Texte intégral
Je suis heureux d'être parmi vous, à Bourbriac, dans ce département des Côtes-d'Armor pour me faire pardonner. Il y a un an, à la fin de la campagne présidentielle, je devais venir à la fête de la Rose de ce département et j'ai dû au dernier moment être confronté aux dernières heures de la préparation du débat contre le candidat de la droite. Martine Aubry est venu me remplacer et j'ai constaté que vous ne m'en aviez pas tenu rigueur si j'en juge par les scores de Bourbriac, par les scores de la circonscription de Guingamp et celui des Côtes-d'Armor aux élections présidentielles. Je remercie Michel Bremont, le premier secrétaire de cette fédération, Yannick Botrel, le conseiller général de ce canton et le maire de cette commune. Je salue les sénateurs de ce département. Vous avez souhaité que je vienne à l'occasion d'une fête, le 1er mai qui est historiquement la fête des travailleurs et aussi la fête des loisirs acquise grâce notamment au Front populaire comme si cet événement historique aurait eu pour charge de réaliser ce qu'était le rêve d'un penseur socialiste, petit-fils de Marx, Paul Lafargues qui avait écrit un livre « le droit à la paresse » au moment où le monde salarial était cloué au travail et privé de son droit de loisir et de repos.
Je suis heureux d'évoquer ce jour la mémoire de Philippe Lemaut qui fut élu en 1936, il y a presque 60 ans de cela dans l'assemblée du Front populaire et qui alla rejoindre cette majorité de gauche à l'Assemblée nationale. Il avait réuni 10 591 voix et devancé de 241 voix son adversaire de droite. C'était un agriculteur, fils d'agriculteur. Il animait une revue paysanne qui s'appelait « La charrue rouge ». Il était né à Lannion, il est mort à Lannion. Il avait connu la grande guerre, il s'était battu à Verdun. Il avait voulu, lui aussi, que la guerre ne revienne jamais et le Front populaire c'était cela aussi. J'évoque avec vous son souvenir et ceux qui l'ont accompagné. La mémoire est une chose précieuse car elle éclaire le présent et permet aussi de donner un sens à l'avenir. Ce souvenir notamment du Front populaire est chose difficile. Je voudrais vous dire qu'être fidèle au Front populaire, c'est rassembler des souvenirs sans doute mais c'est aussi tirer des leçons. Cette journée est à la fois journée de soleil et de pluie et évoque assez bien nos vies faites de moments de peine, d'exaltation, de satisfaction. Cette journée exprime assez bien par ce temps changeant ce qu'était le Front populaire avec ses lumières et ses ombres.
Les lumières de cette journée du 3 mai 1936 fut la victoire de la SFIO autour de Blum, mais aussi des communistes, des radicaux. La lumière, c'était cette flamme précieuse, préservée de la démocratie car le Front populaire était un mouvement du peuple contre les ligues factieuses, contre le mouvement quasi insurrectionnel de pression du 12 février 1934 à Paris. C'était le refus du peuple, et d'une partie de ses élites qui disaient à l'époque « il vaut mieux Hitler que Blum, c'était le refus par la France du sort de l'Allemagne, de l'Italie, de l'Espagne, du Portugal, de plusieurs pays, parfois même des démocraties de l'Europe centrale vouées au fascisme, au nazisme, ou aux régimes autoritaires. Et la France a réussi à défendre grâce au Front populaire son modèle républicain même si celui-ci n'a pas survécu aux années de défaite face à l'Allemagne nazie. Les lumières étaient celles qui brillaient dans les yeux des hommes et des femmes qui soulevaient le joug qui pesait sur eux au travail, qui, dans les mouvements de grave spontanés de mai et juin 36, venaient en soutien de la victoire électorale du Front populaire, disaient qu'ils voulaient en tirer un certain nombre de conquêtes et de progrès immédiats et qui dans une atmosphère de fraternité, de fête, occupant les usines mais préservant soigneusement l'outil de travail, montraient qu'il existait comme une force et qu'ils entendaient