Texte intégral
O. Mazerolle : 114 députés RPR sur 137 ont voté la réforme constitutionnelle en vue de la ratification du Traité d'Amsterdam et pourtant, pas un seul des amendements proposés par le RPR n'a été accepté. C'était un tour de piste gratuit ?
F. Fillon : Ce n'est pas une surprise. Nous avions dit, dès le début de cette discussion, que nous ratifierions le Traité d'Amsterdam, et donc que nous voterions les textes qui permettent de le ratifier. D'abord parce que, comme vous le savez, ce traité a été négocié par le Président de la République et pour une part par le gouvernement précédent. Ensuite parce que c'est un traité qui ne fait qu'organiser les conséquences d'un certain nombre de décisions qui ont été prises à Maastricht notamment, et en particulier la disparition des frontières. Personne ne peut comprendre qu'il n'y ait plus de frontières en Europe et qu'il n'y ait pas une politique européenne d'immigration et de sécurité.
O. Mazerolle : D'accord, mais les amendements proposés par P. Séguin dans la convention du RPR sur l'Europe, il les avait proposés avec force et ils ont tous été balayés.
F. Fillon : Il ne vous a pas échappé que nous n'étions pas majoritaires à l'Assemblée nationale. Donc, ces amendements vont être repris au Sénat où la discussion sera sans doute plus difficile pour le Gouvernement, et je pense qu'il faudra bien qu'il en tienne compte. En tout état de cause, nous avons pris date en particulier pour les échéances politiques qui viennent et notamment la campagne des élections européennes. Il faudra que tous ceux qui ont refusé les amendements qui visent à améliorer le contrôle par le Parlement français de l'introduction de la législation européenne dans notre droit expliquent pourquoi ils sont contre ce qui est, au fond, la démocratisation réclamée par tous de la construction européenne.
O. Mazerolle : Ça vise les centristes en particulier ?
F. Fillon : Ça vise tous ceux qui parlent beaucoup de l'Europe, qui parlent beaucoup de sa démocratisation et qui, à chaque fois qu'ils sont au pied du mur, ne saisissent pas les occasions qui leur sont proposées.
O. Mazerolle : Donc, entre autres, vos alliés centristes ? Enfin, si on peut dire vos alliés parce que le débat fait rage.
F. Fillon : Nous avons sur ce sujet un certain nombre de divergences qui ne portent pas sur le fond de la construction européenne, mais qui portent sur ses modalités. Et il faut que chacun mette ses paroles en accord avec ses actes.
O. Mazerolle : Mais quand P. Séguin les traite de "cabris", on a l'impression de revenir à un vocabulaire des années 1960 où régnait la guerre froide entre le général de Gaulle et les centristes.
F. Fillon : Je ne crois pas que les propos de P. Séguin s'adressaient spécifiquement aux centristes. Ils s'adressaient à tous ceux qui parlent beaucoup de la construction européenne et qui la font rarement avancer.
O. Mazerolle : C'est bien ce que disait le général de Gaulle, en utilisant le même terme de "cabris" d'ailleurs.
F. Fillon : Oui, le général de Gaulle avait raison parce qu'il a fait plus pour la construction européenne que tous ceux qui s'agitent sur leur chaise en parlant, et qui ne mettent pas en oeuvre les conditions de sa réalisation.
O. Mazerolle : Vous croyez vraiment que P. Séguin a encore une chance de diriger une liste unique de L'Alliance ?
F. Fillon : Je crois que la proposition que nous avons faite, qui n'est pas de diriger la liste mais d'abord de s'asseoir autour d'une table pour mettre au point un projet politique commun, sachant qu'il va de soi pour nous que c'est le RPR, compte tenu de son poids dans l'opposition qui doit conduire cette liste…
O. Mazerolle : C'est de l'habillage ça !
F. Fillon : Non, ce n'est pas de l'habillage.
O. Mazerolle : P. Séguin est ouvertement candidat à être tête de liste.
F. Fillon : Oui, mais ce n'est pas de l'habillage que de dire qu'on doit commencer par se mettre autour de la table et vérifier qu'on est en désaccord sur le fond - ce qui, pour le moment, n'a jamais été établi. C'est ce que nous demandons : que les centristes viennent s'asseoir autour d'une table et qu'on regarde si on est capable de bâtir ensemble un projet politique commun pour l'Europe. Si on n'est pas capable de le faire, alors on n'a aucune chance de retrouver le chemin du pouvoir. Parce qu'on ne peut pas confier à une majorité plurielle, si nous redevenions la majorité, les destinées du pays alors même que nous serions en désaccord profond sur ce qui est la question politique la plus fondamentale pour les 15 ans qui viennent.
