Interview de M. Jean-François Mancel, secrétaire général du RPR, à France-Inter le 13 mars 1996, sur le sommet de Charm-el-Cheikh sur le terrorisme, sur la politique gouvernementale notamment en matière de réduction des déficits, d'emploi et de défense, sur la violence en Corse, et sur l'élection du nouveau président de l'UDF.

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Média : France Inter

Texte intégral

M. Denoyan : Bonsoir.

Alors que 26 chefs d'État et de gouvernement se sont réunis à Charm-el-Cheikh, pour organiser la lutte contre le terrorisme et qu'une crise grave oppose la Chine à Taïwan sous le regard attentif des Américains, les membres du gouvernement d'Alain Juppé se réuniront demain pour faire le point sur les réformes à venir. Les mesures déjà mises en oeuvre n'ont pas donné les résultats escomptés ni toujours été bien comprises. Des critiques sont venues de l'intérieur même de la Majorité, participant à entretenir ainsi un climat de sinistrose.

Cette morosité qui colle à la peau du Premier ministre le tire vers le bas dans le sentiment que se font les Français de la politique menée actuellement par le gouvernement.

Invité d'Objections ce soir : Monsieur Jean-François Mancel, secrétaire général du RPR.

Monsieur Mancel, bonsoir.

M. Mancel : Bonsoir.

M. Denoyan : C'est vrai que l'actualité ce soir est dominée par les problèmes internationaux, nous ne l'oublierons pas, mais nous aborderons aussi des sujets qui préoccupent nos concitoyens au quotidien comme le chômage ou la situation en Corse.

Pour vous interroger, Annette Ardisson et Pierre Le Marc de France-Inter, et Jean-Michel Aphatie du Parisien-Aujourd'hui.

Le sommet qui vient de se tenir à Charm-el-Cheikh a été impressionnant par le nombre de chefs d'État et de gouvernement qui étaient présents. Un succès médiatique aussi, incontestable, mais un résultat peut être incertain.

Je voudrais vous poser une question : comment le secrétaire général d'un grand parti politique comme vous vit ces événements ? Est-ce que vous ne pensez pas qu'en politique étrangère, comme dans d'autres domaines aujourd'hui, on vit un peu trop sur des faits d'annonce et des retombées télévisuelles ?

M. Mancel : Je ne crois pas. Je crois qu'il y a des symboles, mais c'est vrai aussi en politique intérieure...

M. Denoyan : C'est vrai aussi en politique intérieure, oui...

M. Mancel : Le symbole très fort qui a été exprimé par la présence de nombreux chefs d'État à Charm-el-Cheikh aujourd'hui, c'était la volonté du monde, et du monde libre, de lutter efficacement contre le terrorisme, et d'autre part que la paix, qui a été entamée par ce processus qui a été déclenché entre le peuple palestinien et le peuple israélien, aboutisse. Je crois que c'est un signal très fort.

Par ailleurs, il faut aussi voir à travers ce sommet la capacité qui est celle d'un certain nombre d'États d'apporter une contribution très concrète à la lutte contre le terrorisme. Je prendrai l'exemple de la France : nous avons hélas nous-mêmes été victimes, et encore très récemment, d'actes terroristes dramatiques. Nous avons donc une capacité, à travers notre police, à travers l'ensemble des services de sécurité nationaux, à aider ceux qui sont à leur tour victimes du terrorisme.

Je crois donc que Jacques Chirac a, une fois de plus, montré l'exceptionnelle dimension de chef d'État qui est la sienne par sa présence, par la réponse immédiate qu'il a apportée à l'invitation du Président Moubarak et par l'attitude très équilibrée qui a été la sienne aujourd'hui, en montrant qu'il était bien sûr très sensible et très ému par le malheur qui touchait le peuple israélien, mais également par sa volonté forte de contribuer à l'aboutissement du processus de paix entre les deux peuples directement concernés.

M. Le Marc : Au cours de ce sommet, on a bien sûr condamné fortement le terrorisme, mais que pensez-vous du fait que le communiqué final ne mentionne même pas l'Iran et la Syrie qui sont des États terroristes comme on le sait ? Est-ce que ce n'est pas finalement une timidité à l'égard des auteurs et des promoteurs du terrorisme au Moyen-Orient ?

M. Denoyan : Ni le Soudan, ni la Libye, ni le Liban.

M. Mancel : C'est une double question qu'on peut se poser. D'abord, il faut avoir des preuves tangibles de la complicité qui existe entre ces États et les actes terroristes en question. Et puis par ailleurs, on peut se demander aussi s'il est utile de désigner systématiquement tel ou tel État à la vindicte en quelque sorte des autres. On peut se demander si on ne risque pas de les inciter à se refermer encore plus sur eux-mêmes et à être encore plus des complices potentiels d'autres actes terroristes.

Vous savez que c'est un débat qui a lieu actuellement qui consiste à se dire : faut-il essayer au contraire de les amener à se rapprocher des Nations respectueuses de la vie humaine, respectueuses d'un certain nombre de règles démocratiques, en ne les rejetant pas dans un monde fermé, clos, opaque, qui est bien évidemment celui de l'intégrisme forcené et qui débouche inéluctablement sur des actes terroristes ?

Mme Ardisson : Pensez-vous qu'en prenant position par exemple contre le bouclage des Territoires occupés ou bien pour une aide économique accrue, le Président Chirac a voulu contrebalancer une tendance qui était trop pro-israélienne ?

