Texte intégral
Revue politique et Parlementaire :
Pouvez-vous nous exposer les grandes lignes de votre politique en matière d’équipement de transport et de logement et nous définir vos priorités ?
Jean-Claude Gayssot :
Les compétences du ministère dont j’ai la charge sont étendues. Il s’agit de l’équipement, mais également de tous les modes de transport – aérien, fluvial, routier, ferroviaire, maritime – et du logement qui doit s’inscrire dans le cadre plus large de l’aménagement urbain.
C’est un atout. Un atout pour parvenir à une meilleure cohérence entre politique des transports et la politique d’aménagement urbain. Un atout pour assurer un meilleur équilibre entre les différentes modes de transports.
La croissance des déplacements est nécessaire. Elle est intimement liée à la croissance économique et je suis persuadé que la mobilité des personnes est partie intégrante de la liberté. Or, si nous poursuivions les logiques antérieures, on assisterait à une croissance très forte du routier, à un déclin du rail et à un effondrement du fluvial. Cette évolution conduirait d’ailleurs à l’asphyxie de la route et des villes.
Je souhaite donc permettre aux autres modes de transport de trouver une place qui corresponde à leurs qualités spécifiques et qui réponde à une aspiration de nos concitoyens à une meilleure qualité de vie, autrement dit, Rééquilibrer !
C’est la raison pour laquelle j’ai plaidé pour que le gouvernement s’engage résolument dans une politique de développement des transports collectifs et du transport ferroviaire et consacre une attention nouvelle à la voie d’eau. C’est une question d’efficacité pour l’économie nationale mais c’est aussi un choix de société.
J’ai également conscience de la part primordiale de la sécurité dans la politique des transports. J’ai été confronté, depuis mon arrivée, à de terribles accidents.
Tous m’ont conforté, s’il en était besoin, dans l’idée qu’il fallait déployer une politique de prévention et de secours à la hauteur d’une exigence vitale. C’est pourquoi le gouvernement s’est engagé dans une vraie bataille pour réduire de moitié la mortalité sur les routes. J’ai donné des moyens supplémentaires pour la résorption des passages à niveaux mais aussi pour les secours en mer ou pour favoriser les enquêtes, notamment sur les accidents d’avion. C’est aussi pour cela que j’ai souhaité consacrer une part plus importante à l’entretien routier et à la sécurité routière, dans les deux budgets que j’ai eus la responsabilité d’élaborer.
Je voudrais aussi insister sur le recentrage nécessaire de mon ministère sur les questions urbaines. En matière d’équipement, s’il faut poursuivre nos efforts en faveur du monde rural, on ne peut pas ignorer que 80 % des Français habitent en ville et que le fait urbain s’impose à l’ensemble du territoire.
Autre priorité de mon ministère : le droit au logement. Dans ce domaine, beaucoup avait été conjugué en négatif. Avec mon collègue Louis Besson, je crois qu’en un an, nous sommes parvenus à consolider les programmes de construction et de réhabilitation en même temps que les familles ont bénéficié d’une aide plus importante, grâce notamment à la revalorisation des aides au logement. Par ailleurs, deux dossiers difficiles, dont le financement n’était assuré que jusqu’en 1998, ont pu être réglés dans de très bonnes conditions. En premier lieu, nous nous sommes mis d’accord avec les partenaires de ce que l’on nomme communément le 1 % patronal, pour garantir, sur le long terme, les moyens du 1 % en faveur du logement, et de définir de nouvelles modalités d’emploi, en particulier celles qui permettent la sécurisation des accédants à la propriété et des locataires. En second lieu, la mise au point du projet de statut du bailleur privé permet de mettre en place les conditions pérennes, équilibrées et sécurisées du développement d’un parc de logements à loyers maîtrisés, et ceci dans la construction neuve comme dans le parc existant.
Ces deux dossiers montrent la double inflexion qui caractérise les politiques du ministère : sécurité et justice sociale d’une part, pérennité et stabilité d’autre part.
Revue politique et Parlementaire :
De quel budget dispose le ministère de l’Équipement, des Transports et du Logement et ce qu’il représente dans l’économie nationale ?
Jean-Claude Gayssot :
Le projet de budget pour 1999 représente 160 milliards de francs, soit environ 10 % du budget de l’État. Il est en augmentation de 3,2 % par rapport à 1998, en intégrant l’évolution des dotations à Réseau Ferré de France (RFF).
