Texte intégral
Date : du 12 au 18 juin 1997
Source : L’Événement
EDJ : Est-il envisageable de diminuer assez vite la place prise par la voiture dans les grandes agglomérations ?
Dominique Voynet : Ce n’est pas seulement envisageable, c’est indispensable. La circulation automobile a des effets désastreux sur la santé. Toutes les études le montrent. Comme l’ont fait beaucoup de grandes villes du nord de l’Europe et d’Allemagne, la seule réponse, c’est de faire reculer la voiture et de rééquilibrer les transports au profit des moyens collectifs, de la marche et du vélo. Les exemples de Nantes et de Strasbourg montrent que la volonté politique permet de faire beaucoup de progrès en peu d’années, grâce à la mise en service d’un tramway, au développement d’un réseau de pistes cyclables et à la réorganisation de la circulation pour dissuader les automobilistes d’utiliser leur véhicule en centre-ville.
EDJ : Étant donné son poids économique, est-il possible de faire bouger le lobby automobile ?
Dominique Voynet : Contrairement à une idée reçue, pour un nombre équivalent de « kilomètres x voyageurs », les transports en commun créent beaucoup plus d’emplois que l’automobile. Pour des raisons de santé publique, d’économie d’énergie et de reconquête de l’espace, il est vital de diminuer la place de la voiture. Cela impose de réfléchir à la reconversion d’une partie des entreprises du secteur. Et c’est seulement une réflexion à long terme qui permettra d’éviter des événements aussi scandaleux que la fermeture brutale de l’usine de Vilvorde.
EDJ : Avez-vous le sentiment, sur ces questions, d’être en phase avec les autres composantes de la nouvelle majorité ?
Dominique Voynet : Tout à fait. Aussi bien l’accord entre les Verts et le Parti socialiste que les discussions avec le Parti communiste montrent que nous avons tous conscience de la nécessité d’un rééquilibrage entre les différents modes de transport au profit des transports collectifs pour les personnes et du rail pour les marchandises. Je ne doute pas que nous nous mettrons d’accord.
EDJ : D’après notre enquête, huit mesures permettent d’améliorer la situation. Quel est votre avis sur chacune d’elles ?
1. Faire des bus un vrai « métro de surface » pour remédier à la lenteur.
Dominique Voynet : Bien sûr. Cela passe par la circulation des bus en site propre pour les mettre à l’abri des embouteillages.
2. Ressusciter le tramway.
Dominique Voynet : Évidemment. On voit son succès à Nantes et à Strasbourg, mais aussi à Grenoble et entre Saint-Denis et Bobigny. On espère le voir revenir prochainement à Paris.
3. Arrêter de tracer des lignes radiales et investir dans les transversales, de banlieue à banlieue.
Dominique Voynet : C’est clair. C’est dans les liaisons banlieue-banlieue que croît énormément aujourd’hui le trafic automobile, faute d’avoir pris à l’avance la mesure des besoins.
4. Donner sa chance au multimodal, en développant des parkings sûrs à proximité des stations, pour les voitures et pour les deux-roues.
Dominique Voynet : C’est une évidence. Le vélo a un inconvénient, son faible rayon d’action, qui devient bien plus grand s’il est possible de le garer sans danger près d’une station ou même de l’emporter aisément dans un transport collectif.
5. Libérer les quartiers de la circulation automobile.
Dominique Voynet : C’est ce qu’on appelle le réseau vert. Il s’agit d’un réseau de rues qui permet de circuler à pied ou à vélo d’un quartier à l’autre.
6. Améliorer les possibilités de « liaisons douces » tout en protégeant mieux les cyclistes et les piétons.
Dominique Voynet : Le réseau vert le permet, car la rue n’est pas seulement un boyau destiné aux seuls déplacement, mais aussi un endroit à vivre, où l’on doit trouver du plaisir.
7. Installer des centres de distribution urbaine pour le fret et optimiser les tournées de livraison.
Dominique Voynet : Encore une nécessité, car la technique des flux tendus est une catastrophe en matière de pollution. Elle aboutit à faire circuler des camions aux trois quarts vides, qui polluent tout autant que des camions pleins, mais beaucoup plus souvent. Favoriser plutôt le transport des marchandises par rail !
8. Instaurer une autorité unique pour l’Île-de-France en matière de transports.
Dominique Voynet : La loi sur l’air, comme la loi d’orientation des transports intérieurs, adoptée en 1982, prévoit la mise en place de plans de déplacements urbains. C’est la bonne façon d’envisager le problème puisque cela permet d’avoir une vision globale des transports en agglomération et de prendre les mesures nécessaires pour arriver à une amélioration durable de la qualité de l’air.
Date : 21 juin 1997
Source : Vert contact
Chères amies, chers amis
Tout d’abord, merci à vous tous. Merci à toutes celles et tous ceux qui m’ont adressé des messages de soutien chaleureux. Merci à toutes celles et tous ceux, candidat(e)s et militant(e)s, qui ont fait de cette campagne législative, menée tambour battant, dans des conditions souvent difficiles, un succès pour Les Verts. Et enfin, merci (si l’on peut dire !) à vous tous de m’avoir envoyé dans une telle galère !
Beaucoup d’entre vous s’interrogent sans doute sur la façon dont nous avons abordé cette nouvelle tâche souvent exaltante, très dépaysante, et diaboliquement compliquée. En passant sur les anecdotes, les rituels et le protocole, auxquels nous avons dû nous habituer très vite, je commence donc par quelques informations.
Comme vous le savez, le ministère est celui de l’aménagement du territoire et de l’environnement. Et cet assemblage est déjà une victoire. L’ordre des titres lui-même est important et nous avons tenu à l’afficher lors des passations de pouvoir : d’abord avec Gaudin, puis avec Lepage.