M. Mancel : Je crois que le Président de la République a tout simplement voulu montrer que sa volonté, et celle de la France, était que le processus de paix engagé aboutisse. Et à partir de là, s'il faut bien sûr être très proche de nos amis Israéliens compte-tenu des souffrances qui ont été les leurs, il faut aussi souligner que le peuple palestinien a besoin d'aide, a besoin de soutien. Et si aujourd'hui le peuple palestinien, notamment sur le plan économique, se trouve en difficulté, il est certain que c'est sur ce type de terreau, celui de la misère, qu'on trouve plus facilement de futurs terroristes que lorsque la prospérité règne. Il est donc indispensable que notre présence se manifeste par une aide forte, notamment sur le plan matériel, donc sur le plan économique.

M. Denoyan : Autant la politique étrangère de l'exécutif aujourd'hui ne participe pas d'une critique très forte, ni de la part de l'Opposition ni même d'une partie de sa Majorité...

M. Mancel : On a un très bon Président de la République...

M. Denoyan : Il est peut-être moins bon en politique économique, parce que là les critiques fusent...

M. Mancel : Parce que la situation y est peut-être plus difficile en ce qui concerne la France.

M. Denoyan : Vous voyez qu'il faut être prudent quand même dans les appréciations… La politique du gouvernement est critiquée pas seulement par l'Opposition, ce qui est tout à fait son rôle, mais également par l'intérieur même de la Majorité et je dirai même qu'à l'intérieur du RPR des voix s'élèvent : voir le limogeage de Monsieur Philippe Auberger, rapporteur de la commission des finances et de la direction du RPR. Le RPR a-t-il une vocation à être unanimiste dans ses prises de position ?

M. Mancel : Le RPR est un mouvement qui est libre dans sa capacité à réfléchir, à débattre et à proposer, on vient de le voir. On vient de tenir une centaine de réunions à travers la France sur l'Europe : tous nos militants qui avaient envie de s'y exprimer, qu'ils soient militants, militants élus, militants cadres du mouvement, ont dit ce qu'ils avaient à dire. C'est donc bien la preuve que nous sommes un mouvement extraordinairement démocratique.

En revanche, lorsqu'on fait partie d'une équipe dirigeante d'une formation politique, la moindre des choses est qu'on appuie les positions qui sont les siennes. Mon ami Philippe Auberger, qui est maire d'une commune de l'Yonne...

M. Denoyan : De Joigny.

M. Mancel : De Joigny, commune charmante au demeurant... S'il avait tous les matins, tous les midis et tous les soirs, un de ses adjoints qui disait qu'il n'est pas d'accord avec la politique municipale, à mon avis, il ne tarderait pas à lui retirer sa délégation d'adjoint.

M. Le Marc : Mais il intervenait en tant que rapporteur général du budget, il exprimait le sentiment de la commission des finances.

M. Mancel : À ce moment-là, s'il veut être un rapporteur général du budget complètement libre de son expression, il ne faut pas qu'il assume une responsabilité dans l'équipe dirigeante du RPR. On ne peut pas, si vous voulez, être à l'intérieur et à l'extérieur, dans ces conditions-là. C'est la conclusion que j'en ai tiré pour lui.

M. Aphatie : Mais son inquiétude sur le fond mérite quand même qu'on s'y arrête une minute. Il y a quelques mois, la Majorité, le gouvernement, le ministre des finances, le Premier ministre disaient que la priorité était de réduire les déficits budgétaires. Au fond, Philippe Auberger, quand il a fait la critique, ne disait pas autre chose. Il disait : « ce n'est pas en dépensant tout ce qu'on dépense là, en créant des dépenses nouvelles, qu'on va réduire les déficits budgétaires ». Au fond, est-ce qu'il ne rappelait pas un peu au gouvernement ses priorités d'antan ?

M. Mancel : En l'occurrence, le gouvernement, et au premier le chef du gouvernement Alain Juppé, n'a pas besoin du rapporteur général du budget pour appliquer la politique qu'il a définie, et qu'il a définie, je vous le rappelle car on l'oublie un peu, dans le discours qu'il a prononcé devant l'Assemblée nationale dès sa nomination comme Premier ministre. Relisez-le, il est intéressant, ce discours, car vous y trouvez décrit tout ce que fait le gouvernement depuis le mois de mai 1995.

Vous parlez d'économie : il faudrait quand même bien dire les choses telles qu'elles sont. Le budget de 1995, celui qui s'est achevé il y a deux mois, a été un budget sur lequel le gouvernement a réussi à faire 50 milliards d'économies budgétaires. C'est considérable. On n'avait peut-être pas fait cela en France depuis des décennies. Dans le budget pour 1996, le déficit sera réduit de 10 % ; c'est énorme d'arriver à réduire un déficit aussi lourd d'une somme aussi importante.

M. Denoyan : À condition que le chômage ne remonte pas, que l'inflation ne reparte pas, à condition de beaucoup de choses..., et que la croissance soit au rendez-vous, ce qui pour l'instant n'est pas tout à fait le cas.

M. Mancel : Je crois qu'elle sera au rendez-vous et vous voyez bien que les choses évoluent avec une rapidité extraordinaire. Il y a 15 jours ou 3 semaines, on nous disait que tout était noir, que tous les indicateurs économiques étaient les pires qu'on pouvait imaginer. Depuis 8 à 10 jours, on constate que la consommation a repris très fortement dans le courant du mois de janvier, on constate que les chefs d'entreprise ont des intentions d'investissements qui sont également très importantes. On constate donc, et maintenant les experts le disent, que la deuxième partie de l'année 1996 va être bonne sur le plan économique.

