Texte intégral
Date : 15 juillet 1997
Source : La Tribune
La Tribune : L’excédent commercial français bat des records tous les mois. Faut-il s’en féliciter ou y voir plutôt le signe de la faiblesse de la demande intérieure ?
Jacques Dondoux : Au rythme actuel, l’excédent pourrait se chiffrer de130 à 140 milliards de francs en 1997. Je pense que nous allons avoir encore des excédents élevés pendant quatre ou cinq mois. Mais si le gouvernement de Lionel Jospin parvient à faire redémarrer l’économie, si nous retrouvons comme on l’espère une croissance proche de 3 % dès la fin de cette année et encore plus forte l’an prochain, je ne serais pas surpris que l’excédent commercial diminue. Mais il est certain que nous assistons à l’heure actuelle à un tassement des importations, que ce n’est pas bon signe.
La Tribune : Le gouvernement précédent a mené une politique très agressive de promotion du « made in France » Quelles seront les principales orientations de votre action ?
Jacques Dondoux : Je vais être le VRP des PME. Les grandes entreprises n’ont pas besoin de moi. Il est tout à fait anormal que les PME ne réalisent que 25 % de nos exportations. Cela fait des années que l’on parle d’aider les PME à exporter mais peut-être n’a-t-on pas fait grand-chose de concret. Je vais insister pour que les grands groupes entraînent leurs sous-traitants lors d’une implantation à l’étranger. Une autre idée serait de choisir des personnalités du monde industriel qui se verraient confier des missions pour réfléchir pendant une période donnée à tous les moyens de rendre la vie plus facile aux PME exportatrices dans les pays émergents. Les expositions françaises à l’étranger que j’ai l’intention de développer devront être bien ciblées sur des créneaux professionnels et comporter une majorité de PME parmi les exposants.
La Tribune : Que peut-on faire pour encourager l’expatriation des cadres ?
Jacques Dondoux : L’expatriation est un vrai problème. Je vais veiller personnellement à ce que ce plan d’action gouvernemental en faveur de l’emploi des jeunes ait un fort volet international. La suppression du service militaire nous force à réfléchir à la création d’un dispositif très incitatif à l’emploi des jeunes dans les entreprises à l’étranger. Il faudra que le coût soit raisonnable pour l’entreprise et la formule suffisamment attractive pour les jeunes.
La Tribune : Vous êtes un expert des télécommunications. Qu’allez-vous faire pour promouvoir la high-tech française ?
Jacques Dondoux : Vous allez me voir pousser systématiquement ce secteur dans les pays émergents. Nous pouvons conclure des partenariats dans les nouvelles technologies : réseaux intelligents sous systèmes électroniques d’aide à la décision. Les Américains éprouvent des réticences à la faire, nous avons donc une carte à jouer.
La Tribune : Quelles seront les régions géographiques prioritaires ?
La Tribune : L’Asie et l’Amérique latine doivent rester prioritaires. Je rappelle que plus de 40 % de la demande mondiale proviendra d’ici dix ans des pays émergents. Mais il est dommage que la France ne soit pas davantage présent dans une région comme l’Afrique australe. N’oublions pas non plus l’Europe centrale et orientale. J’ai un intérêt particulier pour la Roumanie, pays très tourné vers la France, mais aussi pour l’Ukraine, souvent oubliée, pays à fort potentiel s’il sait réaliser les nécessaires adaptations de son économie.
Date : 22 juillet 1997
Source : LCI
LCI : Le commerce extérieur est largement excédentaire mais a-t-on raison de s’en féliciter ?
Jacques Dondoux : Je crois que le chiffre excellent de commerce extérieur est un bon héritage. On m’a remis de bons chiffres mais ils sont un peu surestimés. D’abord, il y a un premier problème. On compte dans les exportations les excédents de la métropole par rapport aux départements d’outre-mer. Donc, il y a là une trentaine de milliards qui sont mis à contribution. Cela a été rectifié. (…) Ensuite, il y a un deuxième problème qui est la fraude à la TVA. Dans le nouveau système d’imputation de la TVA en Europe, c’est dans le pays destinataire que l’on détermine la TVA. Donc, il y a un certain nombre de gens qui prétendent exporter pour essayer de ne pas s’acquitter de la TVA. Bercy estime cette fraude à 7 milliards, Olivier Dassault parle d’une centaine de milliards. La somme réelle se situe donc entre les deux. Je crois qu’il faut être un peu sérieux et faire en sorte que tout le monde paye la TVA quel que soit l’endroit où il vive en Europe. Néanmoins, il reste un fort excédent. Cela veut dire qu’actuellement le Gouvernement n’a pas de contrainte externe. Il est dans une situation où les exportations sont très nettement supérieures aux importations.
LCI : Ce recul des importations n’est-il pas mauvais signe ?
Jacques Dondoux : Ce n’est pas bon signe effectivement. Il y a importations qui diminuent parce que le dollar monte : les importations d’énergie et de pétrole, par exemple. Il y a aussi le fait qu’on connaît actuellement une langueur de la consommation, que ce soit dans la consommation des entreprises qui s’équipe peu en machines – ce qui déséquilibrerait certainement notre balance – ou le grand public qui est actuellement dans l’expectative et qui consomme moins que l’on pourrait l’espérer. C’est malheureusement comme cela : si la balance de la France s’amoindrit, cela veut dire que l’économie repart.