Interviews de M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche, dans "Sorbonne(s) Nouvelles" de mai juin 1996, à RTL le 21 mai 1996 et à France 2 le 19 juin 1996, sur la méthode de concertation avec tous les partenaires concernés pour réaliser les États généraux de l'université et sur les grandes lignes de la réforme universitaire.

Prononcé le 1er mai 1996

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - France 2 - RTL - Sorbonne(s) Nouvelles - Télévision

Texte intégral

Date : mai/juin 1996
Source : Sorbonne(s) Nouvelles

Sorbonne(s) Nouvelles : Quel est votre rôle dans cette deuxième phase des états généraux de l'enseignement supérieur ?

François Bayrou : Le premier rôle il est à vous, c'est-à-dire au terrain, aux enseignants, aux étudiants et aux personnels des universités, parce que je sais qu'une réforme ne peut marcher que si elle est soutenue, que si elle a été définie en commun par tous ceux qui auront à l'appliquer. Mon rôle est également important parce que je dois essayer de rédiger les principes – avec l'accord de tous – qui vont organiser la réforme que nous allons entreprendre ensemble.

Sorbonne(s) Nouvelles : En décembre dernier, le mouvement étudiant réclamait non pas une réforme de l'université, mais plus de moyens, plus de locaux et plus de profs. Pensez-vous que les états généraux résoudront ces problèmes ?

François Bayrou : Oui, je pense qu'il faut des moyens, mais ce n'est pas le principal problème de l'université. Le principal problème de l'université, ce sont des défauts de conception et d'organisation qu'il est nécessaire de poser.

Sorbonne(s) Nouvelles : Quel sera le poids réel des réponses du milieu universitaire ?

François Bayrou : Je vous l'ai dit, je suis persuadé qu'il n'y a de réforme possible que si elle associe les acteurs. Les réformes qui tombent d'en haut sur la tête des étudiants et des enseignants provoquent systématiquement des rejets. À mon avis, c'est une idée qui ne tient pas la route. Je suis persuadé que si l'on associe les acteurs, à ce moment-là le bon sens l'emporte. Il y a beaucoup de points communs dans les positions des uns et des autres.

Sorbonne(s) Nouvelles : Concrètement, cela veut-il dire que le point de vue de chaque étudiant sera pris en compte ?

François Bayrou : Oui, puisque les textes vont être établis dans chaque université. Enfin c'est à vous de rencontrer votre président d'université et vos élus.

Sorbonne(s) Nouvelles : Vous aviez évoqué l'envoi d'un questionnaire (voir S(s)N n° 53).

François Bayrou : Ce ne sera pas un questionnaire, cela prendra une autre forme. Ce sera un livre de poche regroupant l'ensemble des questions et des dossiers pour nourrir votre réflexion.

Sorbonne(s) Nouvelles : Dans ce livre la question, pourtant importante, de la sélection n'est pas évoquée.

François Bayrou : Elle est évoquée, je suis sûr qu'elle sortira, c'est à l'occasion de la question de l'orientation que l'on va la voir posée. J'ai seulement indiqué qu’elle était ma position... Mais la question est ouverte, moi je ne veux pas fermer les portes de l'université. Le problème n'est pas qu'il y ait trop d'étudiants, le problème c'est qu'il y a trop d'étudiants qui font des erreurs d'orientation. Et vouloir revenir à une université d'autrefois où l'on fermait les portes, ça ne me paraît pas une bonne chose. Alors je le dis.

Sorbonne(s) Nouvelles : Selon vous, il n'y a pas trop d'étudiants dans les universités françaises ?

François Bayrou : S'il y avait trop d'étudiants, vous vous n'y seriez peut-être pas. Quand on dit trop d'étudiants, ça veut dire : les autres sont de trop. C'est ça que ça veut dire. Quand vous dîtes qu'il y a trop d'étudiants, cela veut dire que vous vous sentez, vous, à votre place et que vous pensez qu'il y en a d'autres qui ne devraient pas y être. Pourquoi auriez-vous le droit et pas eux ?

Sorbonne(s) Nouvelles : Parce que j'ai le baccalauréat, premier diplôme universitaire…

François Bayrou : … Tout le monde a le bac.