Je suis plutôt de ceux qui considèrent qu'il ne faut pas céder à l'inquiétude et à la vision pessimiste. Notre économie peut parfaitement rebondir en 1996 et je suis convaincu que c'est vers la fin de cette année 96 et au début de l'année 97 qu'on pourra v, aiment juger les résultats concrets de l'action du gouvernement.

M. Aphatie : Si les chiffres ont les évidences que vous mentionnez, 50 milliards d'économie en 95, vous le dites vous-même : c'est historique, et puis 10 % de moins de dépenses cette année, il est singulier que le rapporteur général du budget semble ne pas s'en être rendu compte. Est-ce que vous mettez cela, sa petite phrase politique, sur le compte d'une arrière-pensée ? Il soutenait Edouard Balladur pendant la campagne présidentielle : est-ce qu'il vous semble que c'est ce débat-là qui se prolonge dans la Majorité ?

M. Mancel : Non, absolument pas. Cela fait belle lurette que le débat entre ce que vous appelez, vous les journalistes, les Chiraquiens et les Balladuriens, est largement terminé...

M. Aphatie : Vous les appelez comment, vous ?

M. Le Marc : Il faudra l'expliquer à l'Elysée - Matignon.

M. Mancel : Je crois qu'il est largement terminé. En revanche, Philippe Auberger, en tant que rapporteur général du budget, ce n'était pas vraiment le sujet qu'il avait mis en cause. Philippe Auberger disait : « Il y a trop de petites mesures et on ne voit pas la ligne directrice ». Je lui réponds : la ligne directrice, il relit le discours d'Alain Juppé du mois de mai 1995 et il la trouve.

Par ailleurs, en matière de politique économique, c'est un peu comme en matière de taille d'un costume ou d'un tailleur, si vous voulez : quand vous fabriquez un costume, vous présentez un dessin, vous trouvez le costume superbe. Après, quand on se met à le fabriquer, quand on fait les poches, quand on fait les manches, quand on fait les doublures, quand on fait les revers, tout cela est assez informe quand on n'est pas un spécialiste. Et petit à petit, on voit surgir le beau costume. C'est exactement ce qui se passera en matière de politique économique : une bonne politique économique, c'est l'accumulation d'un certain nombre de mesures qui a priori ne paraissent pas essentielles au départ, mais qui mises ensemble aboutissent à un résultat positif.

M. Denoyan : Que certains, Monsieur Mancel, qualifient de saupoudrage fait un peu n'importe comment. Quand on voit par exemple l'affaire du Livre A, les 26 milliards qu'on devait retrouver alimentant la consommation, on les cherche encore ; ils sont partis se réinvestir sur d'autres formes d'épargne.

M. Mancel : Monsieur Denoyan, je ne suis pas d'accord avec vous. Je ne voudrais pas qu'on tombe dans une bataille de chiffres, mais la consommation, c'est quand même + 5 % au mois de janvier.

M. Denoyan : Mais 5 %, ce n'est pas les 26 milliards que l'on attendait.

M. Mancel : Alors qu'on nous disait que les résultats des grèves du mois de décembre allaient provoquer un drame économique dans le mois qui suivait. + 5 % en matière de consommation, c'est largement au-delà de tout ce que les experts attendaient.

M. Denoyan : Monsieur Mancel, vous savez très bien que c'est lié aussi à des comportements des Français : c'est la période des soldes ; en décembre ils n'ont pas pu acheter, ils ont acheté un peu plus. Il faut attendre. La réalimentation de la consommation par l'abaissement des taux du Livret A, on l'attend encore. On verra, mais toutes les notes de conjoncture semblent montrer que l'opération n'a pas réussi.

M. Mancel : Je crois que là vous vous avancez un peu. Je pense qu'il faut attendre un peu, il faut attendre quelques mois pour voir les résultats globaux. Je crois qu'on ne peut pas juger une politique économique, on ne peut d'ailleurs rien juger sur un laps de temps court. Je crois qu'il faut un peu de temps et c'est seulement après un peu de temps qu'on pourra juger sereinement.

Et le gouvernement sera jugé : il sera jugé par les Français, au mois de mars 1998, lorsqu'il y aura des élections législatives.

M. Le Marc : Le gouvernement se réunit en séminaire demain pour relancer son action, mais aussi pour faire l'état des lieux, si j'ai bien compris, pour voir ce qui va et ce qui ne va pas, ce qui pourrait être amélioré. Qu'est-ce qui, d'après vous, ne va pas et qui explique que dans les sondages 63 % des Français sont mécontents d'Alain Juppé ? Il n'y a pas que Philippe Auberger, il y a aussi 63 % des Français.

M. Mancel : La raison à mon sens est simple : nous sommes aujourd'hui à la convergence de deux phénomènes. 1. Réparer les erreurs accumulées par 14 ans de présidence socialiste et 10 ans de gouvernement socialiste. 2. Traiter les dossiers brûlants, d'actualité : prenons le dossier militaire par exemple, qui n'ont pas été ouverts ou à peine entrouverts par les socialistes pendant des années et des années.

À partir de là, le gouvernement est confronté à la nécessité de prendre des décisions difficiles, pénibles, qui appellent les Français à l'effort, qui leur demandent de faire des sacrifices supplémentaires, et les Français disent : « On nous demande des sacrifices depuis 1981, on commence à en avoir un peu assez ». C'est la difficulté à laquelle nous sommes confrontés. Et nous, nous leur disons : « Ayez confiance, nous sommes beaucoup plus sérieux, beaucoup plus volontaires, beaucoup plus efficaces que ceux qui nous ont précédés pendant 14 ans de présidence socialiste ou 10 ans de gouvernement socialiste. On vous demande un peu de temps et on est en train aujourd'hui de réparer les fondations de la France. Quand ces fondations auront été remises en ordre, on pourra bâtir dessus une France plus forte pour des Français plus heureux.

