terrain de l’emploi, sur le terrain de la sécurité et c’est au cœur, Mesdames et Messieurs les députés, de l’action du Gouvernement que je conduis. »