Texte intégral
La bataille de Paris pour une eau de qualité
Chirac : « Vingt ans de travaux pour moderniser les égouts »
Un nouveau barrage de 100 millions de mètres cubes sur l’Yonne ou la Marne. L’usine de traitement d’eau d’Ivry totalement rénovée en 1991.
Au cours des « Journées nationales de l’eau », le maire de Paris rappelait qu’en1832 le choléra, propagé par des eaux contaminées, ravageait la capitale. Mais, aujourd’hui, de nouvelles menaces dues aux pollutions modernes, à la sécheresse et à la vétusté de certaines installations se multiplient. « France-Soir » a demandé à Jacques Chirac d’expliquer comment il comptait gagner la bataille de l’eau.
France-Soir : Les égouts de Paris sont assez vétustes. Pensez-vous doter un jour la capitale d’un réseau moderne ?
Jacques Chirac : La Ville de Paris a certainement un des réseaux d’égouts les plus remarquables du monde, et il faut rendre hommage à ceux qui, il y a plus d’un siècle, l’ont conçu et pour une large part réalisé. Mais une partie de ces ouvrages qui ne sont pas toujours construits dans de très bons terrains a besoin d’être confortée pour ne pas risquer d’affaissements aux conséquences graves. Il faut aussi améliorer le fonctionnement du réseau et ses conditions d’exploitation, pour remplacer des méthodes et des équipements hérités du passé - imposant des conditions de travail souvent pénibles à nos égoutiers - par des procédés plus performants tirant parti des connaissances et des technologies disponibles pour répondre aux exigences d’aujourd’hui et de demain. La maîtrise et le traitement des flots d’orage pour mieux protéger la Seine est une vaste tâche à laquelle nous allons nous attaquer résolument.
France-Soir : Que coûteront de tels travaux ?
Jacques Chirac : Le programme d’investissement a été chiffré à 800 millions de francs pour les cinq prochaines années, et il faudra sans doute dépenser plus de 4 milliards au cours des 15 ou 20 prochaines années pour mener à son terme la modernisation que nous entreprenons.
France-Soir : Le barrage Aube sera inauguré en juillet. Avez-vous d’autres projets de ce type ?
Jacques Chirac : Avec le barrage Aube, s’achève un programme conçu dans les années 1920 pour protéger la région parisienne contre les inondations et soutenir les étiages. En période de sècheresse comme aujourd’hui, les 840 millions de mètres cubes d’eau qu’ils contiennent sont un atout considérable pour notre région. Je souhaite cependant que l’on pense à l’avenir, et que l’on engage une étude approfondie de construction de barrage supplémentaire. Plusieurs sites sont envisageables, dans le bassin de l’Yonne et dans le bassin de la Marne, pour réaliser une retenue de l’ordre d’une centaine de millions de mètres cubes d’eau. Nous avons maintenant le devoir d’y travailler.
France-Soir : Comment luttez-vous contre les déperditions d’eau ?
Jacques Chirac : C’est depuis longtemps une sérieuse préoccupation et c’est pourquoi en 1984 j’ai engagé une importante réforme de notre dispositif d’adduction, de traitement et de distribution de notre eau potable. L’un des objectifs est de réduire les déperditions d’eau qui étaient de 300 000 mètres cubes par jour en 1976, soit le tiers de l’eau que nous produisons. Grâce aux travaux réalisés depuis cinq ans pour rénover les canalisations et les joints d’un réseau qui a, je le rappelle, plus de cent ans d’âge, nous avons réussi à réduire ces déperditions de près de la moitié et nous avons pour objectif d’abaisser ce taux à 10 % de déperdition en 1991.
France-Soir : Et pour renforcer la qualité ?
Jacques Chirac : Nous rénovons successivement nos trois usines de traitement de l’eau de rivière : la filière de traitement de l’usine d’Orly a été améliorée et modernisée dès 1988 ; l’usine d’Ivry sera complètement rénovée fin 1991, puis la rénovation complète de l’usine de Saint-Maur sera engagée dès 1992. Par anticipation sur ces travaux, une unité de traitement par l’ozone y est en cours de réalisation.
France-Soir : Vous avez annoncé lors des Journées de l’eau la réalisation d’une grande canalisation qui conduirait directement l’eau peu polluée des barrages vers Paris. Pouvez-vous en préciser l’objectif ?
Jacques Chirac : La Ville de Paris tire son eau pour moitié de pompage en Seine ou en Marne et pour une autre moitié de sources réparties dans un rayon de 150 kilomètres autour de Paris. Ces deux provenances de notre eau sont satisfaisantes, mais, il faut bien le dire, commencent à nous préoccuper en raison de leur vulnérabilité à différentes formes nouvelles de pollution (fertilisants, pesticides, pollutions pluviales, pollutions accidentelles…). Donc, là encore, nous avons le devoir de penser à l’avenir, et il nous faut reprendre des projets qui avaient été imaginés au début du siècle. Mais entre-temps nous avons réalisé ces importantes retenues d’eau que sont les barrages-réservoirs à environ 200 kilomètres de Paris. C’est pourquoi je demande que l’on étudie la réalisation d’une conduite d’alimentation en eau potable qui aurait pour avantage de ne pas perdre d’eau en cours de route, donc de l’économiser, et de ne pas la polluer pendant son transport. De tels systèmes existent à New York, Los Angeles et Stuttgart et nous allons les étudier de près.
Recueillis par Roger Laurent