Je suis convaincu que demain sera bien meilleur qu'aujourd'hui pour les Français.

M. Denoyan : Les fondations seront terminées quand ?

M. Mancel : Je considère que la période de redressement durera à peu près jusqu'à l'échéance de 1998, mais on peut sans aucun doute estimer qu'avant on commencera à voir l'horizon s'éclairer. À quelle date précise ? Je ne veux pas faire de pronostic, je crois simplement qu'il est important de dire à nos concitoyens qu'ils doivent avoir confiance dans l'avenir car toute l'action du gouvernement est dirigée vers cela remettre la France en ordre de façon à ce que demain elle soit plus prospère et les Français plus heureux.

Mme Ardisson : Vous appartenez à une Majorité qui appelle de ses voeux la reprise et qui en même temps prône la réduction des déficits. Je voudrais savoir comment vous réagissez à un événement comme celui qui s'est déroulé en fin de semaine dernière, où les Américains apprenant que leur chômage était en baisse, ont pris un coup de sang, en tous cas les boursiers, et se sont dit : « Il risque d'y avoir un échauffement de l'économie », donc la Bourse... en baisse. Avouez quand même que cela fait drôle.

M. Denoyan : Peut-être des revendications salariales trop fortes...

M. Mancel : Très franchement, quand on entend cela ou quand on lit cela, je crois, et je dois partager votre sentiment, qu'on marche sur la tête. On ne peut que se réjouir quand on note que 700 000 emplois ont été créés dans une économie. Or quand on voit que les bourses, les marchés financiers, s'inquiètent en se disant : « Si on crée de l'emploi, c'est qu'il va y avoir une relance de l'inflation et donc cela va avoir des incidences négatives sur l'économie », on est dans un monde de fous !

Mme Ardisson : Est-ce que cela ne conforte pas l'idée, chez les gens qui souffrent actuellement, qu'il y a quelque chose de presque volontaire dans le fait de maintenir l'emploi à un niveau bas ?

M. Mancel : C'est peut-être la réaction des Américains, ce n'est pas la réaction du gouvernement français. Si les marchés financiers internationaux sont parfois un peu farfelus, ce n'est pas le cas du gouvernement français. Sur ce plan, ce qui vient de se passer aux États-Unis est quand même très caractéristique, c'est à n'y rien comprendre. Sachez que nous, nous ne sommes pas victimes de ce syndrome de folie et que nous considérons, nous, que l'objectif n° 1 est de créer de l'emploi pour faire disparaître le chômage.

M. Denoyan : Ce qui s'est passé aux États-Unis peut aussi avoir une raison : l'arrivée d'emplois en grand nombre peut amener à certaines revendications salariales. Le nombre de chômeurs important contient la revendication salariale. Ceci explique peut-être cela.

M. Aphatie : Je suis assez insatisfait de la réponse que vous avez faite tout à l'heure à Pierre Le Marc en disant - cela me semble un peu convenu quand même - que les difficultés du gouvernement actuel et le sentiment de défiance qui existe autour du Premier ministre était liés à 10 années de gouvernement socialiste et 14 années de présidence. Edouard Balladur est arrivé à Matignon en 93 et visiblement sa côte de confiance était plus importante que celle que connaît aujourd'hui Alain Juppé. Il y a donc peut-être dans cette Majorité telle qu'elle est aujourd'hui, dans ce Gouvernement, des éléments d'explication plus précis à donner, vous ne trouvez pas ?

M. Mancel : Je ne crois pas, d'abord parce que vous ne pouvez pas comparer ce qui ne l'est pas. Nous étions en 1993 en situation de cohabitation, nous sommes en 1996 dans une situation complètement différente.

M. Aphatie : Édouard Balladur a toujours dit qu'il avait eu les moyens de gouverner.

M. Mancel : À l'époque, il faut bien reconnaître qu'il y avait en permanence le duo président socialiste et Premier ministre qui était RPR. C'était donc des conditions de travail pour le gouvernement, d'appréciation par les Français de la situation politique, qui n'avaient rien à voir avec celles de 1995. Et en plus, ce qu'il faut dire, c'est que nous nous attaquons parce que nous pouvons le faire, puisque cette fois-ci il n'y a plus l'obstacle du Président de la République, aux vrais dossiers, et ces dossiers-là, on pourrait les énumérer. Je citais tout à l'heure la défense, c'était vrai de la SNCF : rien n'avait été fait en ce qui concerne la SNCF pendant des années et des années, et le gouvernement avait hérité d'un dossier brûlant.

M. Aphatie : Au-delà de l'action politique, est-ce qu'il n'y a pas un problème autour de l'image de Monsieur...

Mme Ardisson : Tellement brûlant qu'il a été obligé de...

M. Mancel : Tellement brûlant qu'il a été obligé, parce que cela justifiait du temps pour expliquer aux cheminots les réformes qu'il faut accomplir avec eux et pas contre eux - cela justifie du temps pour qu'on puisse avoir cette explication -, de reporter à juste titre la réforme.

Objections

M. Denoyan : Objection de Monsieur François Hollande, porte-parole du parti socialiste.

Monsieur Hollande, bonsoir.

Je vous livre Monsieur Jean-François Mancel.