Les inflexions amorcées dans le budget 1998 pour commencer à traduire les priorités du gouvernement sont confirmées et amplifiées dans le budget de 1999 : consolidation et pérennisation des politiques du logement et d’aménagement urbain ; volonté de développer les transports collectifs et de donner un contenu à l’objectif d’intermodalité par un rééquilibrage durable des interventions de l’État entre les différents modes de transport ; plus grande sécurité des déplacements.
Pour autant, c’est aussi un budget de transition. L’année 1999 sera marquée par la réflexion menée sur tout le territoire autour de la préparation des schémas de service de transports, destinés à dessiner les déplacements et le cadre de vie de nos citoyens à l’horizon 2020. Cette prochaine année sera aussi celle de la négociation des futurs contrats de plan, dans lesquels ces priorités devront nécessairement trouver leur place.
L’ensemble des actions développées par mon ministère ont un impact économique et social considérable sur tout le territoire et agissent fortement sur l’emploi et la croissance. Cela recouvre aussi bien la réalisation d’infrastructures – routières, ferroviaires, fluviales, portuaires et aéroportuaires – que la fourniture de services, en particulier dans les domaines du transport (routier, ferroviaire, fluvial, maritime et aérien), du logement et du tourisme.
Répondant à des besoins essentiels de la vie quotidienne – se loger, se déplacer, travailler dans un cadre de vie épanouissant – les secteurs économiques relevant du bâtiment et des travaux publics, des transports, du tourisme sont activement présents sur tout le territoire. Ensemble, ils créent une valeur ajoutée dont le montant global avoisine 1 100 milliards de francs, ce qui équivaut à 13,5 % du produit intérieur brut. Ils emploient 3 700 000 personnes, ce qui représente 16,5 % de l’emploi intérieur, toutes branches économiques confondues.
Ils disposent d’une gamme très large d’entreprises : de grands groupes industriels et de services publics et privés, souvent implantés dans le monde entier, y côtoient un réseau très dense de petites et moyennes entreprises et un secteur artisanal très diversifié. Ils font preuve d’un savoir-faire technologique reconnu dans le monde entier, notamment pour les ouvrages d’art, le matériel ferroviaire (TGV) ou aérien (Airbus)… Ils contribuent de manière significative à l’effort d’investissement. Deux chiffres en témoignent : la formation brute de capital fixe des entreprises des branches retenue, avec 168 millions de francs, représente le cinquième du total des entreprises (sociétés et entreprises individuelles) ; les investissements des grandes entreprises nationales qui relèvent directement et indirectement de la tutelle du ministère (Réseau Ferré de France, SNCF, RATP, sociétés concessionnaires d’autoroutes, Voies Navigables de France, ports autonomes et d’intérêt national, S.N.C.M., Aéroports de Paris et aéroports de province, groupe Air-France) s’élèvent en 1998 à près de 57 milliards de francs. Il en résulte un effet d’entraînement positif sur les secteurs liés (maîtrise d’œuvre, matériaux et équipements de construction, matériels de chantier et de transports, immobilier, location, environnement, services financiers).
Que ce soit à court, moyen ou long terme, les investissements collectifs, issus des secteurs dépendant du ministère, ont une forte incidence sur l’emploi et la croissance économique.
Les équipements publics ont un effet sensible sur l’emploi : ainsi, dans le secteur des travaux publics, un milliard de francs de commandes représente environ trois mille emplois directs et indirects créés ou maintenus.
Revue politique et Parlementaire :
Vous affirmez une priorité donnée au ferroviaire. En avez-vous les moyens, au-delà des discours ?
Jean-Claude Gayssot :
En février dernier, le gouvernement a clairement exprimé sa priorité au développement du ferroviaire, en la traduisant en engagements financiers. Ainsi, il a été décidé de tripler, par rapport à 1997, les concours de l’État au financement des infrastructures ferroviaires au terme du prochain contrat de plan.
En 1998, les crédits provenant du Fonds d’Investissement des Transports Terrestres et des Voies Navigables (F.I.T.T.V.N.) affectés au ferroviaire ont augmenté de 33 % par rapport à 1997. En 1999, cet effort sera poursuivi avec une nouvelle augmentation de 28 %.