être respectés comme des hommes et comme des femmes. La philosophe Simone Weil, dans son engagement spirituel, a voulu aller travailler comme ouvrière dans les usines Renault. Elle écrivait à ce moment-là « on pliait sous le joug. Dès que le joug s'est desserré on a relevé la tête ». Oser enfin ses redresser, se tenir debout, prendre la parole à son tour, se sentir des hommes. Voilà ce qu'étaient ces graves qu'elle appelait de la « joie pure ». On a sans doute du mai aujourd'hui avec les conquêtes qui ont été les nôtres dans le Front populaire, dans les années de la résistance, de la pré-résistance, à imaginer ce qu'a pu représenter cette façon d'échapper au labeur quotidien, cette façon de rejeter la lourdeur de l'exploitation, de se dresser comme homme et femme également citoyen et citoyenne au travail. La lumière du Front populaire ce sont les souvenirs et la réalité des grandes réformes politiques et sociales, les congés payés, les premières vacances avec des hommes et des femmes qui n'étaient plus simplement considérés comme des pions apportant la force de travail mais qui se considéraient comme des hommes et des femmes découvrant la liberté et le loisir. Déjà la droite autour de Pétain dénonçait l'esprit de jouissance né des premiers quinze jours de congés payés. Le Front populaire, c'est aussi 3 femmes : Irène Joliot Curie, Cécile Suzanne Lacorre qui entrent au gouvernement à une époque où les femmes n'ont pas encore le droit de vote. C'est la scolarité obligatoire portée de 13 ans à 14 ans, c'est la création du conseil national de la recherche scientifique, c'est le quintuplement des crédits de la recherche, des efforts considérables pour la culture, pour le théâtre, les piscines, les terrains de sport avec Léo Lagrange, le contrôle de la banque de France, les grands travaux pour relancer l'emploi notamment d'électrification. C'est la création de la SNCF en nationalisant l'ensemble des compagnies et des réseaux privés. C'est la nationalisation des industries de guerre face à la menace qui pointe à l'extérieur. C'est la diminution du chômage. Ce sont aussi des ombres qui marquent encore nos mémoires et nos consciences. Et la première, c'est la guerre d'Espagne. Léon Blum disait à l'issue de la défaite des Républicains « si l'on ouvrait mon coeur, on y trouverait graver le mot Espagne ». Il évoquait ainsi la déchirure, le drame de conscience que fut pour lui l'attitude à adopter face à la guerre civile espagnole entre les républicains et les franquistes. Les radicaux, l'allié le plus puissant, était contre l'intervention. La Grande-Bretagne, seule puissance sur laquelle la France pouvait espérer s'appuyer comme allié dans le cadre de l'entente cordiale, aussi. Parce que Blum aussi était d'une génération profondément marquée par le désastre de la 1re guerre mondiale, par la guerre de 14-18, il a finalement fait le choix de la non-intervention en Espagne. Cela reste pour nous un souvenir très difficile. La 2e grande ombre qui surplombe non seulement le Front populaire mais la civilisation européenne, c'est la 2e guerre mondiale, la deuxième guerre civile. Elle ne peut en rien être imputée au Front populaire mais elle est le plus cruel échec de la période, de n'avoir pas su ou pas pu empêcher la guerre à nouveau de revenir. Parfois on a dit, et le journal Sud-Ouest m'a posé cette question « mais est-ce que le Front populaire n'a pas sous-estimé la guerre qui venait, est-ce que la diminution de la durée du travail n'a pas ralenti la production d'armements. Sachez que c'est une accusation totalement injustifiée. Aucune journée de grève dans les industries d'armement, l'effort de guerre a été accéléré et multiplié par 3 ou 4 par le Front populaire entre 36 et 39 alors que c'était les gouvernements précédents, ceux de Doumergue et de Pétain comme ministres de la guerre, qui n'avaient pas accompli l'effort nécessaire face à l'Allemagne. La guerre en 39 pouvait difficilement