M. Hollande : C'est très gentil à vous. Moi, ce qui m'a beaucoup frappé dans l'intervention de Monsieur Mancel, que je salue, c'est son impossible optimisme. Finalement il est prêcheur, ce soir, de confiance et de confiance dans l'avenir.

Or, tout, depuis 9 mois, conduit les Français à être extrêmement méfiants par rapport à ce qui peut être des annonces flatteuses à un moment ou à un autre de l'action gouvernementale.

Pourquoi ? Parce que, depuis 9 mois, quand on y réfléchit bien, le chômage qui est le critère absolu sur lequel est jugé un gouvernement, c'était vrai dans le passé pour le gouvernement socialiste et c'est aussi vrai aujourd'hui pour le gouvernement RPR/UDF : le chômage a augmenté continûment depuis 8 mois, et ce n'est pas la faute aux socialistes, ils ne sont pas là depuis 3 ans au pouvoir. Donc, ce gouvernement a augmenté d'à peu près 10 000 le nombre de demandeurs d'emploi par mois depuis qu'il est constitué.

Deuxièmement, le déficit dont Monsieur Mancel a beaucoup parlé : le déficit de la sécurité sociale sera historiquement le plus élevé de ces 20 dernières années, celui de 1995 : 70 milliards.

En 1996, malgré le RDS, on aura un déficit de la sécurité sociale d'environ 40 milliards.

Les prélèvements qui ont fait l'objet de tant de controverses depuis des mois et des mois, auront augmenté, en à peine 8 mois, de 120 milliards de francs.

La question que l'on peut se poser et que l'on doit poser à Monsieur Mancel, c'est qu'il ne suffit pas de prêcher l'optimisme, il ne suffit pas de demander la confiance, il faut la mériter.

Or, aujourd'hui, dans l'action du gouvernement, il n'y a aucun résultat qui puisse être porté à son crédit. Peut-être y en aura-t-il dans 6 mois ou dans 8 mois, mais qu'est-ce qui peut nous faire penser que ce qui n'a pas marché depuis 8 mois finirait par fonctionner sur les deux dernières années ? Et quand on évoque le dossier de la SNCF, je ne suis pas sûr qu'il soit traité aujourd'hui puisqu'il est renvoyé. Quand on évoque la défense, c'est plutôt un sujet d'inquiétude pour beaucoup de maires de villes moyennes qui sont frappées par la dissolution de régiments.

Qu'est-ce qui peut nous faire croire que le beau costume que veut nous « tailler », si je puis dire, Monsieur Mancel avec l'aide de Monsieur Juppé ou Monsieur Juppé avec l'aide de Monsieur Mancel, ne sera pas finalement un habit d'Arlequin ?

M. Mancel : Je salue Monsieur Hollande également. Je lui dirai deux choses : première chose, nous sommes peut-être trop gentils parfois, c'est qu'on a un peu trop tendance à ne pas rappeler - je le fais, mais je suis un peu solitaire, et j'espère être mieux accompagné dans l'avenir - la vérité, c'est-à-dire un héritage extrêmement lourd que nous avons reçu de la part du parti socialiste qui a été au pouvoir pendant trop longtemps dans notre pays.

Sur les points positifs, puisqu'il faut en citer, moi, j'en ai là tout un stock : on a parlé tout à l'heure des salaires - Monsieur Denoyan, vous aviez évoqué les salaires -, on oublie que l'augmentation du SMIC qui a été décidé dès l'arrivée du gouvernement en 1995, c'était la plus importante qui était pratiquée depuis 14 ans.

Le Contrat initiative emploi, que l'on avait beaucoup glosé, qui concerne les chômeurs de longue durée : 150 000 personnes sont concernées aujourd'hui, et tous les chiffres du chômage montrent que les chômeurs de longue durée sont en diminution.

Le commerce extérieur : 1995, meilleure année, record absolu pour la France en matière de commerce extérieur.

Les taux d'intérêt qui sont essentiels pour redonner la possibilité à l'entrepreneur ou au consommateur de pouvoir emprunter, ont baissé de trois points en 9 mois. Tout cela, ce sont des résultats qui sont positifs.

Et l'on pourrait citer encore le prêt à taux zéro. Le prêt à taux zéro, on ne l'évoque pas du tout. Eh bien, le prêt à taux zéro est une formidable réussite : plus de 50 000 ménages sont concernés.

On avait dit : « Le prêt à taux zéro ne concernera pas les familles à bas revenus », c'est le contraire qui s'est produit. Ce sont les familles de condition modeste, qui en sont les principaux bénéficiaires.

Il faut quand même rétablir les choses. Arrêter de voir systématiquement les aspects négatifs et voir que, dans cette politique économique, il y a beaucoup d'aspects positifs. Et mis bout à bout, ils vont permettre, vraisemblablement d'ici la fin de cette année 1996, de sortir enfin des difficultés dans lesquelles nous sommes, à cause de nos prédécesseurs. Je n'hésite pas à le redire très cordialement à Monsieur Hollande.

M. Denoyan : Vous avez eu votre réponse, Monsieur Hollande.

M. Hollande : Oui, qui ne me satisfait pas, vous vous en doutez bien !

M. Mancel : Cela ne m'étonne pas !

M. Hollande : Mais je veux quand même dire à Monsieur Mancel, ce sera mon dernier mot, que le gouvernement Juppé a succédé au gouvernement Balladur, avant Juppé, c'était déjà la droite ! Merci.

M. Mancel : Sous réserve que si l'on veut rejouer avec les chiffres, on pourrait le faire, l'endettement ou le déficit budgétaire était considérable en 1993. Cela s'est un peu amélioré depuis, mais les difficultés, nous ne les avons pas héritées du gouvernement Balladur que nous avons soutenu activement. Nous les avons héritées de ceux qui l'ont précédé.