Sorbonne(s) Nouvelles : Peut-être trop de monde ? Est-ce que l'on n'a pas trop baissé le niveau du bac avec l'objectif des 80 % de réussite ?

François Bayrou : Non, on ne l'a pas baissé. On a augmenté le niveau du bac si vous aviez passé le bac cette année, vous auriez vu que c'était un bac très assis sur l'écrit et beaucoup plus important. Moi ce n'est pas de ma faute si les gens réussissent leur bac. En tout cas, à des gens qui réussissent le bac, je ne vais pas dire : vous n'avez pas le droit de tenter votre chance à l'université.
Quant à l'objectif des 80 %, cela vient de M. Chevènement, pas de moi. Je me suis opposé à cette idée.


Date : mardi 21 mai 1996
Source : RTL

RTL : Hier, au syndicat étudiant UNEF-ID, aujourd'hui à l’Assemblée nationale, vous annoncerez des réformes sur l'enseignement supérieur pour le mois de juin après avoir tenu des états-généraux dans les universités françaises. Pourquoi cette rencontre avec les députés avant de rendre publique vos conclusions ? Qu'en attendez-vous ?

F. Bayrou : Il est normal que le Parlement s'exprime, lui aussi, sur les attentes des différents courants qui le composent en matière d'université. Cela fait plusieurs décennies, j'allais dire trente ans, que l'on essaye de répondre aux problèmes de l'université française qui a beaucoup changé et qui rencontre aujourd'hui des difficultés dont les étudiants souffrent et la nation aussi. Jusqu'à maintenant, on n'y est pas arrivé car chaque fois qu'une réforme est proposée, elle entraîne une réaction de rejet. La réforme est rejetée et c'est un cercle vicieux.

RTL : Selon vous, c’est la sérénité qui manque dans ce débat d'une façon générale, n’est-ce pas ?

F. Bayrou : Je crois qu'il était important de trouver une méthode dans laquelle chacun se sente associé, où chacun puisse dire son mot et où on puisse se mettre d'accord sur deux principes : le premier, à savoir celui de la nécessité d'une réforme en profondeur et le second, celui des principaux sujets qui doivent articuler la réforme.

RTL : Vous avez fini trois étapes dans votre conception de la réforme : l’étape des questions, l’étape des questions, l’étape des principes, l’étape des décisions. Beaucoup ont dit que ces trois étapes, c’est une façon de noyer le poisson. Est-ce vrai ?

F. Bayrou : Je suis ministre en charge de l'université depuis un an exactement et si nous faisons la réforme avant la fin du mois de juin et si elle est acceptée, c'est cela qui compte. Avoir conduit une réflexion, avoir posé les principes, avoir été capable de rassembler tout le monde autour des questions et essayer de proposer des réponses qui rencontrent l'accord le plus général, je trouve qu'en un an, cela aura été pas mal.

RTL : Le Président de la République a manifesté plusieurs fois, au cours de sa visite en Franche-Comté en mars, puis au conseil des ministres, récent, sa volonté de ne pas laisser les choses traîner trop longtemps. Est-ce un danger ou un soutien, cette impatience du Président ?

F. Bayrou : D'abord ce n'est pas de l'impatience. Le Président trace les voies et il a raison de le faire car c'est sa mission. Et deuxièmement, c'est un soutien chaque fois qu'il s'agit d'emporter les conservatismes, chaque fois qu'il s'agit de faire bouger les choses. On a besoin d'un Président qui s'intéresse aux sujets de société et qui soit capable, en effet, d'entraîner le mouvement.

RTL : Ce n’est pas à vous qu’il s’adressait en priorité en disant qu’il fallait aller un peu plus vite ?

F. Bayrou : Non, parce qu’il savait très bien depuis le mois de janvier… J’ai lancé les états-généraux le 21 octobre.

RTL : Malheureusement, il y a eu des mouvements étudiants ?

F. Bayrou : Oui, mais ce n’est pas de ma faute quand même. La réflexion a commencé au début du mois de janvier. Il y a donc cinq mois. Pour une réforme aussi profonde que celle-là, qui entraîne des réactions aussi vives habituellement dans la société française, on a besoin d'associer les acteurs. Tous ceux qui croient qu'on peut imaginer une réforme au sommet et l'imposer à la base, ceux-là se trompent, la base ne l'accepte pas. On l'a vu depuis trente ans. Il était temps de changer de méthode. Alors, quand on invente une méthode nouvelle, originale, c'est normal qu'il y ait ici ou là des surprises et des critiques.