être évitée tant une force violente, anti-humaine, voulait la mener cette guerre de conquête ou de reconquête. Peut-être aurait-il été possible de l'éviter en évitant d'humilier l'Allemagne en 1918 au Traité de Versailles. En 39-40, elle était inévitable. Elle est dû davantage aux erreurs de conception de l'État-major français attaché à l'idée d'une défense continue alors que l'Allemagne s'était engagée dans la guerre de mouvement, malgré les appels prophétiques du jeune colonel de Gaulle. La dernière ombre c'est le vote des pleins pouvoirs à Pétain. C'est pour nous une tâche difficile à oublier que de penser que c'est le Parlement, le sénat et chambre des députés issue des élections de 1936 qui va voter en juillet 40 les pleins pouvoirs constitutionnels au maréchal Pétain. 35 parlementaires socialistes dont Léon Blum refusent le texte présenté par Pierre Laval, les autres plièrent dans l'atmosphère de débâcle qui pesait à l'époque sur la France et ne furent réintégrés à la SFIO après la guerre parmi ces parlementaires. Le Front populaire est donc brisé par la guerre qui vient. Il disait la paix et il n'a pas pu préserver la paix face à une puissance militaire, idéologique et politique qu'il a fallu briser par la guerre. Il disait la liberté, le pain et la paix. Et il a préservé la liberté et la République avant que la guerre ne la disperse et que la victoire ne la redonne. Ce Front populaire renaît en 1945. Le fascisme, le nazisme brisé, le programme du conseil national de la Résistance s'inspire à beaucoup d'égards des premiers actes fondateurs du Front populaire et c'est un nouveau rassemblement de gauche qui s'opère dans le pays avec les socialistes, les communistes, avec cette force nouvelle du moment, le MRP issu du mouvement chrétien. Et c'est une leçon en Bretagne qui n'a pas été perdue par les socialistes qui ont su dans les années 60-70 opérer cette synthèse entre la tradition laïque et républicaine et le message du progressisme chrétien pour aboutir à des victoires, des pas en avant dont vous avez été vous-mêmes les porteurs.
Quelles sont aujourd'hui les leçons que nous pouvons tirer du Front populaire ? Quelle est l'actualité du Front populaire ? Le contexte international qui avait à l'époque peser si lourdement est aujourd'hui bien sur apaisé. Les grandes nations européennes qui s'étaient combattues à travers les siècles sont rassemblées dans une union politique et dans une communauté fraternelle. Ne pèse plus sur nous la menace terrible du fascisme ou bien plus tard la menace du totalitarisme communiste. Mais nous savons bien que si la paix est revenue en Europe, des menaces existent encore. Nous l'avons vu avec la renaissance des ferments de nationalisme, de racisme autour des thèmes de la purification ethnique dans la Yougoslavie explosée. Nous les voyons avec les regains de nationalisme ou avec les mouvements intégristes qui s'emparent de grands courants spirituels. Nous le voyons aussi lorsque nous pensons au risque qui existe dans l'ancienne Union soviétique avec ses potentiels nucléaires qui subsistent, ces démocraties balbutiantes, ces États qui se défont, ces nations puissantes anciennement humiliées et qui cherchent à redonner une certaine fierté à leur peuple et je juge imprudente et coupable l'attitude de complaisance des gouvernements européens et en particulier du gouvernement français à l'égard de la politique menée contre la Tchétchénie par la Russie. C'est pourquoi nous devons défendre la paix partout où elle est menacée et la paix partout où elle peut se frayer un chemin. Et c'est pourquoi au Proche-Orient nous devons appuyer ceux qui défendent le processus de paix israélien et palestinien et dénoncer les forces qui veulent détruire ce processus de paix car c'est le seul passage que l'on peut offrir non seulement à Israël mais aussi au peuple arabe dans cette région avec comme perspective la paix, la démocratie et le développement.