M. Denoyan : On remercie Monsieur Hollande, Jean-Michel Aphatie.

M. Aphatie : Le Président de la République a annoncé, voilà maintenant 15 jours ou 3 semaines, une réforme de très grande ampleur dans l'armée. Vous êtes vous-même un élu local. Beaucoup d'élus locaux manifestent une véritable inquiétude dans cette réforme. Les conséquences sociales et économiques leur paraissent très lourdes. Il ne leur semble pas, quand on les écoute, que, pour l'instant, des mesures d'accompagnement suffisantes soient envisagées, prévues, financées. Partagez-vous cette inquiétude ?

M. Denoyan : « Vent de fronde dans l'armée française » est à la une du Monde ce soir.

M. Mancel : Si vous voulez, il y a deux sujets : il y a d'abord la réforme globale de notre système de Défense, avec toutes les conséquences qu'il peut avoir. Et puis, bien évidemment, l'autre aspect, que vous évoquez, vous, qui est les conséquences directes sur l'emploi et sur l'activité économique dans les communes au sein desquelles stationnent actuellement des unités militaires, ou bien également les communes dans lesquelles sont installées des entreprises qui travaillent pour la défense.

Sur le premier point, je crois que le Président de la République a encore fait la preuve d'un grand courage : il a enfin ouvert un dossier, dès qu'il est arrivé, alors que son prédécesseur n'avait pas beaucoup bougé sur le sujet, reconnaissez-le bien ! Alors que, depuis longtemps, les menaces qui pèsent sur la France, avaient considérablement évolué.

Le Mur de Berlin s'est effondré en novembre 1989. Le communisme avait été largement remis en cause il y a maintenant plus de 5 à 6 ans. Et pendant ce temps-là, la France n'a pas réactualisé véritablement sa défense.

C'est donc un dossier brûlant mais un dossier que nous sommes obligés d'ouvrir avec un retard parce que nos prédécesseurs ne l'ont pas fait. Et c'est au plus haut niveau que l'on traite cela ! Ce n'est pas au niveau du gouvernement. C'est véritablement, au premier rang, le Président de la République qui, de par la Constitution, assume, dans ce domaine, des responsabilités éminentes.

Cela, c'est le premier point.

Le deuxième, c'est que Jacques Chirac, avec beaucoup de courage, préconise une nouvelle politique de défense.

Le RPR va s'investir très fortement dans le débat par une réforme globale du service national, et il invite les Français à en débattre. Ce qui est une très bonne idée.

Pour le reste, le Président de la République a pris un engagement très clair dans son déplacement dans le Doubs. Il a répondu, je crois, à un maire d'opposition, à un maire socialiste...

M. Denoyan : ... au maire de Besançon...

M. Mancel : ... Exactement... Que les dispositions, que le gouvernement prendrait dans une durée relativement longue pour que, justement, les conséquences négatives ne soient pas insupportables pour nos concitoyens, permettraient de compenser, à chaque fois qu'une décision serait prise en matière militaire, les conséquences négatives que cela peut avoir pour les communes concernées.

M. Aphatie : C'est un effort très important pour les finances publiques ?

M. Mancel : Mais, que voulez-vous, il faudra bien le faire ! Il faudra bien le faire dans la mesure où il ne serait pas juste que les Français soient victimes du réajustement en profondeur de cette politique de défense.

Mme Ardisson : D'après vous la grogne qui s'exprime au sein de l'armée, essentiellement de l'armée de terre, puisque c'est elle la plus touchée, est-elle de nature corporatiste ou bien politique ? Politique, pas au sens politicien mais au sens d'une non adhésion à l'idée de professionnalisation de l'armée, de professionnalisation exclusive ?

M. Mancel : Vous comme moi ou comme celles et ceux qui nous écoutent, dès que nous sommes confrontés à une réforme qui nous touche dans notre vie quotidienne, dans notre profession, nous résistons.

Je ne connais personne qui, le matin, quand on lui annonce quelque chose qui va transformer sa vie, dit : « C'est formidable, j'adhère ! », à moins de gagner au loto et d'avoir 50 MF qui viennent s'inscrire sur votre compte en banque.

Mais, dans la plupart des cas, le changement fait peur. Eh bien, le changement fait peur aux militaires, et je le comprends parfaitement ! D'autant plus qu'il fallait les préparer en amont.

Or, comme je le soulignais tout à l'heure, les gouvernements socialistes n'ont pratiquement rien fait. Il y a eu un Livre blanc qui a été fait entre 1993 et 1994, qui est sorti en 1994, et nous passons maintenant au débat de fond sur l'application de ce Livre blanc.

Il y a des gens qui vont manifester leur désaccord, manifester leur mécontentement, manifester leur résistance. Eh bien, il va falloir débattre, discuter, expliquer. Je crois que le Président de la République a pris l'initiative de débattre sur le sujet.

M. Denoyan : Monsieur Jean-François Mancel, il nous reste une dizaine de minutes et je voudrais que l'on prenne un peu de temps pour parler de la situation en Corse : il n'y a pas une journée sans qu'un événement ne survienne, soit un assassinat, un plasticage, un mitraillage. La tentative de mitraillage de notre confrère Guy Benamou a fait quand même un certain bruit.

Tous les médias - vous avez dû les lire - ont noté l'absence de réponse de la puissance publique sur le dossier corse. J'aimerais bien savoir quelle est la position du RPR sur cette affaire ?

