Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames, Messieurs,
La préservation des richesses naturelles de l’Europe est un défi que nous devons relever en cette fin de millénaire. La prise de conscience de la valeur que représente la diversité biologique a trouvé son point d’orgue à la conférence de Rio avec la signature de la convention sur la biodiversité. Le Conseil de l’Europe a été un pionnier dans ce domaine, grâce aux recommandations et aux conventions qu’il a suscitées : je citerai en particulier la convention de Berne. Cette convention peut s’imposer comme une application régionale de la convention sur la biodiversité : la déclaration de Monaco a ouvert un chemin dans ce sens.
Je souhaite que les travaux du Conseil de l’Europe demeurent empreints du réalisme et du pragmatisme que nécessite le développement durable et qu’il assure dans cet esprit le suivi de la stratégie pan-européenne de la diversité biologique et paysagère en liaison étroite avec le PNUE
Je viens de citer la convention de Berne. Je ne manquerai pas de souligner aussi l’intérêt de la directive habitats, faune, flore, de l’Union européenne qui en est l’application concrète au sein des 15 pays de l’Union européenne et du réseau NATURA 2000 qui l’appui.
La réflexion que je voudrais que nous conduisions ensemble repose sur la démarche suivante :
1. Mesurer – 2. Agir– 3 Coopérer
1. Mesurer
L’élément fondamental de toute politique de préservation de la diversité biologique repose sur la connaissance de la richesse de son propre patrimoine naturel. Nous l’avons bien compris désormais : c’est parce que nous pouvons faire état d’un inventaire sur des bases scientifiquement reconnues et donc incontestables que nous pouvons à la fois :
– justifier les mesures de protection fortes sur certaines parties du territoire comme par exemple pour les parcs nationaux ou les réserves naturelles ;
– et mieux utiliser la biodiversité pour produire de façon plus autonome ou économe sur l’ensemble du territoire.
II est indispensable de disposer d’instruments de mesure compatibles, d’une méthodologie commune. C’est le travail que nous avons demandé à l’Agence européenne de l’environnement d’accomplir avec l’appui du centre thématique Nature installé au Muséum national d’histoire naturelle. Nous souhaitons qu’une coopération durable puisse être instaurée dans ce domaine avec les pays d’Europe Centrale et Orientale sous la direction de l’Agence, sur la base du travail déjà réalisé grâce au rapport de Dobris.
2. Agir
Cette démarche « inventaire » conditionne à présent dans les pays de l’Union européenne la manière d’agir des structures gouvernementales qui traitent de l’environnement : il ne s’agit plus d’imposer, mais de dialoguer, d’aller au-devant de ceux qui aménagent ou qui exerceront des activités économiques dans les milieux naturels.
En effet, il est essentiel d’intégrer la conservation de la diversité biologique dans les politiques de développement durable.
Tous les pays européens se trouvent confrontés à des degrés divers à ce défi et il n’est pas facile d’intégrer les politiques de conservation dans des politiques telles que l’agriculture, l’aménagement du territoire, les transports, les politiques fiscales, etc.
Nous avons ainsi en France récemment réalisé un travail d’évaluation des politiques d’État sur les zones humides, qui nous a permis d’élaborer le plan d’action du gouvernement pour les zones humides. Ses objectifs sont d’assurer la cohérence de ces diverses politiques et l’intégration de la conservation des zones humides conformément à l’utilisation rationnelle préconisée par la convention Ramsar. C’est aussi essentiellement sur ces milieux, dont on sait combien ils sont menacés, qu’ont porté jusqu’à présent les efforts de notre coopération avec les pays d’Europe Centrale et Orientale en faveur de la biodiversité comme en Pologne, en Bulgarie et en Roumanie.
S’agissant de l’agriculture, on peut considérer que la demande de plus en plus forte de la société en faveur d’espaces ruraux, de paysages et de ressources naturelles de qualité, permettra d’accroître la mise en œuvre et le financement de pratiques agricoles respectueuses du patrimoine naturel. Cette évolution est de nature à favoriser les approches partenariales et contractuelles avec les agriculteurs. Pour la forêt la même démarche s’impose.
La diversité des espèces, des espaces, et des paysages est un atout essentiel pour le développement durable du monde rural et un facteur d’intégration de la protection du patrimoine naturel dans les activités agricoles.