Le Front populaire c'était la République qui se défendait contre les ligues factieuses et la République aujourd'hui bien sûr n'est pas menacée. Mais il existe aujourd'hui une force d'extrême-droite qui porte à nouveau le message de la haine, le message de l'hostilité et du mépris de l'autre, le message de la xénophobie, du racisme et même aussi le message de l'antisémitisme. Nous devons combattre le Front national. Nous ne devons pas oublier que, de la même manière, Maurras au moment et après le Front populaire appelait à fusiller dans le dos le juif Blum comme parlait cette extrême droite de l'époque. Nous ne devons pas oublier que le 1er mai dernier en 1995, à l'occasion d'une manifestation du Front national, un jeune maghrébin a été noyé, assassins par des skinheads qui entouraient ce cortège, poussant François Mitterrand à aller symboliquement jeté une rose le 1er mai. Nous ne devons pas oublier cette droite extrême et nous devons la combattre avec force. La République n'est pas menacée à condition qu'elle ne renonce pas à elle-même, à ses valeurs. Lorsque l'on voit la commission présidée par M. Philibert, député RPR, faire des propositions qui aboutissent à remettre en cause des droits fondamentaux comme le droit à l'éducation, à la santé, à la famille, on voit, qu'au sein même de la majorité actuelle, et non pas dans l'extrême droite, s'expriment des positions qui tournent le dos au message républicain tel qu'il vit dans notre pays depuis 1789, Le Front populaire a été aussi une action économique et sociale. Il est bien évident que depuis 1936 grâce aux conquêtes de 1945, grâce au nouveau pas en avant fait en 1981 (retraite à 60 ans, 5e semaine de congés payés, en 1988 avec le revenu minimum d'insertion), la situation des travailleurs dans notre pays s'est singulièrement améliorée. Mais nous constatons à nouveau la présence du chômage de masse dans les sociétés occidentales et particulièrement en France. Nous voyons que renaissent la précarité et les inégalités. Nous voyons que tend à se développer un désespoir dans une partie de la jeunesse, notamment de la jeunesse sans travail et dans une partie des milieux populaires. Nous voyons, qu'en France plus qu'ailleurs, mais aussi dans d'autres pays européens, se font des tentatives pour remettre en cause les droits acquis, la sécurité sociale, la législation du travail, le développement systématique des contrats précaires là où existaient avant les contrats à durée indéterminée donnant la stabilité de l'emploi et la garantie d'une vie digne aux familles. Nous voyons aujourd'hui, on en parlait à propos d'un plan d'austérité préparé en Allemagne, on en parlait aussi à propos des nouvelles déclarations de M. Chirac disant qu'il fallait donner un tour de vis supplémentaire à l'austérité, qu'il fallait réduire de façon drastique les dépenses publiques. Nous voyons la tentation de politique d'austérité, de politique de déflation comme elles ont existé dans un contexte différent dans les années 30. Nous voyons que la tentation est de ne pas essayer d'alléger les dépenses sociales en remettant les hommes au travail mais de remettre en cause les acquis sociaux sous prétexte que l'emploi manque et que la croissance n'est pas recherchée. Il faut donc que nous prenions position très clairement contre ces politiques d'austérité d'autant que si elles sont menées à l'échelle de l'ensemble des pays européens, cela va donner une force supplémentaire, si je peux dire, à cette régression économique et sociale. Dans cette situation, nous devons nous-mêmes socialistes, force de gauche, offrir des perspectives aux Français. Les promesses faites par le candidat Chirac lors de l'élection présidentielle se sont envolées. Et nous voyons bien que l'essentiel de cette campagne a relevé d'une mystification. On nous disait à l'époque qu'il s'agissait de dépasser le clivage gauche-droite, ce qui est d'ailleurs une vieille tradition française qu'on peut relier au Bonapartisme mais nous voyons bien maintenant, qu'en réalité, il s'agissait de se défaire d'un antagonisme au sein de la droite entre Balladur et Chirac. Nous voyons bien aujourd'hui qu'il ne reste rien des engagements de mai 1995 pris par le Président de la