M. Mancel : En ce qui concerne l'attentat dont a été victime votre confrère, je tiens quand même à rappeler, parce qu'on ne l'a pas beaucoup dit, que le gouvernement a immédiatement pris toutes les dispositions nécessaires pour qu'il soit protégé.

M. Denoyan : On lui a mis 2 inspecteurs de police.

M. Mancel : Il est bien évident que, autant nous sommes en permanence émus par tout ce qui se passe dans les attentats qui concernent la Corse, on l'est tout autant pour votre confrère, c'est bien évident...

M. Denoyan : ... sur la violence, sur la disparition de l'État de droit en Corse…

M. Mancel : …et c'est une atteinte à la liberté d'expression et d'opinion qu'il faut violemment réprimer.

Cela étant, sur la Corse : je dirai franchement qu'il n'y a rien de nouveau, hélas, sur la Corse depuis 20 ans. Cela fait 20 ans qu'en Corse chacun voit que la situation s'y détériore, s'y améliore... s'y détériore et s'y améliore...

M. Denoyan : Il est peut-être temps de faire quelque chose !

M. Mancel : ... et l'on a un débat interminable sur « répression – négociation ». Alors, on réprime pendant un temps et l'on s'aperçoit que cela ne marche. Après, on négocie, on s'aperçoit que cela ne marche pas non plus ! Ne jetons pas la pierre au gouvernement qui est confronté, comme tous les autres, à une situation extrêmement difficile et spécifique, qui est celle de la Corse.

Jean-Louis Debré, Jacques Toubon, Alain Juppé, en tant que Premier ministre, ont dit que le gouvernement allait prendre en main l'affaire corse et qu'il se donnait un délai que Jean-Louis Debré avait fixé, si je me souviens bien lors de son voyage en Corse, au mois de juin 1996 pour avancer dans ce dossier.

Accordons-lui ce délai ! Cela fait 20 ans que cela dure. On peut faire confiance au gouvernement, en tout cas pour les quelques mois qui nous séparent de l'échéance qu'il s'est fixé.

M. Le Marc : Je voudrais aborder un autre sujet : la maîtrise des dépenses de santé. Le gouvernement met au point actuellement ce dispositif, et ce dispositif suscite des réserves assez vives au sein de la majorité et au sein du RPR.

Êtes-vous comme Bruno Bourbrocque, le président de la commission des affaires sociales, et vous demandez aux députés RPR du courage ou bien êtes-vous de ceux qui craignez une socialisation rampante de la médecine à travers les mesures que proposent le gouvernement ?

M. Mancel : Je crois qu'il faut d'abord regarder de près ce que sont ces mesures. Et l'ordonnance qui concerne la médecine libérale, la médecine ambulatoire, il faut la regarder dans ses détails. Avant de hurler en disant que c'est la socialisation de la médecine...

M. Le Marc : Ce sont les RPR qui le disent...

M. Mancel : ... pas tous les RPR...

M. Le Marc : ... certains RPR...

M. Mancel : ... quelques-uns !

Il faut d'abord regarder ce qu'il y a dans l'ordonnance. J'ai constaté que ceux qui critiquaient ne connaissaient pas le contenu, en projet, de l'ordonnance. Avant de critiquer, il faut connaître.

Par ailleurs, il faut bien sûr - et je crois que ce serait une erreur de le faire, mais le gouvernement ne le fait pas - arrêter de dire que nous avons choisi les médecins comme boucs émissaires de la réforme de la sécurité sociale !

Les médecins, comme bien d'autres, comme tout le monde d'ailleurs, comme les assurés sociaux que nous sommes, nous devons tous apporter notre contribution au redressement de la sécu. Pourquoi ? Pas uniquement pour faire de la rigueur budgétaire, tout simplement parce qu'il faut sauver le système, parce que nous considérons qu'il est indispensable pour que la justice règne au sein de la société française en ce qui concerne tout ce qui est lié à la santé.

M. Aphatie : Je voudrais que l'on revienne un instant à la Corse. J'ai bien compris que vous souhaitiez que l'on donne un peu de temps au gouvernement, mais on voit bien que les institutions sur l'île - la police et la justice - ne se sentent pas très légitimes pour agir quelquefois et laissent un peu filer les dossiers.

Pensez-vous, comme le suggèrent certains, qu'une espèce de consultation auprès des Corses, un référendum peut-être, redonnerait une légitimité à ces institutions, en voyez-vous la nécessité ?

M. Mancel : Vous parlez des institutions de police et de justice. Ces institutions-là n'ont pas à être légitimées. Ce sont les institutions de la République. Elles sont donc légitimes par définition.

M. Aphatie : Bien sûr ! Mais on voit bien, aujourd'hui, que par exemple les policiers ne vont pas au bout de leurs enquêtes et que les juges, quand ils ne sont pas saisis d'un dossier, ils ne sont pas très fâchés ? On le voit bien, cela !

M. Mancel : C'est la situation spécifique de la Corse et qui rejoint un peu ce que je disais tout à l'heure à Monsieur Denoyan : ceux qui appellent à la répression, sont les premiers parfois, lorsque la répression s'exerce, à dire qu'il ne faudrait pas aller si loin, et ceux qui appellent à la négociation, réclament quasiment en même temps la répression. C'est toute la difficulté de la situation corse. S'il y a des gens qui ont des solutions...

Mme Ardisson : Justement, qu'est-ce qu'on fait ? Si ni l'un, ni l'autre ne marche, que fait-on ? Vous avez dit tout à l'heure : la répression, cela ne marche pas... la négociation, non plus !