La première de nos tâches fut le « décret d’attribution », le document fondamental qui définit les pouvoirs du ministère. Ce fut l’occasion de commencer à traduire dans les faits nos orientations politiques. D’une part, le décret réunit les attributions dévolues précédemment aux ministères de l’aménagement du territoire et de l’environnement. D’autre part, il fait clairement référence, et cela pour la première fois, au « développement durable » dans son article 1. Enfin, il met pour la première fois la DSIN (1) sous la cotutelle de l’industrie et du ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement, cette cotutelle étant une première étape vers l’indépendance de l’IPSN (2) vis-à-vis du CEA (3). D’ores-et-déjà, le principe de contrôleur-contrôlé cher à l’institution nucléaire est battu en brèche.
La seconde étape fut la constitution du cabinet. J’ai choisi de constituer un cabinet pluridisciplinaire aux compétences très complémentaires. Un cabinet qui comprenne et des militants et des professionnels. Un cabinet qui soit politique et fonctionnel. Et cela en nous tenant à égale distance de deux risques :
- d’un côté, celui d’un cabinet très militant, très politique, au sein duquel nous nous serions sentis à l’aise, mais qui risquait très vite d’être coupé, car incompris, des services du ministère, comme des cabinets des autres ministères. Or, c’est là que se trouvent les clefs des nombreuses luttes que nous menons, tous ensemble sur le terrain (autoroutes, incinérateurs, centrales, « labos », etc.). Un cabinet « Vert », c’était à coup sûr le plaisir sans l’efficacité.
- d’un autre côté, le risque d’un cabinet à fort potentiel technique (voire technocrate), qui garantissait une bonne capacité de « gestion » du ministère, mais qui risquait de tuer la fibre militante. C’était l’efficacité, sans l’alternative. Nous avons essayé de marier les deux cultures, avec un certain succès, je crois. Nous le vérifierons dans quelque temps.
Et puis, nous nous sommes tout de suite mis au travail. J’ai tenu à insister d’emblée sur les deux grandes orientations de la campagne, inscrites dans l’accord Verts/PS : l’arrêt de Superphénix et du canal Rhin-Rhône. Et à l’occasion de l’ouverture d’une enquête publique sur l’A51, nous avons pu, avec mon collègue Jean-Claude Gayssot, donner un premier contenu à l’idée de moratoire sur les autoroutes.
Ces orientations ont été remarquées, et elles suscitent déjà des réactions hostiles. C’est la loi du genre. Simultanément, et parce que nous ne voulions surtout pas nous voir accoler l’image « écolos = contre l’emploi », nous nous sommes attelés aux politiques de long terme, en commençant par affirmer et démontrer qu’aménagement du territoire et environnement sont créateurs d’emplois. C’est mon chantier prioritaire.
Au cours de ces deux premières semaines, nombre d’entre vous nous ont sollicités pour que nous puissions appuyer les luttes menées sur le terrain. Nous avons commencé à le faire et nous le ferons le plus souvent possible, dans le domaine de nos attributions, en privilégiant l’efficacité sur le terrain plutôt que l’affichage d’effets d’annonce sans suite.
Mais les victoires que nous obtiendrons seront d’abord les vôtres. Car en aucun cas, il ne nous sera possible d’obtenir des succès si vous n restez pas mobilisés sur le terrain, exigeants vis-à-vis de nous comme de nos partenaires. Et cela vaut aussi bien pour les domaines d’attribution de mon ministère que pour l’ensemble des politiques gouvernementales (35 heures, sans-papiers, etc.).
Car pour nous permettre de nouvelles victoires demain, Les Verts doivent rester Les Verts et garder leur liberté de parole comme leur impertinence. C’est pourquoi je proposerai au CNIR des journées d’été de suspendre mes responsabilités de porte-parole nationale, afin de me consacrer pleinement à ma fonction gouvernementale.
Les semaines et les mois qui nous attendent vont être exaltants et difficiles à la fois. Je sais pouvoir compter sur vous pour nous appuyer, et si nécessaire nous rappeler à l’ordre !
Amitiés à vous tous,
(1) DSIN : direction de la sûreté & des installations nucléaires.
(2) IPSN : institut de protection et de sûreté nucléaires.
(3) CEA : commissariat à l’énergie atomique.
Date : 30 juin 1997
Source : Le Journal du Dimanche
« Je suis là en tant que ministre bien sûr, mais aussi comme militante, femme, citoyenne et porte-parole des Verts. Je n’ai demandé d’autorisation à personne. Je suis convaincue que cela ne pose aucun problème. Chaque ministre a le droit de se positionner sur des problèmes de société qui engagent ses convictions personnelles. J’ai toujours plaidé pour le droit de chacun à vivre sa sexualité comme il l’entend, dans le respect des autres ; le droit pour chacun de nouer des liens durables avec une personne du même sexe ou de sexe opposé. Tant que la loi est en retard sur les usages sociaux, cela encourage les comportements intolérants. Il faut rompre ce cercle vicieux. Avec les Verts, nous défendons depuis longtemps l’idée d’un contrat civique, sociale ; le nom a changé, mais c’est ce même principe qui est actuellement défendu. Notre combat commun, c’est le droit à l’indifférence plus qu’une fierté homosexuelle. Je ne ressens aucune fierté en raison de mes orientations sexuelles et je ne pense pas les homosexuels insistent sur cette fierté. Ce combat sera gagné le jour où il sera complétement égal à tout le monde de savoir sui untel ou untel est homosexuel ou hétéro.