République. Il fallait relancer l'activité économique, nous avons une quasi-stagnation. Il fallait recréer l'esprit d'enthousiasme et d'initiative, nous avons le scepticisme et l'inquiétude dans la population. Il fallait augmenter les salaires directs, on bloque les salaires. Il fallait défendre le service public, on privatise les entreprises publiques. Il ne fallait pas maîtriser les dépenses de santé, on met en cause la sécurité sociale et notamment la parité en redonnant au patronat dans les instances de sécurité sociale un poids disproportionné. Alors de la campagne présidentielle, que reste-t-il sinon un discours que le Président de la République tient comme écho à son discours de candidat, cependant que le gouvernement d'Alain Juppé lui dément jour après jour ce discours. Mais ce double langage, mais cet écart entre les discours dominicaux et les actes de la semaine sont en train de créer dans notre pays à nouveau un sentiment de scepticisme à l'égard du discours politique, à l'égard de l'action politique elle-même. Nous voyons en même temps que des forces au sein de la majorité sont prêtes à lancer des passerelles avec l'extrême droite vu l'incertitude pour elle des élections législatives de 1998. Nous devons combattre clairement l'extrême droite non pas seulement parce qu'elle est xénophobe et raciste, parce qu'elle serait une menace pour nos libertés mais aussi parce que si vous l'examinez de près le programme du Front national est un programme anti-social, est un programme ultra-capitaliste, est un programme qui augmenterait la précarité dans les milieux populaires et c'est notamment en faisant l'analyse économique et sociale et pas simplement l'analyse en termes de droits de l'homme du programme du Front national faut démystifier ce langage dans les milieux populaires. Nous devons nous opposer à la droite au pouvoir infidèle à ses promesses, réinstallée dans le conservatisme, inefficace dans son action et ne proposant aucune perspective au pays. Manque de confiance, critiques, déception, voilà ce qu'expriment les Français. C'est pourquoi c'est à cela que je consacrerais toutes mes forces dans les mois qui viennent. Nous devons travailler à une alternance qui soit véritablement une alternative. Bien sûr nous avons l'impression que l'élection présidentielle est juste derrière nous mais ayez à l'esprit que quand nous serons en 1998, la droite sera au pouvoir depuis 5 ans. Vous le savez, vous le pensez, vous l'avez montré ici avec éclat, nous avons pendant l'élection présidentielle à la fin d'un cycle historique lié à la personnalité de François Mitterrand, dans un moment où il était extrêmement difficile de gagner, nous avons su préserver ensemble l'essentiel. Nous avons progressivement redressé notre image notamment l'image du Parti socialiste dans l'opinion. Nous gagnons semaine après semaine des élections législatives ou cantonales partielles et avons depuis le mois d'octobre reconquis 8 sièges de députés sur la droite. Nous en avons fini avec les querelles internes et je veille, vous le savez, avec attention à la fois sur notre diversité qui est notre nature et notre richesse et sur notre unité. Nous avons repris, et j'ai proposé au Parti socialiste, une réflexion collective sur l'ensemble des problèmes auxquels sont confrontés les Français.
Après avoir redéfini dans les mois qui viennent de s'écouler notre politique européenne, notre analyse de la mondialisation, une mondialisation que nous savons inéluctable mais que nous ne voulons pas accepter passivement, une mondialisation qui implique des régulations, des règles monétaires, commerciales, sociales à l'échelle internationale et une régulation pour laquelle l'Union européenne doit se battre, nous avons aussi dans ce débat redéfini notre politique européenne. Vous avez compris que si l'Europe est une Europe libérale, qui défait ses mécanismes protecteurs, qui ne s'affirme pas par rapport aux grandes puissances concurrentes, elle se dissoudra, elle n'existera plus comme Europe et elle sera boudée par les peuples. C'est pourquoi nous voulons une Europe économique, une Europe de la monnaie unique mais aussi une Europe sociale, une Europe pour l'emploi, une Europe pour la croissance.
