Interview de M. François Fillon, porte-parole du RPR, à France 2 le 25 novembre 1998, sur les engagements du gouvernement concernant notamment les sans-papiers, les divergences dans la majorité plurielle, et sur les amendements prévus par le RPR au cours du débat sur la ratification du traité d'Amsterdam.

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Média : Emission Les Quatre Vérités - France 2 - Télévision

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F. Laborde : Un commentaire sur les déclarations du Premier ministre, L. Jospin, chez nos confrères de France Info. Vous l'avez trouvé comment ?

F. Fillon : J'ai trouvé que, ce mois de novembre 98, marquait un vrai tournant dans l'histoire de ce gouvernement. Le Premier ministre était embarrassé hier. Il a beaucoup de difficultés de forme dans sa présentation, et sur le fond, il a montré très souvent son impuissance à mettre en oeuvre les politiques pour lesquelles il s'est engagé. C'est le cas sur les sans-papiers, où il, à la fois, fait preuve de fermeté dans le discours, mais tout en disant que ceux qui resteraient chez eux, au fond, la police n'allait pas les chercher. Ce qui est une certaine manière, organiser le retour à la clandestinité. Et, de la même façon, sur beaucoup d'engagements qui ont été pris par le Gouvernement - je pense à la remise en place de l'autorisation administrative de licenciement - le Premier ministre a montré qu'il ne ferait pas les choses. Mon sentiment, c'est qu'il est maintenant dans une situation qui est une situation de crise avec sa majorité.

F. Laborde : Mais sur le fond, les prises de position politiques, est-ce que ce n'est pas des prises de position que vous, si vous étiez au gouvernement, vous pourriez signer, que ce soit justement sur les sans-papiers, sur les fonds de pension, sur les minima sociaux ?

F. Fillon : Il est clair que chaque fois que le Gouvernement ne tient pas ses engagements, je me réjouis, puisque cela signifie simplement que la politique que nous conduisions, celle sur laquelle nous nous étions engagés, est finalement une politique incontournable. Il n'est pas très sain que les Français soient gouvernés par une équipe qui fait exactement le contraire de ce à quoi elle s'est engagée.

F. Laborde : Le Premier ministre dit, qu'en fait, c'est son succès qui agace, et que l'impatience est du côté des commentaires et pas du côté des Français qui comprennent.

F. Fillon : Je crois que son succès a été dû, pour une très large part, à la bulle économique et financière dont il a bénéficié, dont on a tous bénéficié, dont le pays a bénéficié. La vérité, c'est que sa majorité est extrêmement divisée. Elle est divisée fondamentalement sur les orientations économiques, sur la construction européenne, sur tous les grands sujets. Et je pense que cette majorité ne sera pas capable de passer le cap d'une difficulté économique, d'une crise économique et financière.

F. Laborde : Oui, mais enfin, on voit quand même que jusqu'à présent - que ce soit les Verts ou les Communistes, même si parfois ils expriment des opinions divergentes - la solidarité l'emporte?

F. Fillon : Parce que c'était facile et parce qu'il y avait l'attrait du pouvoir. On s'approche maintenant des vraies échéances avec les élections européennes, on s'approche des vraies échéances économiques et financières. Tout le monde voit bien que la situation économique mondiale est beaucoup moins bonne que ce que le Gouvernement prétend aujourd'hui. Et ma conviction, c'est que la solidarité gouvernementale va être mise à rude épreuve.

F. Laborde : Alors, justement, vous parlez de l'Europe financière, le Traité d'Amsterdam... La ratification va être discutée à l'Assemblée nationale, il n'y aura pas de surprise du côté du RPR ?

F. Fillon : Ecoutez, un débat n'est jamais terminé avant d'avoir été complètement achevé. Nous, nous avons demandé dans le cadre de cette ratification, que le Parlement français soit mieux associé aux prises de décisions européennes. Tout le monde se plaint du déficit démocratique européen, les socialistes ont fait beaucoup leur campagne sur ce thème. Ils ont aujourd'hui l'occasion, en reprenant nos amendements, de faire quelque chose pour faire en sorte que ce déficit soit moins important.

F. Laborde : Est-ce que les amendements que vous déposez, ce n'est pas aussi pour rassurer la frange un peu anti-Europe qui pourrait subsister dans les rangs de l'opposition ?

F. Fillon : C'est pour faire en sorte que le contrôle du Parlement sur la législation européenne soit plus important. Personne ne devrait pouvoir s'opposer à ce qu'il y ait un peu plus de démocratie dans le fonctionnement de l'Union européenne.

F. Laborde : Une dernière question politique sur deux sondages qui viennent de sortir - Paris Match et l'Événement du jeudi - et qui donnent tous les deux P. Séguin en tête, devant une liste conduite par F. Hollande, pour les élections européennes. C'est évidemment une très bonne  nouvelle pour vous ?

F. Fillon : Je crois que c'est la preuve d'abord que la rénovation du RPR que nous avons engagée porte ses fruits. Je pense aussi que c'est la preuve qu'on est aujourd'hui devant une possibilité de réconcilier les Français qui avaient voté contre Maastricht et ceux qui avaient voté pour Maastricht, en réalisant l'union de l'opposition derrière P. Seguin. Oui, c'est une bonne nouvelle.

F. Laborde : Dernière question : vous pensez que C. Pasqua va y aller ?

F. Fillon : Écoutez, j'espère que C. Pasqua n'ira pas. J'espère que C. Pasqua comprendra que l'intérêt de l'opposition républicaine aujourd'hui, c'est de se rassembler, ce n'est pas de se diviser.