Déclaration de M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications, sur les mesures de soutien décidées par le gouvernement en faveur des industries du textile, de l'habillement, du cuir et de la chaussure, Lille le 5 mars 1996.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Franck Borotra - ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications

Circonstance : Déplacement à Lille et Roubaix pour présenter les mesures de soutien du gouvernement à l'industrie du textile, le 5 mars 1996.

Texte intégral

Le Gouvernement d'Alain Juppé décidé de prendre des mesures en faveur du textile, de l'habillement, du cuir et de la chaussure (200 milliards de chiffre d'affaires).

Pourquoi ?

Des secteurs traditionnels, dans certaines régions – c'est le cas du Nord Pas de Calais – aujourd'hui en grande difficulté, malgré un effort considérable de restructuration (de 600 000 à 360 000 emplois en 15 ans), d'investissement (avec des taux d'investissements rapportés à la valeur ajoutée jusqu'à 12 % dans les années 90) et un effort important d'adaptation à la demande et au marché.

Les entreprises avaient retrouvé une certaine compétitivité et aidé à limiter le déficit du Commerce Extérieur.

Ces efforts ont été pour partie anéantis par les dévaluations compétitives à l'intérieur de l'Europe, et d'abord par l'Italie, qui est de loin notre premier concurrent (avantage de compétitivité de 20 %, déficit commercial – 6,6 milliards de Francs, loin devant les pays du Sud Est dont les effets de cette concurrence déloyale ont mis un certain temps à s'exprimer.

Les entreprises ont réduit leurs marges, réduit l'investissement (11,5 % en 92, inférieur à 7,5 % en 94) délocalisé une partie de l'activité.

Puis l'accélération des suppressions d'emplois :

4 % par an avant 1992
6 % par an depuis 1992
1 % par mois dans les derniers mois.

Maintenant ce sont les entreprises qui sont en cause.

Les conséquences sont considérables :

1. un problème de survie de la filière industrielle.

2. un problème grave d'aménagement du territoire.

Je ne parlerai pas du Nord Pas de Calais dont le textile constitue l'une des trois traditions industrielles, avec le charbon et la sidérurgie et ses 46 500 emplois. Mais aussi : Champagne-Ardenne, Lorraine, Alsace, Midi-Pyrénées, Pays de Loire, Aquitaine, Rhône-Alpes, Île-de-France pour le cuir et la chaussure.

3. Enfin un grave problème d'emplois – 60 000 emplois au minimum sur 2 ans, avec les conséquences humaines que l'on sait.

C'est ce qui a justifié l'engagement personnel du Premier ministre, qui a souhaité que soit mis en place un dispositif exceptionnel :

– spécifique compte tenu de l'urgence, pour le textile, habillement et cuir-chaussure ;
– original parce qu'il lie l'aide de l'État à une obligation de résultat sur l'emploi sauvegardé, l'emploi des jeunes ;
– négocié avec les branches et les entreprises,
– soumis à une évaluation, qui conditionne la poursuite du dispositif au respect d'engagements chiffrés.

Le dispositif retenu :

1. sous condition d'un accord dans chacune des branches portant sur la réduction du temps de travail, et le développement du temps partiel.

2. sous condition d'un accord signé avant le 30 mars avec chacune des 3 branches portant sur :

– le nombre d'emplois sauvés (35 000) ;
– l'embauche des jeunes 2/3 embauches pour des jeunes inférieurs à 26 ans (7 000) ;
– la mise en place d'un observatoire professionnel.

3. Un allègement des charges sociales patronales égal à 1 890 F au niveau du SMIC, dégressif jusqu'à 1,5 SMIC :

– applicable à toutes les entreprises de moins de 50 salariés (11 700) ;
– applicable aux entreprises de plus de 50 salariés (1 300) après signature d'une convention avec l'État portant sur le nombre d'emplois sauvés par l'embauche des jeunes, la réduction du temps de travail et le développement du temps partiel.

4. Le taux horaire d'indemnisation du chômage partiel passe au cas par cas et dans le cadre de plan sociaux de 18 à 27 F.

Le coût de ces mesures représente 2,1 milliards par an. Il doit être rapproché des 11,6 milliards de francs que représenteraient en 2 ans les coûts sociaux à supporter par l'État si rien n'était fait (60 000 emplois supprimés). Au total la mesure décidée par le Gouvernement permettra de réduire la charge publique de 2,6 milliards de francs. Elle est exemplaire du recyclage des dépenses passives au bénéfice de l'emploi et de l'activité.

Ces mesures doivent permettre pour les entreprises un gain de compétitivité de 12,5 % à 13 %.

Il faut insister sur l'économie générale de ce dispositif.

Si rien n'est fait, 60 000 emplois disparaissent. Au-delà du coût humain, cela coûtera aux finances publiques sous toutes ses formes = 11,65 milliards de francs.

Le coût de l'opération est de 2,1 milliards de francs auquel s'ajoute le coût des 25 000 emplois qui vont disparaître soit au total 9 milliards de francs.

Dans une telle opération l'État dépensera moins que cela lui coûtera.

Cette demande exceptionnelle et dans l'état non transposable, répond à 2 préoccupations fondamentales du Gouvernement et du Premier ministre.

1. Une préoccupation européenne

L'avenir de l'industrie française est d'abord en Europe. Il faut donc protéger la construction européenne de comportements déstabilisants pour le marché unique.

Il ne serait pas normal que les « bons » européens paient en termes d'activités et d'emplois, pour ceux qui le sont moins.

Le problème des dévaluations compétitives est un problème communautaire qui doit à terme trouver sa solution au plan communautaire.

Nous avons sensibilisé la commission, obtenu une bonification du RETEX. Un assouplissement des conditions d'utilisation des fonds structurels, nous souhaitons un abondement de 100 millions d'écus par les crédits de conversion. Nous avons engagé avec M. Gaudin et Barrot une discussion par réorienter les crédits de l'objectif 2, de l'objectif 4.

Et si ces pays n'acceptaient pas la discipline monétaire, il faudrait envisager de payer les fonds structurels qu'on leur doit en monnaies de leur pays et affecter l'écart de parité aux secteurs industriels menacés.

Parce que nous sommes fondamentalement attachés à l'Europe, il n'est pas acceptable que le marché unique se traduise par l'obligation pour certains, à cause d'une concurrence déloyale d'exporter leurs emplois et d'importer des produits.

La 28ème préoccupation fondamentale est celle des PMI, qui conditionne pour l'essentiel la création d'emplois. La politique du Gouvernement d'aides au développement des PMI doit permettre de :

– élargir notre base industrielle (23 000 PMI entre 50 et 500 personnes) ;
– donner à ces entreprises les moyens d’accroître leur position et de faire face à la concurrence ;
– l'innovation ;
– la normalisation et labellisation ;
– l'aide à l'export ;
– la constitution de fonds propres ;
– la constitution de réseaux ;
– la simplification des aides.