Le deuxième débat que nous allons engager va porter sur la démocratie. Pas simplement le fonctionnement défectueux de la 5e République mais aussi le mouvement social de novembre et décembre, le niveau de culture acquis par nos concitoyens et par nos jeunes, tout cela implique que l'on gouverne autrement, que les citoyens ne soient pas des hommes et des femmes qui se contentent de mettre un bulletin de vote dans l'urne tous les 9 ans pour les sénateurs, les 7 ans pour le président, les 6 ans pour les maires ou les 5 ans pour les députés mais qu'ils soient des hommes et des femmes qui soient des acteurs de leur propre vie. Dans la démocratie locale, dans la démocratie sociale, c'est-à-dire dans la démocratie d'entreprise par la démocratie citoyenne, nous allons avec vous réfléchir à la façon dont on peut mieux diriger un grand pays moderne comme la France qui ne veut pas être dirigé purement et simplement d'en haut par une techno-structure.
À la fin de l'année, nous aborderons à l'automne le débat sur la redistribution, la réduction des inégalités, la lutte pour l'emploi, c'est-à-dire tout le problème de la redistribution. Nous devrons conduire des politiques économiques qui partent de la hiérarchie des préoccupations des Français. Quand on les interroge et cela depuis longtemps maintenant qu'est-ce qu'ils mettent en avant si ce n'est la question du chômage et donc la question de l'emploi. Or ce n'est pas cette politique économique qui est au premier plan des préoccupations. On nous parle monnaie, mais c'est important d'avoir une monnaie stable ; on nous parle déficit public et il vaut mieux éviter de laisser se creuser les déficits ; on nous parle d'avoir une hausse des prix faible et il n'est pas bon d'avoir une inflation trop forte ; on nous parle de commerce extérieur et c'est excellent d'avoir un excédent de notre commerce extérieur. Mais puisque nous avons une monnaie stable, puisque nous avons des prix bas, puisque nous avons un excédent de notre commerce extérieur et bien il faut consacrer l'essentiel de nos efforts au développement économique et à l'emploi. C'est la notamment que la question de la diminution de la durée du travail devra être au coeur de notre politique.
En 1997, l'année prochaine, nous aurons fini avec ces grands débats et nous serons en mesure d'élaborer le programme, le contrat avec lequel les socialistes et la gauche iront aux élections législatives. Cette élaboration de nos propositions, il ne faut pas que nous les menions en vase clos. Il faut que vous soyez au maximum au contact des gens, que vous partiez du vécu, des préoccupations, des exigences, des suggestions des Françaises et des Français qui sont ici dans ce département et nous-mêmes nous ne voulons pas mener ce débat uniquement entre socialistes. Nous voulons renouer le dialogue avec les forces de gauche. Je me réjouis et j'y ai contribué vous le savez en développant les Assises de la transformation sociale d'un nouvel état d'esprit qui existe à gauche. À droite, on se dispute. À gauche, on dialogue. Nous débattons, nous nous rencontrons, nous nous rapprochons. Nous savons aussi qu'il y a des différences entre nous et bien ce sera au peuple de les trancher au cours des élections législatives et des autres élections de 1998 en disant quelle est l'orientation, quels sont les choix principaux qu'ils préfèrent. C'est sur la base de ces votes, de ces choix que nous aurons à prendre les responsabilités qui seront les nôtres en 1998. C'est pourquoi, pour terminer, je voudrais vous dire que dans cette année 1996, ne vous laissez pas aller au sentiment de déception, d'amertume, de désarroi qui trop souvent domine dans notre pays aujourd'hui. Travaillez par une action patiente, par une réflexion collective, par des contacts noués avec les gens, avec le peuple l'élaboration de nouvelles propositions pour le rendez-vous de 1998. Si nous nous tournons vers les autres, si nous partons de leur vécu et de leurs expériences en avançant nos propres propositions, oui je crois que nous remporterons en France des succès mais ce dont je suis sûr c'est que dans les Côtes-d'Armor nous rencontrerons un triomphe.