Texte intégral
RTL : Vous avez conclu vos deux jours de réunion du G7 à Cabourg par un cri d'alarme sur les défis écologiques à relever. Sur quelles dégradations mettriez-vous l'accent en premier ?
C. Lepage : Le climat et le réchauffement ; ensuite les problèmes en eau et en alimentation. C'est un cri d'alarme mais c'est aussi un message d'espoir car nous étions tous extrêmement dynamiques et convaincus qu'on pouvait faire beaucoup de choses.
RTL : Tous les ministres étaient présents à l'exception du ministre allemand ?
C. Lepage : Oui, représenté par son secrétaire d'État.
RTL : Quelle action volontaire peut-on mener en matière de réchauffement climatique ? quelle est l'efficacité des conventions sur l'effet de serre ?
C. Lepage : Ces conventions ont une certaine efficacité mais elles doivent être considérablement renforcées. Beaucoup a été fait depuis 1992 mais la vitesse à laquelle les problèmes s'accélèrent mérite également que les solutions s'accélèrent.
RTL : Il y a un concensus sur ce point entre les différents pays ?
C. Lepage : Total, pour les sept pays industrialisés, total.
RTL : Que sait-on sur les effets de la pollution de l'air ou de l'eau sur la santé des citoyens ?
C. Lepage : On a des études qui montrent des corrélations. Nous avons besoin de plus de certitudes de manière à avancer de manière plus efficace. C'est un peu ce que nous avons dit à Cabourg ;
RTL : La recherche scientifique est-elle à la hauteur des défis ?
C. Lepage : Elle progresse. Au ministère de l'Environnement, c'est l'un des postes qui était le plus en progression cette année, Recherche-santé-environnement. Mais il faut faire beaucoup plus, y compris au niveau international car beaucoup d'organismes travaillent mais en ordre dispersé. Il faut les réunir.
RTL : Plus dans quel sens ? Edifier des digues, préciser des mesures ?
C. Lepage : Mieux connaître, donc mieux décider. Nous ne connaissons pas forcément les choses, donc il faut commencer par la recherche, ensuite l'évaluation des risques pour le principe de précaution et, ensuite, la décision.
RTL : La pollution atmosphérique, vous connaissez : vous évalué son coût de 50 à 60 milliards de francs par an pour la France. Que comptabilisez-vous ?
C. Lepage : On comptabilise le coût en termes de santé publique, c'est-à-dire l'augmentation du nombre de journées d'hospitalisation, de consultations médicales, l'augmentation des médicaments. On comptabilise les effets sur l'agriculture et sur les monuments. Quand on ravale, c'est généralement dû à la pollution atmosphérique dans les grandes villes.
RTL : Il y a vraiment un accroissement des problèmes de santé liés à la pollution ?
C. Lepage : Oui, beaucoup d'études le montrent. La discussion porte sur l'importance des effets mais pas sur le fait qu'il y ait des effets.
RTL : L'importance des effets pour la France, par exemple, ce sont des journées d'hospitalisation dues à quoi ?
C. Lepage : A des difficultés bronchiques respiratoires, voire cardio-vasculaires.
RTL : Certaines méthodes commerciales mettent en péril la santé, dites-vous : lesquelles ?
C. Lepage : Ce ne sont pas vraiment les méthodes commerciales. Ce sont plutôt les effets de certains modes de production qui peuvent, sur l'eau, l'air ou le sol, avoir des effets nuisibles pour la santé publique. Il faut être très vigilant.
RTL : en matière de modes de production, pourquoi n'avez-vous pas parlé de la « vache folle » ?
C. Lepage : Non, on n'en a pas parlé directement parce que les questions n'ont pas été abordées sous forme de tel ou tel phénomène.
RTL : Vous en êtes restés au stade des principes. C'est plus facile, peut-être ?
C. Lepage : Non, pas forcément des principes mais plutôt de la méthodologie pour les traiter. Ce n'est pas que nous avons eu peur d'aborder tel ou tel sujet, nous avons été très libres dans nos propos. Mais plutôt : comment est-ce qu'on peut faire pour faire avancer les choses de manière efficace ?
RTL : Quand on parle de modes de production, comment éviter le problème de la « vache folle » aujourd'hui ?