O. Mazerolle : Ce vote favorable à la réforme constitutionnelle, sans que les amendements proposés par le RPR aient été acceptés, ne va pas faire exploser le RPR ? C. Pasqua ne va pas être poussé à proposer sa propre liste ?
F. Fillon : Tous l'avez dit vous-même, la très très grande majorité des députés RPR ont voté la ratification d'Amsterdam même s'ils ont un certain nombre de critiques à faire sur le texte et donc le RPR tiendra dans cette épreuve…
O. Mazerolle : Y compris C. Pasqua, qui est tout de même le conseiller politique de P. Séguin ?
F. Fillon : J'espère que C. Pasqua continuera de dialoguer avec nous sur ces sujets. Il apporte un regard et une expression qui ne sont pas inutiles. Il faut simplement que nous restions dans le cadre d'un projet politique commun.
O. Mazerolle : L'Alliance, et en particulier le RPR, a fait savoir qu'elle n'était pas prête à ratifier au Congrès la modification de la Constitution pour la nouvelle composition du Conseil supérieur de la magistrature, pourquoi ?
F. Fillon : - Nous avons sur ce dossier, un certain nombre de divergences. Et vous vous souvenez que le groupe RPR avait émis un vote très divers parce que nous sommes un certain nombre à penser que l'indépendance totale du parquet est une erreur. C'est une erreur, un contresens parce que le parquet est là pour défendre la République, pour défendre les institutions, pour défendre ce que l'État exprime. Et nous souhaitons que, de ce point de vue-là, un certain nombre de corrections soient apportées."
O. Mazerolle : Mais pourtant les textes ont été votés dans les mêmes termes et par l'Assemblée nationale et par le Sénat. Donc, il existe la majorité nécessaire pour la réforme constitutionnelle.
F. Fillon : Un certain nombre de parlementaires RPR n'ont pas voté ce texte et donc n'ont pas voté la réforme constitutionnelle non plus.
O. Mazerolle : Et pourtant il avait été rédigé en parfait accord avec le Président de la République.
F. Fillon : Il peut arriver que nous ayons des désaccords.
O. Mazerolle : Avec le Président de la République aussi ?
F. Fillon : Non, mais que nous ayons une appréciation différente des choses. Et sur ce sujet. Elle s'est révélée à l'occasion du vote. Maintenant le groupe RPR, majoritairement, a pris la position qui est la sienne, mais c'est un sujet sur lequel nous sommes extrêmement divisés.
O. Mazerolle : Mais qu'est-ce qui vous gêne là-dedans? C'est que les procureurs généraux ne soient plus nommés par le Conseil des ministres ?
F. Fillon : C'est ce que je viens de vous dire. Je crois qu'il est fondamental que le procureur, que le parquet expriment la position qui est celle de la République et la position des institutions qui est la position de l'État.
O. Mazerolle : Le retrait par Mme Trautmann de son projet de loi sur l'audiovisuel. Vous êtes satisfait. Mais pourquoi ? Parce que vous voulez que la publicité continue à envahir le service public ?
F. Fillon : Non, parce que ce texte était mauvais. Le Conseil d'État l'avait réduit en charpie, la majorité s'apprêtait à en faire autant. Personne ne trouvait la moindre qualité à un texte qui avait été bâclé. Et son retrait aujourd'hui, d'une certaine manière, je trouve, marque l'échec de Mme Trautmann et de M. Jospin et de la méthode qu'ils ont voulu mettre en place, et donne le temps au Gouvernement de préparer quelque chose qui soit plus cohérent. Je ne dis pas qu'il n'y a pas dans l'audiovisuel un certain nombre de réformes à effectuer, mais pas celles qu'on nous proposait.
O. Mazerolle : Mais au point où on en est, vous souhaiteriez plutôt la privatisation de France 2, par exemple ?
F. Fillon : Non, mais le système qui consiste à laisser l'audiovisuel public complètement dépendant du vote du budget et de ses aléas nous parait dangereux.