Cette progression des crédits pour le ferroviaire permettra de poursuivre le programme de construction et d’étude des lignes à grande vitesse. Ont été ainsi engagées les études d’avant projet détaillé du TGV Est et les études préparatoires à l’enquête d’utilité publique du TGV Rhin-Rhône. De même, les liaisons s’inscrivant dans le programme « Réseaux Transeuropéen » de la communauté européenne – Perpignan-Figueras et Lyon-Turin – font l’objet d’études approfondies. J’ai précisé dernièrement les choix de tracé du côté français pour la ligne à grande vitesse Lyon-Turin et annoncé que des premiers travaux pourraient prochainement s’engager, avant même la réalisation de la ligne, pour améliorer les lignes existantes afin de favoriser le trafic fret dans la région.
En même temps, l’effort sera accru pour la modernisation et l’amélioration du réseau existant, notamment dans le cadre des contrats de plan État-régions. La création de plates-formes de transport combiné, la création et l’amélioration des dessertes régionales, l’électrification de lignes, le contournement d’agglomérations dont les lignes, sont aujourd’hui saturées, la création de corridors de fret européens, tout cela devrait améliorer la qualité des services offerts aux voyageurs et favoriser le développement du fret ferroviaire.
Alors que dans le XIe plan, seulement 200 millions ont été consacrés aux contrats de plan, l’État proposera, pour le prochain plan, de porter sa participation au financement des investissements ferroviaires à 500 millions de francs par an au moins.
Une première étape sera franchie dès 1999 avec une participation de l’État à hauteur de 300 M.F. pour rattraper le retard pris jusqu’en 1997 dans l’exécution des contrats de plan.
La priorité au transport ferroviaire se manifeste également par la volonté de rétablir durablement la situation financière des entreprises ferroviaires. Ainsi, après l’allégement supplémentaire de la dette de la SNCF intervenu en 1998, Réseau Ferré de France (R.F.F.) bénéficiera d’une dotation accrue en capital lui permettant de maîtriser son endettement.
L’ensemble de ces orientations – je pourrais dire ces réorientations – contribueront à un rééquilibrage durable des modes de transport. Le ferroviaire en est le maillon essentiel.
J’ajouterai que l’amélioration de la chaîne de transport de fret constitue une ardente obligation pour assurer la compétitivité des entreprises françaises dans le marché européen. Cet objectif d’amélioration se traduit par des mécanismes d’aide renforcés en faveur de la remise en état de certaines infrastructures portuaires et de l’amélioration de la desserte de ces ports maritimes, notamment la desserte ferroviaire.
Revue politique et Parlementaire :
Quelles sont aujourd’hui les mesures envisagées par le ministère des transports pour améliorer la qualité et les performances des transports publics en ville ?
Jean-Claude Gayssot :
Jusqu’à présent, la ville a voulu s’adapter à la voiture avec les résultats que l’on sait en terme de congestion, de pollution et de bruit. En région parisienne, faute de liaisons suffisantes pour les déplacements de banlieue à banlieue, 80 % des habitants utilisent leur voiture pour satisfaire leurs besoins de mobilité. Je considère aujourd’hui qu’il est urgent de changer la donne en développant des transports collectifs de qualité dans des contextes urbains modernisés permettant une meilleure complémentarité entre les modes de transport. Il ne s’agit pas de diaboliser la voiture dont les qualités sont indéniables, mais de mieux prendre en compte chaque catégorie d’usager, les utilisateurs des transports en commun, les automobilistes, les piétons et les cyclistes.
Développer les transports en commun passe forcément par de nouvelles infrastructures. De ce point de vue, j’accorde une grande importance au développement des transports légers, de surface et en site propre, comme le bus ou le tramway. Le tramway présente l’avantage d’être non polluant, peu bruyant, peu consommateur d’espace et constitue un outil de requalification urbaine intéressant et économique. Onze projets, soit 120 km de liaisons nouvelles en sites propres sont actuellement lancés en province grâce au soutien de l’État.
Mais au-delà des infrastructures, la qualité du service est au cœur de ma démarche. Je considère que le service public doit être accessible à tous les publics. Pour cela des tarifs différenciés, adaptés aux différentes clientèles, sont nécessaires. C’est dans cet objectif que j’ai initié le « chèque mobilité » dont bénéficient déjà 163 000 demandeurs d’emplois et allocataires du RMI en Ile-de-France. La démarche est identique pour la carte « imagine R », qui permet aux scolaires et aux étudiants de réduire leur dépense transport pour leurs déplacements quotidiens et leur offre la possibilité de se déplacer librement dans toute l’Ile-de-France le week-end et les jours fériés.