Cette approche est actuellement mise en pratique en France dans le cadre des plans de développement durables présentés lors de la réunion de POZNAN organisé par les autorités polonaises et le Conseil de l’Europe et qui s’articulent autour de trois axes :
– la biodiversité est un partenaire pour la production agricole, pour la fourniture de nouvelles espèces, pour l’activité des sols, pour la bonne utilisation agricole de l’eau ;
– la protection de la biodiversité est une assurance vie par rapport aux grands équilibres ;
– la biodiversité est un atout pour le développement local c’est-à-dire le cadre de vie, le développement de l’éco-tourisme.
Ainsi la biodiversité, loin d’être une contrainte, est un véritable capital qu’il convient de faire fructifier pour n’en retirer que les intérêts afin de le préserver pour les générations futures.
C’est dans cet esprit que nous devons élaborer nos stratégies nationales de la biodiversité. La France est en train de préparer la sienne et je salue ici le travail déjà accompli par la Bulgarie dans ce domaine.
3. Coopérer
Le système politique et économique des Pays d’Europe Centrale et Orientale avait permis l’adoption comme à l’ouest de mesures de protection de milieux naturels remarquables (Parcs nationaux, réserves de biosphère). II y avait des différences dans les approches, mais la qualité de la protection de ces milieux était assurée avec de nombreuses équipes scientifiques reconnues dans le monde entier.
À présent, compte tenu des difficultés liées aux changements économiques, ces pays n’ont plus tous les moyens d’assumer les tâches qui leur sont assignées. Ce qui a été sauvegardé certes de manière un peu autoritaire sur le plan national par le passé risque de disparaître si au plan local, les moyens n’arrivent plus et les équipes scientifiques et de gardiennage sont démobilisées. Le braconnage risque par exemple de détruire les efforts de conservation menés à l’Est pendant les 50 dernières années.
C’est un véritable cri d’alarme que je lance : Il est du devoir de la communauté internationale d’aider les responsables environnementaux des pays d’Europe centrale et orientale à maintenir la qualité de leur biodiversité. Les instruments internationaux de soutien financier existent et il convient de les orienter non seulement vers le développement des infrastructures mais aussi vers la préservation des milieux naturels.
Je prendrai l’exemple du Fonds pour l’environnement mondial.
Aujourd’hui même, le Conseil du Fonds pour l’environnement mondial se réunit à Washington pour définir sa stratégie opérationnelle en particulier dans le domaine de la biodiversité.
Dès sa phase pilote, 43 % du montant total du Fond pour l’environnement mondial ont été consacrés à des projets concernant la biodiversité.
La contribution française au fond pour l’environnement mondial se double depuis juillet 1994 d’une contribution bilatérale parallèle de 440 MF appelé Fonds français pour l’environnement mondial.
Les financements ouverts au titre du Fonds français pour l’environnement mondial sont accessibles aux pays d’Europe centrale et orientale et viennent en bonification des outils classiques utilisés pour le financement de projets.
L’efficacité oblige à une sélection rigoureuse en privilégiant les projets novateurs et reproductibles. Une part significative du Fonds français pour l’environnement mondial (environ 40 %) pourra venir en appui de projets relatifs à la biodiversité et la France est prête à mettre son expertise à la disposition des pays d’Europe Centrale et Orientale.
Enfin, je souhaite souligner l’intérêt des coopérations régionales nouées autour d’écosystèmes partagés. À cet égard, je me plais à souligner que notre président, le ministre Pavel GANTAR de Slovénie est actuellement président de la convention alpine qui réunit les pays de l’arc alpin de Monaco à la Slovénie. Cette convention régionale particulièrement active, véritable laboratoire de coopération multisectorielle pourrait inspirer d’autres efforts de coopération régionale pour la protection des montagnes en Europe dans le cadre de démarches de développement durable.
Le patrimoine naturel des pays d’Europe centrale et orientale représente une richesse unique en Europe que nos pays de l’ouest n’ont parfois pas su toujours conserver : je pense à l’ours en France que nous ne réussirons à préserver qu’avec l’aide de la Slovénie. Nos erreurs passées doivent servir de leçon pour nous tous : l’Europe n’a qu’un patrimoine et nous devons tout faire pour le transmettre aux générations futures.