RTL : Ici ou là ?

F. Bayrou : À gauche et à droite puisque, si j'ai bien lu les journaux, dans la grande masse de ceux qui approuvent la réforme et qui disent qu'en effet, au moins la méthode est acceptable, certains trouvent que ça va trop vite et d'autres que ça ne va pas assez vite. Lorsque vous êtes entre deux critiques contradictoires, ça prouve qu'au fond, vous n'êtes pas dans l'erreur.

RTL : Ceci étant, vous parlez de critique ici et là. Le RPR, qui vous a longtemps accusé d’immobilisme, organise un colloque sur la réforme de l’université avec deux propositions : statut de l’étudiant et référendum. Est-ce que ces deux propositions vous rendent la tâche facile ?

F. Bayrou : C'est normal que toutes les forces politiques, et singulièrement celles de la majorité, s'expriment dans un débat comme ça. Si je vais devant l'Assemblée nationale, si j'ai demandé un débat, c'est pour que la représentation du peuple français puisse se faire entendre. Qu'est-ce qu'on aurait dit si le gouvernement avait fait un débat où les députés n'aient pas été associés ? Les gens auraient considéré qu'il y avait une espèce d'abus de position dominante. Il est normal que tout le monde, les universitaires, les étudiants, les responsables publics, les élus, les collectivités locales et la nation s'expriment dans une affaire comme celle-là.

RTL : Lorsque B. Bourg-Broc parle du statut de l'étudiant, vous savez que ça coûte environ 60 milliards, comment pensez-vous, en cette période de vaches maigres, qu'il réagit, il exagère ?

F. Bayrou : Je crois qu'il y a deux problèmes différents. Il faudrait avoir un peu plus de temps que nous n'en avons pour les expliquer. Le premier, c'est que tout le monde reconnaît – j'étais hier devant le bureau national de l'UNEF-ID, ça n'arrive pas souvent qu'un ministre y soit invité, c'est même la première fois – tout le monde reconnaît que les aides sociales sont injustes. Pourquoi ? Parce qu'on aide les plus pauvres et on aide encore plus les plus riches. Et entre les deux, on n'aide pas. C'est une injustice, il faut donc changer les aides sociales aux étudiants en essayant de trouver un système qui soit accepté par tous les acteurs. Et deuxièmement, il y a le problème du volume des aides et du principe de l'organisation de ces aides. Faut-il qu'elles soient payées tous les mois ? Faut-il que ce soit une espèce de contribution garantie ?

RTL : Vous ne répondez pas tout à fait sur B. Bourg-Broc et sur le statut de l'étudiant ?

F. Bayrou : B. Bourg-Broc est député, il a parfaitement raison de s'exprimer sur un sujet comme ça. Je souhaite que tous les députés s'expriment. Il y a 24 inscrits au débat de l'Assemblée nationale, c'est la preuve que c'est un sujet qui suscite l'intérêt de tous et c'est heureux. Rien ne peut me rendre plus heureux que d'avoir des propositions nombreuses, intelligentes et talentueuses.

RTL : Même quand elles viennent de votre majorité ?

F. Bayrou : Surtout quand elles viennent de la majorité. Et je ne doute pas qu'elles viennent pour m'aider.

RTL : Vous êtes apparemment le moins populaire des centristes auprès des cadres du RPR. Il paraît qu’ils l’ont manifesté lors de la réunion du 5 mai dernier. Pourquoi, à votre avis ?

F. Bayrou : D'abord, je ne crois pas qu'il y ait mésentente ou impopularité. Ça se saurait, on en parlerait. Il y a deux partis dans la majorité, deux mouvements, l'UDF et le RPR. Les deux mouvements sont partenaires. Les deux mouvements doivent se respecter l'un l'autre. Ils composent la moitié de la majorité chacun. Rien ne pourra être fait si les deux ne sont pas associés. Le RPR ne pourra rien faire sans l'UDF et l'UDF ne pourra rien faire sans le RPR. Je suis de ceux qui en effet expriment cette exigence de partenariat, cette volonté de respect mutuel, cette exigence de travail en commun. Si ici ou là, ça n'est pas encore compris, rassurez-vous, il se passera peu de semaines avant que ça le soit.