Pour les personnes âgées mais aussi pour celles qui sont accompagnées d’enfants en poussette et, a fortiori, pour les personnes handicapées, les transports publics doivent aussi d’adapter. À l’initiative de la France, une proposition de directive européenne relative aux règles de construction de bus et de cars prévoit l’accessibilité obligatoire des nouveaux véhicules. En l’an 2000, tous les nouveaux véhicules seront rendus plus accessibles grâce à des planchers abaissés. Par ailleurs, avec le COLITRA (Comité de liaison pour le transport des handicapés), j’ai décidé de lancer un audit sur le taux de disponibilité des installations prévues pour les handicapés (ascenseurs, rampes d’accès, escaliers spécialisés…) afin de prendre les mesures adéquates pour améliorer cette disponibilité.
La qualité, c’est aussi la ponctualité et l’information. De plus en plus de gares et d’arrêts de bus sont équipés de systèmes d’information en temps réel sur la circulation des trains. Ces informations sont très appréciées des voyageurs. Les technologies nouvelles ont aussi permis des progrès significatifs en matière de sécurité des voyageurs. Dans le cadre du plan en douze points que j’ai mis en place pour lutter contre l’insécurité dans les transports collectifs, le Syndicat des transports parisiens a établi, avec la Région, un programme de 300 MF, destiné à développer la vidéosurveillance des gares et la radiolocalisation des autobus. En province, j’ai augmenté la participation de l’État de 30 à 50 % pour aider les collectivités locales à procéder à des investissements de même nature. Mais dans le même temps, il me paraît essentiel de renforcer la présence humaine sur les réseaux de transport. D’ici la fin de l’année 2000, 1 600 agents de la RATP et de la SNCF se verront ainsi confier des missions d’information, d’accueil et de prévention. À cela s’ajoutent les 1 700 emplois jeunes recrutés en 1998 à Paris et en province.
Pour conclure, je dirai qu’il me paraît aujourd’hui nécessaire d’orienter nos efforts sur l’urbain dans l’objectif d’une meilleure qualité de vie. Cela passe par une meilleure offre de transports publics, mais aussi par la mise en œuvre d’une politique du logement équilibrée, soucieuse d’une plus grande justice sociale et respectueuse de l’environnement. Cette préoccupation m’a conduit à lancer un grand débat national sur le thème de l’urbanité.
Il nous faut aujourd’hui, avec les institutionnels, les élus, les acteurs de terrain, les usagers, les associations et les experts scientifiques repenser la ville et les transports. Nous ne pouvons plus mettre en place des politiques de déplacement sans penser à leurs répercussions sur les formes urbaines et, réciproquement, nous ne pouvons plus penser les formes urbaines sans une nécessaire réflexion sur les déplacements et le cadre de vie.
Revue politique et Parlementaire :
Dans le domaine des transports et de l’équipement public, pouvez-vous nous présenter les plus importants chantiers inaugurés cette année et ceux prévus dans un avenir proche ?
Jean-Claude Gayssot :
Pour ce qui est des transports collectifs, deux nouvelles extensions de ligne de tramway ont été inaugurées à Strasbourg et à Rouen au cours des derniers mois écoulés. En Ile-de-France, plusieurs inaugurations ont également eu lieu : le prolongement de la ligne 13 du métro, la mise en service des gares du stade de France et celle de la ligne 14 du métro.
Mais les inaugurations appartiennent au passé. En province, des chantiers ont été ouverts en 1998 à Saint-Etienne, Rennes, Nantes, Orléans, Strasbourg et Saint-Denis de la Réunion. Des mises en service de lignes nouvelles sont prévues début 1999 à Lille, Lyon et Grenoble. Par ailleurs, j’ai pris en considération la réalisation de huit projets, de liaisons en site propres à Brest, Nantes, la Seyne-Toulon, Maubeuge, Valenciennes, Lyon et Bordeaux. Je rappelle que les crédits consacrés au développement des transports collectifs de province, en 1999, sont en augmentation de plus de 10 % dans mon budget.