M. Mancel : … Madame Ardisson, s'il y a des gens qui ont des solutions géniales sur la Corse, je voudrais bien qu'ils se lèvent et qu'ils se fassent entendre.

Et ce que je leur conseille en tout cas, c'est que tant qu'ils ne les ont pas exprimées, ces solutions-là, ils arrêtent d'agresser les membres du gouvernement, qui, eux, essaient d'avancer.

M. Denoyan : Donc, si l'on vous comprend bien, il ne va rien se passer. La situation va être telle que nous la connaissons aujourd'hui, des attentats, des meurtres, des assassinats, tant que l'on n'aura pas trouvé d'idées intéressantes ?

M. Mancel : Vous avez pu constater que, s'il y a des attentats, ce n'est pas nouveau ! Je vous le disais tout à l'heure, cela fait 20 ans que cela dure !

M. Denoyan : Oui, mais il y en a de plus en plus !

M. Mancel : Oh ! cela, c'est à vérifier...

M. Denoyan : Il y a une moyenne de 550 attentats par an en ce moment.

M. Mancel : Hélas ! Hélas !

M. Denoyan : En un an, il y a eu 15 tués par balles...

M. Mancel : ... Le gouvernement, je l'ai constaté à travers toutes les déclarations des membres du gouvernement, fera appliquer pleinement les lois de la République. Mais ce n'est pas la solution suffisante. On l'a vu, hélas, depuis maintenant de longues années.

M. Le Marc : Que pensez-vous de la bataille qui fait rage à la tête de votre allié, l'UDF ?

Pensez-vous que cette bataille peut renforcer cette formation et que répondez-vous aux accusations d'un candidat, François Léotard, qui accuse Alain Madelin d'arrière-pensée, de vouloir « chiraquiser » l'UDF ?

M. Mancel : Je crois que ce qui est la priorité pour la secrétaire générale du RPR, c'est de ne pas se mêler de ce qui se passe chez ses amis et alliés de l'UDF. Le seul souhait que j'émettrais, c'est que cette campagne électorale qui se déroule actuellement à l'UDF se termine bien, c'est-à-dire que le meilleur va gagner...

M. Le Marc : Bien pour qui, pour le RPR ?

M. Mancel : ... et que cela se termine bien pour l'UDF.

Car vous savez, il ne faut pas se faire d'illusions, le RPR ne peut pas à lui seul revendiquer d'avoir la majorité absolue dans notre pays. À partir de là, il a besoin d'un allié solide. Cet allié, c'est l'UDF.

Je souhaite donc que cette campagne électorale aboutisse à ce que l'UDF en sorte forte, solide, et, à nos côtés, un allié efficace pour gagner ensemble les élections de 1998 et pour répondre, d'ici là, aux aspirations et aux demandes de nos concitoyens. C'est cela que je souhaite à l'UDF.

M. Aphatie : Mais on imagine quand même que Jean-François Mancel, secrétaire général du RPR, a une petite préférence pour Alain Madelin qui a soutenu Jacques Chirac pendant la campagne électorale présidentielle qui s'est passée il y a à peine 10 mois, plutôt que pour François Léotard qui a été un vigoureux champion de la cause balladurienne ? On l'imagine quand même cela ?

M. Mancel : Monsieur Aphatie, vous n'arriverez pas à me faire dire quel est mon choix personnel. Je n'ai pas de choix personnel à l'égard de l'UDF, que le meilleur gagne !

M. Le Marc : Est-ce que les élections partielles ne vous inquiètent pas, les élections qui se succèdent et qui sont très défavorables à la Majorité. Il y a un second tour dimanche prochain, dans le Var, dans la 6ème circonscription, qui ne se présente pas bien. Est-ce que cette succession d'élections difficiles et d'élections souvent perdues ne signifie pas que la majorité est en danger et que le pronostic pour 1998 peut être pessimiste après tout ?

M. Mancel : Je constate une chose, c'est que le RPR en perd très peu, première chose. Vérifions-le, c'est la vérité !

M. Le Marc : Ce n'est pas gentil pour l'UDF.

M. Mancel : Je vous réponds d'abord en tant que secrétaire général du RPR.

Deuxièmement, en ce qui concerne l'élection à laquelle vous faites allusion, je vous trouve très sévère par rapport aux vrais chiffres.

Si vous regardez le résultat de Madame Pons qui est le candidat de l'UDF que nous soutenons activement, elle a perdu à peu près 7 points par rapport au score de Monsieur Falco qui était, à l'époque, le candidat en 1993, et la gauche a gagné 7 à 8 points.

Dans une élection partielle, avec si peu de participation, dans le contexte difficile que nous connaissons, nous nous en sommes largement expliqués tout à l'heure, je trouve que 7 à 8 points de perdus pour la majorité, cela n'a rien de particulièrement inquiétant.

Et, par ailleurs, il y a un point que personne n'a évoqué pratiquement, c'est la situation du Front national. Ce qui me frappe, c'est de voir que le Front national qui devrait finalement aujourd'hui faire des scores importants dans des élections comme celles-là, a régressé dans des proportions très fortes dans ce scrutin du Var, alors qu'il avait tout pour faire beaucoup mieux encore que la dernière fois.

Regardez les résultats, c'est, je crois, tout à fait symptomatique et important, et c'est pour la majorité, je crois, une garantie supplémentaire qu'en 1998 nous gagnerons les élections législatives.

M. Denoyan : Jean-François Mancel, je vous remercie.

Notre invité, la semaine prochaine, sera Monsieur François Léotard.