 

Date : mercredi 19 juin 1996
Source : France 2

France 2 : Les résultats dans la faculté de Marne-la-Vallée ne paraissent pas tout à fait concluants ?

F. Bayrou : Si, au contraire, je trouve qu'ils sont très intéressants. Il m'a semblé que les étudiants étaient vraiment satisfaits, premièrement d'être aidés et deuxièmement de ne pas perdre leur année entière s'ils avaient un échec, c'est-à-dire s'ils n'étaient pas tout à fait au niveau. Et l'effort qui est fait dans cette faculté que vous avez montrée pour leur permettre de se réorienter s'ils se sont trompés de voie – vous savez, cela arrive très souvent qu'au bout de trois mois, un étudiant se rend compte qu'il s'est trompé –, il me semble au contraire que ça allait dans ce sens-là. Ça ne supprime pas l'échec. L'idée selon laquelle on aurait une université avec zéro échec me paraît une idée complètement irréaliste et d'ailleurs pas souhaitable parce que les diplômes n'auraient plus aucun sens. Ce qu'il faut, c'est que l'échec ne soit pas injuste et il me semble connaître mieux les étudiants de cette manière. En tout cas, cette idée de semestre nouveau, c'est vers les étudiants qu'elle est dirigée. Au lieu d'avoir une année dans laquelle l'échec condamne tout l'effort de l'année, on a au contraire une année qui peut permettre de rattraper au bout du premier semestre.

France 2 : J. Chirac ce matin au conseil des ministres vous a apporté son soutien sur le fond et sur la forme, j'imagine que ça vous a fait plaisir ?

F. Bayrou : Oui, on ne peut pas être ministre de l'éducation nationale si on n'est pas soutenu par le Premier ministre et le Président de la République. C'est tellement un effort national et c'est un effort difficile.

France 2 : Ça n'a pas été toujours le cas, visiblement, il y a eu des moments où en tout cas on a eu l'impression que M. Chirac s'impatientait de vos lenteurs ?

F. Bayrou : Non, ça se sont les journalistes qui disent ça. Le Président de la République sait très bien que le monde de l'éducation nationale, qui comporte plus d'un million d'enseignants et 14 millions d'élèves ou d'étudiants, a besoin de croire à la réforme qu'on lui propose pour la suivre. Le monde de l'éducation nationale a besoin de prendre sa part de la réforme, de la porter. Et naturellement, cela prend un peu plus de temps de convaincre que de contraindre. Mais c'est le seul moyen de réussir.

France 2 : Les syndicats vous reprocheraient de prendre un petit peu trop votre temps. Et alors qu'ils attendaient une loi de programme, ils voient arriver un projet, des concertations supplémentaires, alors qu'ils pensaient que côté concertation, on avait fait le tour à peu près ?

F. Bayrou : Je trouve que vous venez de mettre le point sur quelque chose qui est très important et, me semble-t-il, doit être noté : ça fait 30 ans que l'on propose des réformes à l'éducation nationale ou à l'université et 30 ans qu'elles échouent, manifestation, retrait de la réforme. Les Français connaissent ça très bien c'est un film qu'ils ont vu dix fois. Cette fois-ci, personne ne met en cause les principes de la réforme, personne ne dit, ce n'est pas dans ce sens-là qu'il faut aller. De la droite à la gauche, si j'ose dire, l'immense majorité des universitaires et des organisations étudiantes disent, c'est intéressant. Peut-être faudrait-il aller plus vite et surtout peut-être faudrait-il plus de moyens, plus d'argent. Lorsque les interrogations ou les réserves ne portent que sur le rythme ou sur les moyens, on a fait un très grand pas vers l'accord général de tous les acteurs pour la réforme de l'université. Et pour moi, c'est très important.

France 2 : Peut-on avoir votre appréciation sur cette réforme ?