C. Lepage : Je ne dis pas qu'il n'était pas derrière un certain nombre d'esprits qui discutaient autour de la table. Mais ce sujet, précisément, n'a pas été, en tant que tel, traité. L'histoire de la « vache folle », je crois que c'est une excellente occasion de se poser des questions en termes d'analyse des effets. Connaître – c'est ce que je disais tout à l'heure -, appliquer le principe de précaution – c'est ce que nous avons fait, au gouvernement français de manière précise.
RTL : C'est ce que n'a pas fait le gouvernement britannique ?
C. Lepage : Je ne dis pas que c'est ce que n'a pas fait le gouvernement britannique.
RTL : Vous le suggérez, quand même ?
C. Lepage : Non, pas du tout. Je dis que ça correspond aux mesures qui ont été prises au niveau communautaire comme au niveau français.
RTL : Economie et environnement doivent marcher de pair, selon vous. Mais on a l'impression que les industriels ne sont pas franchement chauds pour engager des dépenses pour l'environnement. Que leur dites-vous ?
C. Lepage : Je dis qu'il ne s'agit pas toujours d'engager des dépenses pour l'environnement. Il s'agit le plus souvent d'éviter beaucoup de coûts. Je crois que la plupart des industriels en ont maintenant tout à fait conscience.
RTL : Quels coûts, par exemple ?
C. Lepage : Par exemple les déchets, l'eau. Quand vous arrivez à recycler vos déchets, quand vous arrivez à utiliser moins d'eau, moins d'énergie, ce sont des économies d'échelle pour l'entreprise.
RTL : Dans le débat sur les transports, comment ramener les émissions de gaz à effet de serre dans des limites raisonnables ? Quels moyens de coercition avez-vous pour forcer les industriels à respecter des normes ?
C. Lepage : Lorsqu'il s'agit d'entreprises qui sont soumises à certaines législations comme les installations classées, les procédures existent dans les textes.
RTL : Qu'est-ce qu'on leur fait ?
C. Lepage : L'inspection des installations classées fait des mesures et lorsqu'elles ne sont pas respectées, elle le fait savoir. Mais le problème que nous avons est beaucoup plus un problème de transport qu'un problème de pollution industrielle, aujourd'hui. C'est un problème de sources mobiles, c'est-à-dire les automobilistes que nous sommes tous qui contribuent le plus à la pollution de l'air aujourd'hui.
RTL : On a l'impression que pour le pot catalytique, tout le monde a dû insister beaucoup pour que les industriels s'y mettent ?
C. Lepage : C'est vrai. Mais maintenant, tout le monde reconnaît que c'était une nécessité et heureusement, même les diesels vont être catalysés à partir d'octobre 1996.
RTL : Et les écologistes et les industriels se regardent plutôt en chien de faïence. Avez-vous un moyen de les amener les uns les autres à discuter ensemble ?
C. Lepage : Oui, je crois qu'il faut de plus en plus faire de la concertation, des discussions. A Cabourg, nous avez reçu les organisations non-gouvernementales internationales. C'était une première, qu'un sommet du G7-environnement les invite, et ça s'est remarquablement bien passé. Ce qui prouve que nous avons tous des choses à nous dire et qu'en termes de transparence dans l'action publique, de négociation, de concertation, eh bien nous pouvons tous avancer ensemble, et je crois que c'est comme ça que les choses progresserons. Ce n'est pas les « les uns contre les autres », c'est « tous ensemble ».
RTL : Vous préparez un texte sur la transparence en matière de production, en matière d'information sur la production. Quels vont être les organismes mis en place pour être un peu au courant de courant de ce qu'il se passe ?
C. Lepage : Au Journal officiel d'hier est paru le texte concernant la commission nationale du débat public, qui permettra, pour des grands projets d'infrastructure, un débat national, ça n'existait pas encore dans notre pays.
RTL : Sur quoi par exemple ?
C. Lepage : Cela pourrait être sur une très grande infrastructure, oui sur une très grande infrastructure. Cela aurait pu être, si les décisions n'avaient pas déjà été prises, donc on ne va pas revenir en arrière, mais le TGV sud-est, par exemple, aurait pu être l'occasion d'une commission nationale du débat public. Et puis il y en aura d'autres.