En Ile-de-France, plusieurs chantiers seront ouverts en 1999 dans le cadre de l’achèvement des réalisations prévues au XIe contrat de plan. Le XIIe contrat de plan, qui sera signé en 1999, s’attachera à développer les transports collectifs en banlieue ainsi que les liaisons en rocade autour de Paris, en moyenne et grande ceinture. Ainsi, le projet Orbitale, qui vise à établir une double rocade en petite et en moyenne banlieue, pourrait se poursuivre dans le cadre de ce XIIe plan. Le tramway Saint-Denis-Bobigny serait prolongé jusqu’à Val-de-Fontenay à l’Est et jusqu’à Nanterre-la-Boule à l’Ouest. Le tramway entre Issy-les-Moulineaux et la Défense serait pour sa part prolongé jusqu’au pont de Bezons au nord et jusqu’au Val-de-Marne au sud. En prolongeant les lignes de métro, en restructurant le réseau de bus, la double boucle Orbitale serait connectée aux lignes radiales déjà existantes. Le maillage de la région parisienne devrait alors permettre d’effectuer tous les types de trajets dans les mêmes conditions de rapidité et de confort : banlieue-banlieue, Paris-banlieue et Paris-Paris.
Autre grand projet pour l’Ile-de-France la tangentielle Nord, entre Sartrouville et Noisy-le-Sec, aujourd’hui exclusivement dédiée au fret, sera réouverte aux voyageurs. Il en est de même des autres projets de tangentielle à l’ouest et au sud.
Pour ce qui est des routes, je ne rentrerai pas dans le détail des sections mises en service en 1998, mais il faut savoir que cela dépasse les 500 km. 1 000 km d’autoroutes concédées et des centaines de km d’autoroutes et de routes nationales sont actuellement en travaux.
Parmi les opérations majeures prévues à court terme, je citerai l’achèvement des 340 km de l’A75 entre Paris et Béziers et la réalisation du viaduc de Millau dont l’ouverture est prévue en 2003. Je signale aussi l’approbation toute récente de la déclaration d’utilité publique de l’A19 entre Artenay et Courtenay qui permettra de faire le lien entre A6 et A10 sans passer par la région parisienne.
Sur les routes, la priorité actuelle est clairement à l’entretien, à l’exploitation et à la sécurité. Cet aspect a été délaissé ces dernières années et je me suis rendu compte de situations préoccupantes dans ce domaine. Cela m’a amené à prendre les discussions pour que des axes dangereux soient aménagés en priorité. C’est le cas de la RN 10, de la RN 7 et de la RN 21 entre Tarbes et Lourdes. Cette réorientation ne signifie pas, comme je viens de le souligner, qu’on ne construira plus ni routes ni autoroutes. Mais derrière cette problématique – entretien, exploitation, construction – c’est la question du financement des routes et des autoroutes qui est posée.
Aujourd’hui, le système français de concession des autoroutes repose sur la pratique de l’adossement, c'est-à-dire le financement de nouvelles sections par d’anciennes largement amorties. Ce dispositif a permis à la France de se doter en 30 ans d’un réseau d’autoroutes moderne, sans financement de l’État. Mais le mécanisme est pervers car il incite à répondre à tout besoin d’infrastructure par la création d’une autoroute. C’est ainsi que des projets à la rentabilité incertaine et dont l’insertion dans l’environnement est difficile, ont vu le jour.
Nous travaillons donc à un rééquilibrage du système afin d’introduire davantage de rationalité dans les choix. Il s’agit d’apporter des réponses différenciées aux problèmes posés. Cette remise à plat fera l’objet d’un projet de loi sur le financement des routes et des autoroutes.
De nombreuses décisions que j’ai déjà détaillées précédemment ont été prises concernant le transport ferroviaire (TGV Est, TGV Rhin-Rhône, amélioration des liaisons existantes). Je n’y reviens pas.
Dans le secteur aérien, la construction de deux nouvelle pistes à Roissy devrait permettre un développement de cet aéroport. Cette décision aura des retombées économiques importantes puisqu’un million de passagers supplémentaires se traduit par la création de mille emplois directs et de mille emplois indirects.