J.-Y. Mérindol (professeur de mathématiques à l'université Louis Pasteur de Strasbourg) : Au-delà des questions de moyens que vient de rappeler le ministre et qui posent problème, il y a aussi des questions sur la façon de pouvoir mettre en œuvre un certain nombre de mesures annoncées. Depuis quatre ans, l'organisation du DEUG en semestre est obligatoire, ça fait partie de ce qui est demandé dans les tests réglementaires. Donc je comprends mal ce qui est nouveau par rapport à ce qui existe et je m'interroge sur ce qu'attend le ministre de cette organisation.

F. Bayrou : C'est une question très simple. Est-ce que ça se fait ? L'idée selon laquelle des propositions ont été avancées, si elles ne sont jamais réalisées, les étudiants trouvent qu'on se moque d'eux, les étudiants ont raison de dire que les amphis sont bondés. Ils sont bondés pourquoi ? Parce qu'on concentre les cours et les horaires sur très peu de mois. Il y a six mois peut-être à peine pendant lesquels les cours sont effectifs dans certaines universités ou dans certaines facultés. Eh bien, je crois qu'il est temps d'arrêter d'évoquer des principes et de ne pas réaliser. L'organisation en semestres, dans mon esprit, est destinée à devenir générale pour l'université française pour les premiers et les seconds cycles, pour les étudiants débutants comme pour ceux qui sont des étudiants confirmés.

France 2 : Qu'est-ce qui vous heurte éventuellement le plus dans cette réforme ?

J.-Y. Mérindol : Premièrement, l'organisation en semestres existe. J'enseigne depuis quatre ans dans ce contexte et avec ces méthodes. Je ne me reconnais pas dans la façon de présenter les choses en disant que l'année universitaire fonctionne sur six mois. Je rentre à l'université en commençant par faire passer des examens en septembre et en ce moment, je suis encore dans une université où il y a à la fois des examens, des contrôles, des mémoires d'étudiants qui sont à rendre et tout ça jusqu'au début juillet.

France 2 : Au-delà, qu'est-ce qu'il n'y a pas dans cette réforme et que vous auriez voulu voir ?

J.-Y. Mérindol : Un deuxième exemple que je vais prendre, c'est quelque chose qui est important dans la réforme qui est la voie technologique. Depuis quatre ans aussi, il y a une idée pour lancer cette voie qui a été de créer un DEUG de technologie, qui ressemble un peu à ce que propose le ministre. D'après tout le monde, ce DEUG fonctionne bien, sur le plan du contenu, des poursuites d'études. La difficulté ou le problème, c'est que quatre ans après, il y a encore seulement 700 ou 800 étudiants qui sont inscrits dans toute la France en DEUG technologie. Donc, M. Bayrou, à votre avis, quelle est la difficulté ? Est-ce qu'on n'a pas mis assez de moyens dans le DEUG technologie existant, est-ce qu'on n'a pas réussi à remontrer une espèce de mépris en France pour la technologie et surtout, comment allez-vous éviter dans ce domaine, ce même type d'écueil ?

F. Bayrou : Je crois que vous avez raison. Peut-être faut-il expliquer en un mot à ceux qui nous écoutent de quoi il s'agit. On a pour l'instant à l'université, des filières abstraites, des filières intellectuelles très nombreuses et aucune filière concrète ou trop peu, on a réussi les BTS et les IUT, et c'est très bien. Et en effet, l'idée, c'est que pour que désormais des étudiants plus nombreux choisissent la filière qui leur convient, ceux qui échouent dans des filières trop abstraites et qui réussiront dans une filière concrète, il faut présenter l'architecture générale qui aille jusqu'au bout des études. Il n'y a pas de raison pour que ces études technologiques s'arrêtent à bac + 2. Il faut donner aux étudiants le sentiment que, s'ils le souhaitent, par ces filières, ils pourront arriver au même niveau que les autres, que ceux qui sont dans les filières générales. Et je crois qu'il y a là un vrai changement en profondeur qui indiquera aux lycéens et aux étudiants qu'ils peuvent, pour réussir, faire le choix de ces filières, que ce ne sont pas des filières de l'échec. Je crois qu'il y a là quelque chose de très important même pour le changement de la société française, pour donner plus de considération à ceux qui sont doués pour le concret, pour le réel, pour la production, pour l'industrie par exemple.