Editoriaux de MM. Alain Deleu, président de la CFTC, et Jacques Voisin, secrétaire général de la CFTC, dans "La Vie à défendre" de mars 1996, sur l'action de la CFTC et sur la mise en oeuvre d'une "autre logique" pour lutter pour l'emploi.

Prononcé le 1er mars 1996

Intervenant(s) : 

Média : CFTC La Vie à défendre

Texte intégral

La Vie à Défendre: mars 1996
L'Éditorial du Président, M. Alain Deleu

Le rendez-vous de Cendrillon

« Cendrillon du syndicalisme »tel est le qualificatif attribué à la CFTC par une note interne de l'Union des industries métallurgiques et minières (UIMM) sur les syndicats, divulgués par la presse et au demeurant très discutable.

La formule n'est peut-être pas si mal vue. Dans la famille des partenaires sociaux, la CFTC est un peu comme Cendrillon. Elle ne mène pas grand train. Elle a de l'abnégation, de la vertu et de l'efficacité. Elle assure son service sans qu'on le remarque.

Quand, en novembre dernier, la réforme de la Sécurité sociale convoque le pays au grand bal des médias, elle est tenue à l'écart alors que ses sœurs s'y poussent du coude sous les encouragements de leur mère, une sorte de dame patronnesse. Mais dès que « Cendrillon » réussit à s'y introduire, elle impressionne par son « parler vrai », son souci du bien commun. On voit qu'elle ne cherche pas son intérêt.

Aujourd'hui, le drôle de bal de décembre est fini, mais la CFTC a été remarquée. Elle a pris rendez-vous avec ceux qui dans le monde du travail veulent un syndicalisme libre et responsable.

Le rendez-vous l'immédiat, il est à tous les niveaux de l'action syndicale, sur le temps de travail et l'emploi, les salaires et la formation professionnelle. Il est tout simplement dans les campagnes d'adhésion que doivent lancer nos organisations.

Le sommet sur la famille annoncé par le Premier ministre est aussi un rendez-vous important qui montre que la CFTC a une influence bien réelle sur les grandes questions sociales.

Mais il nous faut déjà évoquer notre rendez-vous des 20 au 23 novembre prochains à Nantes pour le congrès confédéral, où il s'agira de mettre la CFTC sur la route de l'an 2000.

Vous aurez largement la parole. Dès ce printemps les adhérents et militants seront invités à apporter leurs idées, leurs propositions et leur vision de l'action.

Pendant le congrès, des commissions et des forums permettront à chacun, davantage que par le passé, de s'exprimer et de vivre activement les travaux.

Nous aurons à conforter l'image de notre organisation, à affirmer clairement la place qu'elle occupe dans le syndicalisme tel qu'il évolue aujourd'hui. Nous devrons manifester les valeurs de vérité, de liberté et d'ouverture que nous représentons.

Mais nous aurons aussi à mettre le développement au centre de nos préoccupations, car aucune de nos actions n'est étrangère au développement de la CFTC. Il n'y a ni fée, ni baguette magique dans notre jardin : révéler la valeur de la CFTC, c'est l'affaire de chacun.


Le mot du Secrétaire général, M. Jacques Voisin

Une autre logique

Il n'y a pas de fatalité économique. Le dynamisme, l'énergie et la créativité déployés dans de nombreuses entreprises humaines nous le prouvent : l'homme est capable de déplacer des montagnes pour assurer son développement. C'est même ce qui le rend libre.

Cessons donc de gaspiller nos chances. Les plans emplois se succèdent depuis 20 ans au rythme de la « conjoncture ». Le traitement social du chômage engagé par les différents gouvernements n'est pas arrivé à enrayer le mal. Et pourtant ce sont autour de 250 à 300 milliards qui ont été ainsi investis chaque année.

On nous lance aujourd'hui une campagne « renard alléché », qui, sur le modèle de « bison futé », ajoute à la publicité des marques, celle de l'État vantant ses dernières mesures fiscales d'aide à la consommation. Cela suffira-t-il à redonner confiance ?

Il n'est pas vrai que la concurrence internationale nous impose la croissance de la précarité. Nos sociétés sont capables, en effet, de s'opposer, ne serait-ce que par la loi, à la concurrence déloyale du travail forcé des prisonniers, du travail clandestin et du travail des enfants. Cela s'appelle le progrès social.

Les efforts de l'Organisation mondiale du travail, celui des confédérations syndicales internationales, comme la CMT qui réunit ce mois-ci son bureau à Paris, ou encore la préparation du G7 sur l'emploi, toutes ces initiatives auxquelles la CFTC participe montrent qu'un espace de construction sociale est possible à condition de le vouloir.

On peut aussi utiliser les 300 milliards différemment. On peut redonner la main aux salariés dans des négociations sur le temps de travail créateur d'emplois. On peut troquer les CDD contre des CDI. On peut articuler les contraintes de l'entreprise aux nécessités de la vie personnelle et familiale. On peut négocier dans les branches et dans les entreprises comme le montre ce mois-ci l'enquête de La Vie à Défendre sur les accords innovants.

Il existe une multitude de gisements d'emplois à portée de notre imagination et de notre volonté. Mais pour cela, il faut mettre en œuvre une autre logique : celle qui met tout le monde en mouvement, celle qui rend libre, responsable et solidaire, celle de la participation.