Or, il est prévu que le nombre de passagers à Roissy croisse de 20 millions dans les prochaines années pour passer de 35 à 55 millions. L’impact sur l’emploi sera donc considérable. Cette croissance se fera dans le respect de l’environnement des riverains. J’ai pris en effet des engagements clairs pour limiter les émissions sonores à leur niveau de 1997. Des premières décisions ont déjà été prises en 1998.
Dans le domaine portuaire, je souhaite que nos ports retrouvent une bonne place dans la desserte de notre pays. Le projet de réaménagement du port du Havre, dit port 2000, qui a fait l’objet d’un grand débat public, permettra d’accueillir une part plus élevée du trafic de conteneurs de façon à être mieux positionné face à la concurrence des ports du nord. Le gouvernement prendra position sur les concours de ce projet avant la fin de l’année, ce qui permettra de lancer l’enquête publique. Concernant le port de Marseille il me paraît nécessaire de conforter et de développer cette grande place portuaire qui constitue une base d’activités multiples, notamment industrielles. Enfin, dans le secteur fluvial que nous voulons développer, un débat important a eu lieu sur le choix du tracé du canal Seine-nord. Différentes options existent aujourd’hui, chacune renfermant des points forts. Un travail est aujourd’hui en cours sur l’articulation du canal avec le canal de Dunkerque et la vallée de l’Oise. Cette réflexion doit aboutir mais d’une manière générale, le réseau fluvial dispose d’ores et déjà de capacités qui ne sont pas complètement utilisées et qui permettent l’utilisation de la voie d’eau dans le cadre d’un transfert intermodal.
Revue politique et Parlementaire :
Dans le domaine ferroviaire, vous souhaitez « réformer la réforme » de la SNCF, adoptée par la précédente majorité afin de renforcer l’efficacité, l’unicité et la pérennité du système public ferroviaire. Pouvez-vous davantage nous éclairer sur le sens de cette nouvelle politique et nous définir les objectifs majeurs de cette future réforme ?
Jean-Claude Gayssot :
Peu après mon arrivée, j’ai engagé une réflexion approfondie et de larges consultations sur la réforme du secteur ferroviaire mise en œuvre par la précédente majorité. Comme je l’avais indiqué dès le départ, il ne s’agissait pas de revenir à la situation initiale (il aurait été absurde de remettre la charge de la dette sur la SNCF), mais de renforcer l’efficacité, l’unicité et la pérennité du service public ferroviaire.
Cette démarche m’a conduit à formuler, en juin 1998, des propositions concrètes sur la « réforme de la réforme » du secteur ferroviaire s’articulant autour de trois objectifs principaux : stabiliser la situation financière de RFF, renforcer l’unicité du système public ferroviaire, renouveler les rapports sociaux au sein de la SNCF.
La stabilisation de la situation financière de RFF, qui n’était pas assurée dans le schéma initial, est indispensable pour assurer la pérennité du système ferroviaire dans son ensemble. Le gouvernement a décidé de poursuivre et d’amplifier les efforts entrepris en ce sens en 1997 et 1998, en consacrant un montant de 37 milliards de francs à la stabilisation de la dette de RFF sur les trois prochaines années (1999-2001).
Pour renforcer l’unicité et une meilleure efficacité du système public ferroviaire, j’ai proposé la création d’un Conseil supérieur du service public ferroviaire. Cette instance sera chargée de veiller à l’évolution équilibrée de la SNCF et de RFF et au respect de leurs missions de service public, de concourir à la coordination entre ces deux entreprises, de débattre des stratégies de développement du transport ferroviaire, et d’évaluer l’efficacité économique et sociale globale du secteur ferroviaire pour proposer, s’il y a lieu, les évolutions nécessaires. Le Conseil supérieur sera chargé d’effectuer, à terme, une évaluation de la réforme, sur le plan financier, de l’unicité du service public, et des rapports sociaux. Ses attributions exactes seront définies par décret, dans le respect des prérogatives de l’État et de l’autonomie de gestion des établissements publics.
Enfin, rien ne se fera sans la mobilisation des hommes et des femmes de la SNCF. Je souhaite donc que de nouveaux rapports sociaux puissent s’établir, pour associer chacun aux progrès nécessaires en matière d’efficacité économique et sociale. L’infléchissement engagé en 1997 en matière d’évolution des effectifs, ainsi que les garanties que j’ai apportées sur le statut des cheminots devraient permettre de favoriser l’émergence de ces nouveaux rapports sociaux.